En février je présentais avec intérêt la décision du gouvernement du Québec d’aller de l’avant avec la première étape d’un système de plafonnement et d’échange de crédits de carbone. À partir du 1er janvier 2013, 75 grandes entreprises (des alumineries, des cimenteries et des minières, en plus d’Hydro-Québec), parce qu’elles émettent chacune 25 000 tonnes de GES ou plus par année, se verront imposer un plafond de pollution, conditions nécessaires à la mise en place d’une bourse des crédits de carbone. Puis en 2015 les distributeurs de carburants devront aussi se soumettre à un plafond d’émissions. Le prix de base pour les crédits a été fixé à 10 $ par tonne de GES.
Mais dans le même billet, je mentionnais qu’il y avait lieu de s’inquiéter du fait que le gouvernement pourrait être très ‘libéral’ dans la distribution des permis. Équiterre a déjà mise en doute la première version du projet qui comprenait certaines faiblesses (trop de mécanismes de flexibilité ou d’échappatoires pour certains secteurs), déçu de voir que le secteur des transports, la plus importante source d’émissions de gaz à effet de serre au Québec, était épargné jusqu’en 2015. Et cela est d’autant plus inquiétant qu’il est prévu que le Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques sera entièrement financé à partir des revenus issus de la vente de droits d’émission de GES sur le marché du carbone. Les revenus associés à la vente de permis d’émission sont estimés à 425 millions de dollars par année à partir de 2015-2016, ce qui dépasse largement les revenus de 220 millions engendrés par la redevance actuelle (redevance qui sera éliminée). Cela nous semble périlleux de faire reposer la totalité du financement d’une politique aussi importante que le Plan d’action sur ce seul marché. Même Thomas Crocker, l’économiste à l’origine de la théorie du plafonnement et de l’échange des droits de pollution, serait aujourd’hui sceptique quant à l’efficacité d’un système de marché du carbone comme solution unique au réchauffement climatique. Il pense maintenant qu’une taxe sur le carbone serait un moyen plus efficace pour régler ce problème.
D’autant plus qu’on connaît aussi les difficultés éprouvées par le marché européen du carbone. Pour diverses raisons (émission trop généreuse de permis, ralentissement économique), le marché est inondé de permis dont le prix est passé de 30 euros par tonne de GES à moins de 8 euros. Ce faisant, le marché du carbone n’incite plus les entreprises à adopter des technologies plus vertes et le gouvernement affecte négativement le marché s’il souhaite émettre de nouveaux droits d’émission pour financer diverses politiques environnementales.
Il est donc nécessaire de continuer à soutenir en parallèle l’utilisation des taxes sur le carbone pour compléter le système de plafonnement. L’Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec (TRANSIT) recommande de quintupler la redevance actuelle sur les hydrocarbures de façon progressive d’ici 2015 pour financer les investissements dans les transports collectifs à travers le Québec. Cette augmentation permettra d’étaler dans le temps, de manière ordonnée et progressive, l’augmentation prévue des sommes perçues auprès des distributeurs de carburants et de combustibles fossiles jusqu’à leur assujettissement au marché du carbone à partir de 2015.
Pour conclure, on peut constater dans le tableau suivant que nos taxes sur l’essence restent faibles lorsqu’on se compare aux autres pays développés. Des taxes plus élevées sur l’essence n’ont pas les effets catastrophiques que prophétise le lobby du pétrole. Il nous reste donc des marges de manœuvre sur ce plan, tout en sachant cependant que plus les écarts seront élevés avec les taxes de nos voisins, plus les risques de favoriser les fuites seraient élevés.
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