Les plus récentes statistiques semblent indiquer que l’économie canadienne aurait finalement atteint le fonds du baril cet été. De toute évidence, ce sont les mesures de relance gouvernementales, tant au Canada qu’aux Etats-Unis, qui ont permis cette stabilisation.
Comme on le constate assez clairement dans le graphique suivant, l’évolution du PIB a connu un virage en L avec une croissance de 0,1 % en juin puis une stabilisation en juillet. Ce virage s’explique en très bonne partie par une croissance de 17 % de la construction automobile, découlant directement de la prime à la casse du gouvernement étatsunien. Merci aux contribuables des États-Unis.
Dans un son blogue, Erin Weir nous rappelle qu’il faudrait que l’économie canadienne connaisse une croissance de 4,8 % pour qu’elle revienne à ce qu’elle était à son sommet de juillet 2008 (1 241 milliards $ en juillet 2008 contre 1 184 milliards en juin 2009), soit une moyenne d’au moins 0,3 % par mois pendant 18 mois, de manière à ce qu’en fin 2010 nous soyons véritablement sortie de cette période de récession.
Il n’y a donc pas lieu d’être si triomphaliste pour la reprise. En tout cas pas du côté de l’emploi. Les deux dernières récessions au Canada ont montré que le retour du niveau d’emploi peut prendre plusieurs années. Cela a particulièrement été le cas pour la récession du début des années 1990. Et tout indique que, pour celle que nous traversons actuellement, ce sera encore pire parce qu’elle a miné les principales sources de croissance (voir notre texte précédent). Récemment les données sur l’assurance-emploi signalaient une légère baisse des prestataires, mais cela signifiait bien davantage que plusieurs personnes avaient tout simplement épuisé leurs maigres droits de prestation qu’une amélioration réelle de la situation. Au Québec, le nombre de nouvelles demandes s’est accru de 6 500.
Il est difficile de prévoir ce qui arrivera dans les prochains trimestres, mais la probabilité de voir une rechute de l’activité n’est pas à écarter. Puisque la récente, et faible, amélioration de l’activité est due aux dispendieuses mesures de relance, cette reprise est extrêmement fragile. Sérieusement, faites-vous confiance à ce gouvernement conservateur pour continuer d’intervenir si massivement ? Si, comme tout semble l’indiquer, il forme bientôt un gouvernement majoritaire, nous allons goûter à la médecine conservatrice. Et ce, malgré le fait que le DG du FMI, Dominique Strauss-Kahn, appelle les pays développés à poursuivre leurs mesures de relance parce que, dit-il, « tant que le chômage ne décroît pas, il est difficile de dire que la crise est terminée ». Le FMI prévoit une « reprise sans emploi ».
Pour les Etats-Unis, les chiffres de la semaine dernière ont en tout cas refroidit l’ardeur des optimistes. Selon les chiffres publiés par le département du Travail, la première économie mondiale a supprimé 263 000 emplois nets en septembre, contre 201 000 en août, et le taux de chômage atteint désormais 9,8 %, son plus haut niveau depuis juin 1983. Le taux de 10 % devrait donc être atteint avant la fin de l’année. La hausse des licenciements de septembre a surpris les analystes et fait reculer les marchés. La mauvaise nouvelle c’est que la détérioration de la situation provient du secteur tertiaire, où les licenciements ont plus que doublé.
Le nombre de chômeurs dans le pays a presque doublé, à 15,1 millions, depuis le début de la récession en décembre 2007. À ce chiffre officiel, il convient d’ajouter 9,2 millions de personnes contraintes de travailler à mi-temps du fait de la conjoncture, et 2,3 millions de chômeurs non comptabilisés pour diverses raisons, pour avoir une vision plus réelle du fléau social. La hausse continue du chômage risque d’entraver, voire de faire dérailler la reprise naissante en freinant les dépenses de consommation des ménages, qui sont le moteur traditionnel de la croissance étatsunienne. D’autant que le rapport du ministère montre que les heures travaillées ont baissé de 0,5 % en septembre et que les salaires ont connu une hausse poussive de 0,1 %.
Dans une chronique publiée la semaine dernière dans sa rubrique du New York Times, le Prix Nobel d’économie Paul Krugman appelle à de nouvelles mesures de relance, faute de quoi le marché de l’emploi restera, selon lui, « épouvantable pendant plusieurs années ».
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