Chaque automne depuis 1996, l’AQOCI organise les Journées québécoises de la solidarité internationale (JQSI) avec l’appui du ministère des Relations internationales du Québec. Lors de ce rendez-vous annuel, le public québécois est invité à participer à de nombreuses activités qui lui permettent de s’informer sur les enjeux actuels de la solidarité internationale. Au cours des 10 jours que dure l’événement (du 7 au 17 novembre prochain), les membres de l’AQOCI organisent dans plusieurs régions du Québec des conférences, des expositions, des soirées de poésie, des projections cinématographiques, et plus encore.
C’est l’occasion pour nous de mieux cerner comment s’organise aujourd’hui la solidarité internationale entre le Québec et des communautés du Sud. Occasion aussi de prendre connaissance du type d’engagement que les organismes québécois de coopération internationale (OCI) ont par ces temps de crise de leur financement public. Le thème de cette année porte sur l’économie au service de l’humain, une occasion de voir que les OCI – comme le mouvement syndical, le mouvement coopératif, le mouvement communautaire – sont à la recherche de pistes de sortie de crise et s’interroge sur la manière de travailler dans l’avenir. À cet effet, l’AQOCI a demandé à Fabien Leboeuf, qui connaît bien les OCI et leur contribution sur le registre de l’économie, de produire un document d’orientation (60 pages). Disponible sur le site des JQSI.
Le titre choisi par l’AQOCI, Faisons les comptes ne rend pas vraiment justice au document qui aurait pu mieux s’intituler Déchiffrer l’économie d’aujourd’hui ou Pistes de sortie du modèle économique dominant. Voici quelques extraits tirés de son introduction (avec à la clé la table des matières).
« Dans un contexte mondial de crises multiples (économique, financière, écologique, alimentaire, sociale, politique)…, les organismes membres de l’AQOCI ont pensé qu’ils devaient contribuer à « remettre l’économie à sa place » dans le respect des droits humains, de la justice sociale et des principes démocratiques.
L’économie est devenue le pouvoir suprême, elle domine le pouvoir politique et elle domine notre vie. Et l’économie est elle-même dominée par la finance, qui se comporte comme une poule dont on a coupé la tête. Peut-on ouvrir un journal sans trouver des pages entières consacrées à l’économie et à la finance? Et dans les pages devant traiter d’autres sujets, tout – projet, film, CD, spectacle, livre, activité, événement quelconque – est analysé et évalué à l’aulne de son coût et de ses bénéfices.
La profonde crise financière et économique commencée en 2007 sévit encore aujourd’hui, agitant presque tous les pays du monde, menaçant même l’euro et l’Europe. Face à cette crise, les États, les banques centrales et les institutions financières internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international, etc.) se préoccupent surtout de sauver les banques et le système financier. Qui en paye le prix? Les mouvements sociaux et les « indignés » crient – et articulent – la réponse.
On vit au Canada, et peut-être encore plus au Québec, une importante crise de la coopération internationale à cause des coupures faites par le gouvernement fédéral dans le financement des organisations de la société civile, y compris les organismes de coopération internationale (OCI). Au printemps 2010, le gouvernement d’Ottawa coupait sans préavis le financement de 12 groupes de femmes… Qui ne se souvient pas également de la tempête qui a secoué l’organisme Droits et Démocratie ou encore de l’étranglement financier de KAIROS, qui avaient fortement critiqué l’État d’Israël? Plus récemment, avec l’entrée en vigueur des nouvelles orientations et nouveaux mécanismes de financement par l’ACDI, un grand nombre de groupes ont perdu en totalité ou en partie leur financement, coupures liées à la vision économique et politique du gouvernement fédéral… ». Voici donc la table des matières, question de susciter un peu votre curiosité sur l’économie dans une perspective Nord-Sud.
Introduction : Pourquoi parler d’économie ?
Section 1 : De crise en crise, faisons les comptes !
1.1 Trois crises permanentes
1.2 La crise financière et économique actuelle
1.3 L’indignation : un cri qui s’articule et qui mobilise
Section 2 : Une alternative s’impose : une autre vision de l’économie
Section 3. Une alternative s’impose : des pratiques économiques autres
3.1 L’économie sociale et solidaire : s’associer pour entreprendre autrement
3.2 Le mouvement pour la décroissance économique
3.3 Initiatives économiques alternatives des organismes de coopération internationale
Section 4 : L’État et la société civile
4.1 État gendarme, État social, État néolibéral
4.2 La nouvelle Agence canadienne de développement internationale (ACDI) et l’affaiblissement des organismes de coopération internationale
Par ailleurs, les JQSI sous la coordination de l’AQOCI organise le 7 novembre à Montréal (et le 8 à Chicoutimi) une grande conférence avec Francisco Whitaker (dit Chico), architecte de formation et militant altermondialiste brésilien. Il a été dès ses débuts un des organisateurs du Forum social mondial à titre de représentant de la Commission brésilienne Justice et paix (organisme émanant de l’épiscopat brésilien). Il a été récipiendaire du prix Nobel alternatif en 2006.
Cet homme aujourd’hui âgé de 81 ans qui est encore bien «vert» a un itinéraire peu commun. Exilé politique, Chico Whitaker vit et travaille en France. Il est d’abord enseignant à l’IRFED, puis, de 1968 à 1970, chef de projet pour le Comité catholique contre la faim et pour le développement (aujourd’hui Terre solidaire). Puis il travaille pour l’Organisation des Nations unies au Chili (du temps du gouvernement socialiste d’Allende) dans le cadre du CEPAL dans les efforts sont centrés sur les questions relatives au développement économique de l’Amérique latine. Après son retour au Brésil, Chico Whitaker travaille à l’organisation des mouvements de solidarité parmi les chômeurs. De 1989 à 1996, il est conseiller de São Paulo, au nom du Parti des travailleurs (PT). De 1996 à 2003, il est secrétaire exécutif de la Commission Justice et Paix.
En 2001, Chico Whitaker est co-fondateur du Forum social mondial. En 2006, il démissionne avec fracas du PT en raison de désaccord sur les dérives éthiques marquant le mandat de Lula « Au lieu de perdre les deux tiers de mon temps dans des bagarres internes, je préfère me consacrer à un travail dans la société civile, qui a besoin d’organisation »
Pour en savoir plus, on peut lire l’ouvrage de Chico Whitaker, Changer le monde : nouveau mode d’emploi, paru aux Editions de l’Atelier en 2006. Mais avant toute chose, http://vimeo.com/12001588 visionnez l’excellent petit vidéo de 20 minutes qui retrace son itinéraire de l’exil politique dans les années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Pour un tour d’horizon du FSM après une décennie d’existence, on se rend sur mon blogue.
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