Les enquêtes se multiplient sur les pratiques frauduleuses des institutions financières dans le monde et en particulier dans les pays où cette industrie outrageusement l’économie (et la politique?). Plusieurs pensaient probablement que cinq ans après l’éclatement de la bulle des « subprimes », quatre ans après l’explosion des bulles immobilières irlandaises et espagnoles, et trois ans après le début des attaques spéculatives contre la zone euro, les autorités publiques de régulation des institutions financières avaient procéder aux réformes nécessaires pour changer la situation. Mais c’est ne pas comprendre les liens qui unissent trop les pouvoirs en place (surtout dans le monde anglo-saxon) avec les puissances de la finance (et du pétrole).
La logique de l’oligarchie financière domine encore l’industrie de la finance : le profit maximum, peu importe la manière d’y arriver, en violant la loi lorsqu’il le faut. C’est la culture qui, depuis une vingtaine d’année, s’impose : on se croit tout permis, au-dessus des lois, parce que domine une certaine vision du monde qui justifie leurs comportements de prédateurs sans foi ni loi. Selon un sondage réalisé par Labaton Sucharow auprès de 500 dirigeants de Wall Street, le quart des répondants estiment que les employés du secteur de la finance ne peuvent pas progresser dans la profession sans accepter de s’engager dans des pratiques illégales ou immorales, alors que 30% indiquent que le mode de rémunération crée des pressions en ce sens !
Comment alors se surprendre de cette recrudescence de scandales ? Ce qui est plutôt surprenant c’est l’aveuglement des autorités politiques et réglementaires. Le bal des scandales est reparti l’été passé avec l’enquête concernant la fraude d’un trader (la ‘baleine!’) à l’emploi de JPMorgan. Ce qui n’était au départ qu’une fraude de produits dérivés de 2 milliards $, s’est plutôt avérée être un gouffre de 9 milliards $ découlant des activités de hedge funds d’une filiale de JPMorgan. Mais cette fraude a rapidement été éclipsée par le scandale autrement plus sérieux du Libor (pour les néophytes, je vous conseille de lire le scandale du LIBOR expliqué aux nuls, par Pascal Riché).
Le Libor, ou London InterBank Offered Rate, est un taux d’intérêt calculé en fonction de données remises par un panel d’entre 8 et 16 grandes banques internationales. Il n’est pas calculé sur la base des opérations effectivement réalisées mais sur la base d’une simple déclaration des banques auprès de la Bristish Bankers Association (!!!). Il est considéré comme un benchmark, c’est-à-dire un taux de référence pour les autres taux d’intérêt de court terme. Il indique à quel coût les banques pourront emprunter entre elles sur le marché financier londonien. Ce Libor serait un instrument essentiel sur les marchés financiers, surtout auprès des traders qui l’utilisent comme taux de référence.
Selon le Wall street Journal, il s’agirait d’une fraude ayant permis le détournement de plus de 800 milliards de dollars. Le Financial Times indique quand à lui que, selon un rapport de Morgan Stanley, les 12 banques internationales impliquées dans le scandale de la manipulation du taux Libor pourraient se voir condamner à un montant d’amendes totales de 22 milliards de dollars. Selon le rapport, outre Barclays, qui vient d’être condamnée à payer 456 millions de dollars le mois dernier, 11 autres banques pourraient être mises en cause, et leurs manœuvres auraient impacté 360 000 milliards de dollars de produits dérivés et prêts accordés à la clientèle. Le pire, c’est que près de 75% des grandes villes des États-Unis (déjà durement frappées par la crise) empruntent de l’argent par le biais d’instruments financiers liés au Libor. Baltimore a déjà porté plainte, devant une cour fédérale de Manhattan, contre plusieurs banques. Parmi elles, plusieurs établissements étatsuniens et européens, mais aussi Credit Suisse et UBS.
Le dernier en date de ces scandales est celui de la banque britannique HSBC. Le Congrès des Etats-Unis a récemment livré un rapport dévastateur sur cette affaire. Il établi que la branche étatsunienne du géant bancaire britannique aurait permis aux cartels mexicains de la drogue, à des banques saoudiennes soupçonnées par le passé de financer Al-Qaida et à des Iraniens de transférer des millions de dollars aux Etats-Unis, violant la législation. Confrontée à une enquête du Département américain de la justice, HSBC pourrait se voir infliger une amende de près de 1 milliard de dollars.
Non seulement faut-il s’attaquer aux ‘Banksters’. Il faut aussi véritablement réformer l’industrie de la finance qui déstabilise les bases de la vie économique, et par le fait même celle de la vie démocratique. Un éditorial du journal britannique The Guardian, paru dans la foulée de ces scandales, se termine sur ces mots : « ...but much more importantly, the values, culture and practices of finance, as they have developed since the « Big Bang » reforms of 1986, must be torn down, and a smaller, humbler, simpler world of banking built in their place. » Ce devrait être le but ultime d’une telle réforme.
[...] manque rarement une occasion pour dénoncer les méfaits de l’industrie de la finance. Dans mon billet de la semaine dernière, j’expose en long et en large les liens qui unissent les pouvoirs en place (surtout dans le monde [...]