« Le désastre engendré par la crise a attiré l’attention sur les niveaux croissants d’inégalité des revenus dans la plupart des pays avancés. Après la crise, la récession a infligé les plus dures épreuves aux personnes les plus vulnérables, et ce, avec pour toile de fond une tendance préoccupante. Non seulement une part disproportionnée des coûts de la Grande Récession a été supportée par les ménages à revenu faible et moyen, mais ceux-ci ont récolté moins que leur part des hausses de revenu enregistrées pendant la [période qui l’a précédée]. Ces gains ont été répartis en faveur des ménages au revenu plus élevé. […] Alors même que les écarts entre pays ont diminué, le fossé entre les riches et les pauvres s’est creusé dans de nombreux pays. »
Non, ce n’est pas Amir Khadir qui présenté ce constat de la crise actuelle. Il provient d’un discours de Tiff Macklem, premier sous-gouverneur de la Banque du Canada, devant la Chambre de commerce Brésil-Canada à São Paulo (Brésil) au début du mois de mars. C’est un constat que nous partageons dans ses grandes lignes. Mais c’est à peu près la seule chose de son discours pour laquelle c’est le cas. C’est que le diagnostic n’est pas correctement posé. Le problème actuel n’est pas issu de la récente crise. Le problème, c’est le pouvoir démesuré des secteurs de la finance et des énergies sales, qui s’accaparent des richesses du monde pour le plus grand malheur de la population, de l’économie réelle et de la planète. Or les solutions proposées par M. Macklem ne changeront rien à ce phénomène.
Prenons l’exemple des profits des banques canadiennes, cet oligopole protégé par un ensemble de mesures protectionnistes du gouvernement fédéral. Les profits combinés des cinq plus grandes banques canadiennes (la Banque nationale ne fait pas partie de cette élite canadienne) ont connu une augmentation de 6% au seul premier trimestre de 2012, malgré les soubresauts des marchés. Elles ont engrangé des profits nets combinés de 6,71 milliards $ durant les trois mois clos le 31 janvier 2012, comparativement aux 6,34 milliards $ enregistrés durant la même période de l’année précédente. Il n’y là rien de surprenant puisque, comme nous le disions dans un billet précédent, l’influence de cet oligopole sur le pouvoir politique fédéral leur permet de s’assurer, peut importe la situation économique mondiale, des bénéfices alléchants, année après année.
Comme l’affirme même un rapport de PricewaterhouseCoopers, les banques canadiennes ont beau jeu, malgré quelques contrariétés. La CIBC, la Scotia et la BMO ont connu des profits nets à la hausse de 9%, 15% et 34% respectivement. Les avantages nets d’impôts de 114 millions $ de la BMO ne sont pas étrangers à la hausse phénoménale de ses profits. En fait, on peut dire que la baisse d’impôt des entreprises décrétée depuis le début des années 2000 leur ont permis d’engranger des profits supplémentaires. Selon l’Association des banquiers canadiens, le fardeau fiscal des six grandes banques serait passé de 41,9 % en 2000 – un taux qui inclut les impôts fédéral et provincial – à 30,4 % en 2010…mais dans les faits les taux réels d’imposition seraient passés de 31 à 26 % lorsque l’on utilise les estimations du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA). Les dernières baisses de taux des Conservateurs – de 18 à 15 % – permettront aux institutions financières de diminuer leurs impôts d’un montant de 1,5 milliard $ par année.
Pourtant, malgré des résultats en légère baisse par rapport au trimestre précédent, la TD et la Royale ont quand même annoncé une augmentation de leurs dividendes trimestriels. La Royale a comptabilisé un bénéfice net de 1,86 milliard au premier trimestre de 2012, en baisse de 6 % sur celui de près de 2 milliards inscrit un an plus tôt. Elle a néanmoins fait passer son dividende à 57 ¢, une hausse de 3 ¢ ou de 6 %. Pour sa part, la TD a comptabilisé un bénéfice net de 1,48, en recul de 5,4 % sur celui de 1,56 milliard du trimestre correspondant de 2011. Parmi les provisions pour litiges, la TD indique être impliquée « à son insu » dans un schème à la Ponzi ayant provoqué des pertes de 1,2 milliard $US pour des investisseurs floridiens. Elle a elle aussi annoncé une hausse de 4 ¢, ou de 5,9 % de son dividende trimestriel.
Un mot pour finir sur notre banque québécoise : la rémunération totale du grand patron de la Banque Nationale, Louis Vachon, a augmenté, explosé pourrions-nous dire, de 48 % en un an pour atteindre 8,47 millions en 2010-2011. À lui seul, le salaire de base de M. Vachon a fait un bond de 12 %, s’élevant à près de 955 000 $, auquel se sont ajoutés une prime en argent de 1,8 million, des attributions à base d’actions et d’options chiffrées à 4,5 millions ainsi que 994 000 $ au titre de son régime de retraite. Les quatre autres dirigeants les mieux payés de la banque ont pour leur part eu droit à une augmentation de leur rémunération totale oscillant entre 10 et 60 % sur un an.
M. Macklem, nous aurions envie de vous dire que c’est le système financier canadien qui est responsable du creusement des inégalités au Canada.
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