Le secteur manufacturier du Québec pâti de la devise canadienne élevée et du protectionnisme étatsunien. Comme je le soulignais dans un billet récemment, les productions de Mabe et d’Electrolux seront transférées à d’autres usines existantes de ces entreprises aux États-Unis et au Mexique. Dans ce billet, je m’appuyais sur les appels d’économistes renommés en France et aux États-Unis pour réclamer que le Québec s’engage rapidement dans une nouvelle stratégie industrielle en misant sur la reconversion écologique de son économie. Mais nous n’avons pas à attendre cette solution qui est à toute fin pratique impensable sous le gouvernement libéral. Ne serait-il pas temps, en cette année internationale de la coopération, de redonner un élan à une reprise en main de certaines de ces entreprises par la formule coopérative ?
Je suis récemment tombé sur un texte portant sur la célèbre expérience de la Coopérative de Mondragon, dans le pays Basque espagnol. Voilà maintenant 55 ans que la Coopérative de Mondragon contribue à bâtir l’économie basque, et dans le même temps à démontrer la viabilité d’un modèle coopératif gagnant. Aujourd’hui, il y a 120 coopératives membres du groupe et 35 000 employés basques : six entreprises de service dans des domaines aussi variés que des consultants ou des fournisseurs pour des cantines, 12 coopératives de recherche, 7 coopératives d’éducation, 4 entreprises agricoles, et surtout 87 entreprises industrielles dans tous les domaines : sous-traitance automobile, électroménager, fabricant d’ascenseurs, agro-alimentaire, filière bois, etc…. Parmi ces entreprises coopératives manufacturières, on trouve Fagor, celle qui m’a fait réfléchir à la situation québécoise actuelle.
L’aventure de la coopérative de Mondragón commence en 1943 avec la création d’une école professionnelle à l’initiative du père Don José Maria Arizmendiarrieta, prêtre républicain qui cherchait une alternative de développement opposée à la fois à la dictature franquiste et aux révolutionnaires. En 1955, des anciens élèves de cette école reprennent une entreprise en difficulté, à partir de laquelle ils créent la coopérative Ulgor (qui deviendra ultérieurement Fagor) qui se veut alors une entreprise coopérative de chauffage électrique. Aujourd’hui, le Groupe Fagor est devenu le 5e groupe européen d’électroménager, il est numéro 1 en France et en Espagne (plus de sept millions d’appareils sont vendus chaque année). Le groupe possède 16 usines, situées en Espagne, en Pologne, au Maroc et en Chine, ainsi qu’en France et en Italie via sa filiale FagorBrandt. Il produit des hottes, fours, tables vitrocéramique et induction ; des réfrigérateurs et congélateurs ; des lave-vaisselle, sèche-linge, micro-ondes.
Mais il n’y a pas que cette vieille tradition coopérative qui m’a incité à penser que le moment était propice pour une résurgence de la formule des coopératives de travail. Aux États-Unis, bouleversé par une crise économique comparable à celle des années 1930, le mouvement syndical pourrait multiplier des initiatives comme celle qu’envisagent de prendre les travailleurs du fabricant de fenêtres Serious Energy, de Chicago. On se souviendra qu’en 2008 c’est sous le nom de Republic Windows and Doors que cette entreprise s’était fait connaître, suite à l’occupation de l’usine par ses travailleurs, qui exigeaient qu’on leur donne leur paye de vacances et de séparation suite à la fermeture de l’usine. Ce qu’ils avaient obtenu en partie grâce au soutien du président nouvellement élu, Barak Obama. Plus de trois ans plus tard, les travailleurs occupent encore une fois l’usine, qui avait entretemps été racheté par l’entreprise californienne Serious Energy. Aujourd’hui on réclame un délai de 90 jours « to finding a new buyer for the plant or if we can, buy the place ourselves and run it, » a déclaré à la presse Armando Robles, président du Local 1110 de l’UE. « We can run this company, rajoute Juan Cortez, un travailleur avec 23 ans d’expérience dans l’entreprise. We got smart people [to] manage the money. We can find customers. We know how to run the company. »
Pour revenir au cas de Mabe, est-ce que l’établissement montréalais avait un service de R&D sur place, ce qui pourrait faciliter le redémarrage sur la base du développement de nouveaux produits « Fabriqués au Québec » ? Ou encore, est-ce possible de voir avec le Groupe Fagor si une filiale québécoise leur permettrait d’envisager le développement du marché nord-américain ? Je dois justement changer mon poêle bientôt : ce serait bien si je pouvais acheter un produit coop !
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