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Le samedi 23 avril 2022

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L’économie verte est-elle capturée par les multinationales ?

Avec le grand événement international qu’est le Sommet de la Terre (Rio + 20) et avec les documents que l’ONU a mis en circulation à cet effet, des rapports de force nouveaux se construisent et d’autres se déconstruisent quant à la manière d’arriver à faire le virage écologique de nos économies. À grande comme à petite échelle, la notion d’«économie verte» est au coeur de ce rapport de force. Elle fait débat : …une partie importante de la société civile doute qu’une « économie verte » puisse permettre de reprendre le contrôle du climat, restaurer la biodiversité, réduire la pauvreté et instituer un meilleur équilibre entre les hémisphères nord et sud nous dit Louis-Gilles Francoeur dans le journal Le Devoir du 21 juin. On en convient ! Mais il faut pousser plus loin la réflexion et surtout «matérialiser» ce concept. Dénoncer le capitalisme vert sous perfusion par des multinationales, c’est une chose ! Mais confondre ce capitalisme vert avec l’ensemble de l’économie verte est une erreur comme j’ai tenté de le démontrer dans un billet de mon blogue en montrant les évolutions au sein des institutions internationales comme au sein des mouvements sociaux, évolutions qui permettent de distinguer la notion de «croissance» de celle de «développement», puis celle de «développement» de celle de «développement durable» pour aboutir aujourd’hui à celle d’«économie verte».

Autrement dit il ne faut pas jeter trop vite la serviette comme si les multinationales avaient «capturé» les Nations-Unies pour employer l’expression du président des Amis de la terre International. Parce qu’il y a autre chose qu’une économie verte voyant dans les ressources naturelles de nouvelles opportunités de croissance. Il y a une autre économie bien réelle, certes minoritaire, mais verte et solidaire bien différente de l’autre, opposée même lorsque cela devient nécessaire. Dans un autre billet, j’ai rendu compte des échanges qui ont cours au sein du mouvement coopératif et de l’économie sociale et solidaire en général à ce propos.

En d’autres termes, un nouveau rapport de force est en train de se construire : les acteurs dominants que sont les multinationales ne dominent pas tout. Et si on condamne en bloc l’«économie verte» comme certains groupes altermondialistes le font, nous risquons de passer à côté de politiques publiques pertinentes qui sont en cours ou en projet au Québec et ailleurs :
1) celle, par exemple, de la biométhanisation (transformation des déchets en biogaz) entreprise au Québec par des municipalités de plus en plus nombreuses ;
2) celle qui peut favoriser un aménagement durable des forêts sous gestion de coopératives comme s’affaire à le faire la Fédération québécoise des coopératives forestières ;
3) finalement, à plus grande échelle, celle d’un fonds international dédié au développement durable comme l’a proposé la France à Rio, fonds institué grâce à une taxe de 0,01% sur les transactions financières permettant de financer le passage à une économie verte.

Car l’économie verte, ce n’est pas rien ! L’Organisation internationale du Travail (OIT) vient tout juste de sortir un rapport qui «matérialise» bien le concept : « Au moins la moitié de la main-d’œuvre mondiale – l’équivalent d’1,5 milliard de personnes – sera affectée par la transition vers une économie verte. Alors que les changements se feront sentir dans l’ensemble de l’économie, huit secteurs clés devraient jouer un rôle central et être particulièrement touchés : agriculture, sylviculture, pêche, énergie, industrie manufacturière à forte intensité de ressources, recyclage, construction et transports. »

Et le rapport d’ajouter que « …des dizaines de millions d’emplois ont déjà été créés grâce à cette mutation. Par exemple, le secteur des énergies renouvelables emploie maintenant près de 5 millions de personnes, soit plus du doublement des effectifs entre 2006 et 2010. L’efficacité énergétique est un autre gisement d’emplois important, en particulier dans la construction, le secteur le plus touché par la crise économique ».

Bref, il y a un rapport de force qui peut inverser la tendance en diversifiant l’économie. Des acteurs et non les moindres sont dans un processus de lutte contre la «monoculture entrepreneuriale» et pour la «biodiversité économique». À elle seule, sans compter l’intervention possible des gouvernements locaux et des États, les coopératives et autres entreprises à propriété collective, représente 10% du PIB, 10% des emplois et 10% des finances selon le Bureau international du travail (BIT, 2011). Même si le développement durable n’est pas spontanément dans leur «ADN», la capacité d’y adhérer s’en trouve facilitée de par leur mode de fonctionnement démocratique et leurs finalités sociales. Car, on ne le dira jamais assez, « le sens premier et fondamental attribué à l’économie sociale et solidaire se résume dans la formule utilisée par les coopératives depuis longtemps : s’associer pour entreprendre autrement. Formule construite autour de cinq critères de base: 1) lucrativité maîtrisée (par distinction avec l’entreprise capitaliste qui mise sur le maximum de profit) ; 2) démocratie d’associés (par distinction de l’entreprise capitaliste où dominent de grands actionnaires contrôlant le pouvoir dans l’entreprise); 3) logique d’engagement social dans la communauté (par distinction avec une logique de surconsommation individuelle) ; 4)réponse à des besoins dans la recherche d’un «bien vivre» (par distinction avec la création de richesse liée à un «vivre avec toujours plus») ; 5) ancrage dans les territoires (par distinction avec l’entreprise capitaliste peu soucieuse de sa localisation). Ces traits communs distinguent ces initiatives de celle de l’économie capitaliste de marché. Sur tous ces registres, le capitalisme ne suit pas. » (extrait tiré de Favreau L. et M. Hébert, sous presse, octobre 2012 La transition écologique de l’économie. Contribution des coopératives et de l’économie solidaire, Presses de l’Université du Québec).

C’est ce rapport de force et cette ouverture à l’urgence écologique que j’ai cherché à illustrer dans mon dernier billet de blogue, billet dans lequel je fais aussi quelques suggestions de lecture d’été pour aller plus loin et en savoir plus.

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