CESD-Oikos-989x90

Le samedi 23 avril 2022

Recherche:

Rigueur et relance (1) : choisir l’efficacité

Les signes s’accumulent et nous indiquent que nous nous dirigeons vers une nouvelle récession mondiale. Les décideurs publics devraient en tenir compte et adapter leurs politiques économiques dès maintenant, de manière à amoindrir la chute (avec un atterrissage en douceur, pour utiliser la formule habituelle) ou même de pouvoir éviter une récession en agissait rapidement et avec suffisamment de vigueur.

Il serait encore temps d’agir sans pour autant se lancer dans des politiques de relance avec des déficits gargantuesque. Patrick Artus, responsable de la recherche économique chez la firme Natixis, a récemment produit une petite note de recherche intitulé Baisse des dépenses publiques et neutralité ricardienne : être précis sur la nature de la baisse des dépenses. L’auteur y va d’une analyse et de recommandations de politiques publiques dans un contexte comme celui que nous connaissons aujourd’hui. La neutralité ricardienne dont il fait référence est cette politique qui consiste à utiliser la baisse des dépenses publiques pour bénéficier d’une hausse de la demande privée suffisante pour compenser la baisse des dépenses publiques. Mais il formule l’avertissement suivant : nous pensons que cette analyse est trop simpliste; il faut plutôt regarder quel type de baisse des dépenses publiques est mis en place.

Il donne en exemple deux épisodes de ce type : la réduction des dépenses publiques en Allemagne dans les années 2000 (de 2003 à 2007) et au Royaume-Uni dans la période récente (depuis 2009). Les résultats : une baisse des prestations sociales en Allemagne de 2003 à 2007 et une forte baisse de l’emploi public au Royaume-Uni, avec les conséquences que nous connaissons maintenant (un éventuel 3e retour à la récession depuis 2007!!!).

La seconde possibilité est d’accroître la productivité de l’État sans réduire la qualité des services fournis par les administrations publiques. Il s’agit de réformes consistant à améliorer le fonctionnement, l’organisation des administrations. Si la productivité de l’État est accrue, nous dit Artus, l’efficacité globale de l’économie et le PIB potentiel sont aussi accrus. Un moment donné vient un temps où l’accumulation des divers programmes publics peut effectivement produire des dysfonctionnements. Dans ce cas, il peut être profitable de repenser les manières de faire, sur une base de concertation avec les fonctionnaires et les citoyens visés, de manière à libérer des ressources pour appuyer des politiques plus conjoncturelles.

C’est aussi ce qu’affirme le Fonds monétaire international depuis quelque temps : un excès de rigueur dans le contexte actuel est néfaste ! Dans son plus récent World Economic Outlook, le FMI souligne les enjeux controversés concernant les politiques de rigueur fiscale versus de stimulus fiscal, se prononçant pour des politiques spécifiques à chaque situation plutôt que pour des politiques économiques uniformes pour tous les pays. Une chance, direz-vous, elle peut ainsi continuer à conduire la Grèce à la dépression et suggérer aux Britanniques de stimuler leur économie…

Xavier Timbeau nous offre dans un billet sur le blogue de l’OFCE, une explication de l’inefficacité des politiques actuelles de rigueur et la nécessité d’apprécier le cas spécifique de chaque économie. Le cœur de l’erreur, nous dit Timbeau, est l’évaluation erronée de la valeur des multiplicateurs qui permet d’évaluer l’impact des politiques d’assainissement des finances publiques. En sous-estimant les multiplicateurs budgétaires, les gouvernements européens ont cru pouvoir rétablir rapidement et sans dommage l’équilibre de leurs finances. Le problème c’est que les multiplicateurs budgétaires seraient bien plus importants aujourd’hui parce que les économies connaissent des situations de chômage involontaire prolongées. Plus le multiplicateur est élevé, plus une restriction budgétaire a un fort effet sur les finances publiques, et, en conséquence, un faible effet sur la réduction du déficit public.

Mais l’existence d’un multiplicateur élevé indique également, selon lui, la marche à suivre pour sortir du cercle vicieux de l’austérité. Au lieu de chercher à réduire à court terme à n’importe quel coût le déficit public, il faut laisser l’économie revenir dans une zone de fonctionnement où les multiplicateurs sont plus faibles. Il s’agit donc de reporter l’ajustement budgétaire à un moment où le chômage sera significativement réduit pour que la restriction budgétaire puisse produire son effet.

Dans un 2e billet j’aborde le cas spécifique du Québec dans le contexte actuel.

Discussion

Commentaire pour “Rigueur et relance (1) : choisir l’efficacité”

  1. [...] Nous avons vu dans le billet précédent qu’il est de plus en plus évident que l’austérité ne constitue pas la meilleure politique à suivre en prévision de la récession mondiale qui pointe son nez à l’horizon immédiat. Une baisse drastique des dépenses publiques ne constitue pas une solution; elle dramatise plutôt le problème. Au lieu de chercher à réduire à court terme à n’importe quel coût le déficit public, signale le directeur de la recherche à l’OFCE, il faut laisser l’économie revenir dans une zone de fonctionnement où les multiplicateurs sont plus faibles, ou en d’autres mots reporter l’ajustement budgétaire à un moment où le chômage sera significativement réduit pour que la restriction budgétaire puisse produire son effet. [...]

    Écrit par Oikos Blogue | Rigueur et relance (2) : choisir l’audace | novembre 20, 2012, 6 h 10 min

Commentaire

Inscrivez votre courriel ci-dessous pour recevoir le bulletin hebdomadaire:

Agenda Public

Un code est requis pour ajouter des evenements a l'agenda.
Appuyez sur "Obtenir un code" ci-dessous pour s'inscrire.

Si vous avez un code, inserez votre code ci-dessous:

Votre compte étant nouveau, s'il vous plait enregistrer vos informations:











Informations sur l'evenement a ajouter: