Si on avait à faire le bilan de l’Europe en ce début d’année, on pourrait presque résumer en une seule phrase les politiques qui ont été suivies en 2012 en même temps que leurs impacts en déclarant que l’Europe « s’enfonce » dans l’austérité… Comment en effet peut-on apprécier autrement ces politiques d’austérité suivies unanimement par tous les pays du continent qui s’est traduit par une rechute de l’eurozone dans la récession. Quatre ans après la récession européenne de 2009, l’économie des 17 pays de la zone euro ont connu deux trimestres consécutifs de baisse du PIB en 2012 (les 2e et 3e trimestres).
Mais comment pourrait-il en être autrement? Les efforts simultanés de tous les gouvernements de la zone de diminuer leur niveau de dette publique (provoquée, rappelons-le, par un dysfonctionnement des marchés financiers) au même moment où les ménages coupaient dans leurs dépenses ne pouvait que déboucher sur un affaiblissement de l’activité économique, la hausse du chômage et une plus grande incertitude sur l’avenir. Je le signalais dans un billet en août dernier, la politique intégriste d’austérité du gouvernement Cameron ne pouvait que créer de toute pièce un cercle vicieux où les déficits accrus imposent des coupures encore plus importantes. Comme de fait, le PIB britannique a connu une contraction de 0,7% au 2e trimestre de 2012. La situation s’est momentanément améliorée par la suite en raison des jeux olympiques, mais tout indique que la croissance des paiements sur la dette (qui continue à augmenter) et la baisse du revenu fiscal provenant des entreprises devraient conduire à une nouvelle détérioration de l’activité.
Lorsque des économies importantes comme l’Espagne et l’Italie commencent elles aussi à verser dans l’austérité mais que l’Allemagne ne cherche pas à contrebalancer cette tendance par des mesures plus généreuses, ça ne peut que conduire au pire. « Il est temps de reconnaître que l’austérité seule condamne non seulement la Grèce, mais l’intégralité de l’Europe à la probabilité d’une ère douloureuse. » Ce n’est pas un extrémiste de gauche qui dit ça, mais Charles Dallara, qui dirige l’Institut de la finance internationale, organisme basé à Washington qui représente les 400 plus grandes banques de la planète, autrement dit le porte-parole du lobby des banquiers. Ce petit moment de lucidité de ce représentant de l’oligarchie financière est depuis longtemps partagé par un nombre croissant de spécialistes.
Dans un billet paru début décembre sur le site EconoMonitor (le blogue du Roubini Economic Project), le professeur d’économie L. Randall Wray compare les dirigeants actuels partisans de l’austérité aux médecins du moyen-âge qui saignaient systématiquement les patients, peu importe leur maladie, pour faire ‘sortir le méchant’ ! Il mentionne, en introduction à son billet, la multiplication des séminaires et colloques de chercheurs dénonçant les politiques d’austérité et proposant des politiques alternatives, y compris des politiques pour le plein emploi comme ce séminaire organisé en Finlande qui donnait la parole au professeur Randall et à James K. Galbraith.
C’est dans ce même mouvement général de questionnement des politiques actuelles qu’il faut souligner la création du nouveau Réseau des économistes progressistes européens contre l’austérité (E-PEN), créé en novembre dernier après les échanges de Florence organisés par un groupe de chercheurs lié au mouvement syndical belge (Econosphères), des économistes rassemblés par l’émergence du mouvement des Indignados en Espagne (Econonuestra), des intellectuels de la plateforme d’associations et d’ONG italiennes Sbilanciamoci, les membres du réseau européen d’économistes EuroMemorandum et les Economistes Atterrés français. C’est là le plus récent mouvement en date cherchant à mobiliser, à l’échelle de l’Union européenne, contre les plans d’austérité et de compétitivité qui s’abattent sur les pays les uns après les autres. Ce qu’ils proposent ? À peu de chose près, rien de plus que ce qui avait été fait après la Grande Crise des années 1930 afin de donner aux États les capacités d’agir et de réguler les marchés financiers. Le tout en l’adaptant à la situation actuelle, c’est-à-dire la nécessité d’un New Deal écologique ! Évidemment, après 30 ans de dérégulation, ça peut apparaître comme une révolution. Mais c’est nécessaire et urgent.
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