Lors de la crise de 2008, les Conservateurs étaient minoritaires et avaient donc dû, devant une possible coalition majoritaire des partis de l’opposition, lancer un vaste programme de dépenses publiques. Aujourd’hui ils se donnent tout le mérite d’avoir réussi à éviter que le Canada plonge dans la crise et ne se gène pas pour donner en exemple le modèle financier canadien aux pays européens qui s’enlisent dans une deuxième récession. Ce qu’ils ne disent pas c’est que s’ils avaient été majoritaires en 2008, ils auraient appliqué au Canada la même médecine que les Conservateurs britanniques, avec les mêmes résultats catastrophiques. Malheureusement, ce que l’on peut maintenant prévoir, c’est qu’advenant une nouvelle récession majeure, le Canada pourrait s’enfermer dans un cercle vicieux d’austérité/récession.
Manon Corneillier a publié un excellent texte dans le Devoir du 19 décembre dont je vous livre quelques lignes. « Maintenant majoritaires, les conservateurs ne font pas de quartier. Le rouleau compresseur a la cote et jamais autant que cette année. Deux projets de loi fourre-tout, les éléphantesques C-38 et C-45, ont servi à court-circuiter le Parlement. Des dizaines de projets de loi ont été réunis en un seul pour faire avaler des réformes fondamentales à coups de bâillons et sans étude digne de ce nom. Le public ? Il se plaindra plus tard, s’il s’en soucie.
En comité, les conservateurs ont usé de leur majorité pour couper court à des études ou imposer l’huis clos. En Chambre, le gouvernement a refusé d’initier quelque débat que ce soit sur des enjeux cruciaux comme la réforme de la Sécurité de la vieillesse, les F-35 ou la conclusion avec la Chine d’un accord sur la protection des investissements étrangers.
La période des questions est devenue une vraie farce. Rares sont les réponses honnêtes. Rendre des comptes est le dernier souci de ministres qui préfèrent répéter (et généralement lire) ad nauseam les mêmes répliques, peu importe la teneur de la question. Sinon, ils attaquent, accusent, insultent. Ou, pire, ils déforment les faits ou laissent leurs secrétaires parlementaires le faire à leur place.
Et quand, à bout de ressources, les députés d’opposition se tournent vers la procédure des questions écrites auxquelles le gouvernement est obligé de répondre dans un délai précis, ce même gouvernement se plaint qu’il en coûte cher de procéder de la sorte et que l’opposition, finalement, pose trop de questions !
Réunissez tous ces travers – de l’obsession du secret à l’intimidation systématique en passant par le mépris des parlementaires et de la presse -, et vous aurez une idée de l’atmosphère plus viciée que jamais qui a régné à Ottawa en 2012. »
Pourtant, comme le fait remarquer Manon Cornellier, ce gouvernement est majoritaire avec moins de 40% des voix qui se sont exprimées, et de 25% si on tient compte de ceux qui ne prennent même plus la peine de faire entendre leur voix. Si ce gouvernement ne s’occupait que d’affaires courantes, ce ne serait là qu’un moindre mal. Mais ce gouvernement est en train de changer la nature même de ce pays, tant sur le plan intérieur qu’au plan international. Dans notre système parlementaire ce gouvernement est ‘légal’, mais il est fondamentalement illégitime (sans compter le vol de certains élections grâce à des stratégies crapuleuses). Et c’est ce qui est le plus dangereux puisque leurs agissements a un effet corrosif sur la vie démocratique. Ce qui leur reste à faire d’ici la fin de leur mandat devrait détériorer encore plus la situation, écartant toujours plus de gens de la vie démocratique parce que de plus en plus contraint dans une lutte pour leur survie.
Par exemple, la réforme de l’assurance-emploi, qui vient d’entrer en vigueur en ce début d’année, devrait permettre de couper les prestations de milliers de chômeurs, ce qui est textuellement exprimé par le gouvernement : « les mesures de conformité améliorées entraînent l’interruption des prestations d’environ 8000 prestataires ». La réforme introduit aussi un nouveau système d’appel qui devrait être plus expéditif et ainsi diminuer grandement le nombre d’audiences en personne. Les précédentes mesures de réformes ont fait en sorte que la couverture des personnes en chômage par le programme d’assurance-emploi est descendue à un bas historique de 30,5% en octobre dernier. La situation devrait donc s’aggraver dans les années à venir.
Les Conservateurs, et les lobbys qu’ils représentent, se sont aussi attaqués aux groupes de la société civile. Comme le précisait Louis Favreau dans un billet en septembre, « les coupures de l’ACDI s’insèrent dans une réforme globale du rapport que le gouvernement canadien entretiendra dans l’avenir avec la société civile. La société civile n’est plus considérée comme un apport vital pour le gouvernement canadien. De ce fait les OCI, dont un grand nombre sont nées dans la ferveur de la solidarité avec le Sud des années 1970 et cumulant plusieurs décennies de travail et d’expertise avec leurs partenaires du Sud, sont maintenant des cibles de choix. » Avec les nouveaux outils législatifs dont il s’est doté, le gouvernement canadien s’attaque maintenant aux groupes environnementaux. Dans le dernier budget fédéral, le gouvernement conservateur a accordé une somme de 5 millions $ à l’Agence canadienne du revenu pour enquêter sur les organismes de bienfaisance et s’assurer qu’ils ne mènent pas d’activités politiques. Les lobbys ont par ailleurs créé des organisations parapluies, telle que Ethical Oil, qui mène une guerre rangée contre les groupes environnementaux, dont le Sierra Club.
Finalement, tout indique qu’ils vont maintenant s’en prendre au dernier bastion encore solidement implanté des mouvements sociaux : le mouvement syndical. Le projet de loi C-137 n’est que le dernier jalon de la route que veulent prendre les Conservateurs d’ici la fin de leur mandat. Mais le pire, c’est qu’il leur reste encore près de trois ans de nuisance !
Mais finalement, la révolte est venue d’où on se s’attendait pas: les communautés autochtones. Nous les comprenons parfaitement, puisque si les deux lois ‘mammouths’ frappent tous les citoyens du Canada, les autochtones en subiront les premiers les effets négatifs. Dans cette lutte, on ne peut être qu’avec eux contre ce gouvernement réactionnaire.
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