« Le monde a échappé à une « Grande dépression 2.0″ mais le redressement total de l’économie mondiale prendra au moins deux ans », a estimé lundi 10 août Paul Krugman, à Kuala Lumpur en Malaisie, devant un forum international de chefs d’entreprise. Selon Krugman, le monde ferait plutôt face aujourd’hui à un ralentissement économique durable comparable à la « décennie perdue » que le Japon a subie dans les années 1990.
« Comment s’en sort-on ? La réponse technique est : Dieu seul le sait. Nous manquons terriblement de modèles », a dit Paul Krugman. Il dénonce l’impossibilité pour les pays de s’en remettre à leurs exportations pour sortir de la crise, comme cela fut possible par le passé. Selon lui, il est par ailleurs hautement improbable que les autres solutions possibles, telles les hausses des dépenses de consommation, des investissements des entreprises et de l’immobilier, puissent faire redémarrer l’économie américaine ou mondiale cette fois-ci.
Il a préconisé une plus large adoption de mesures de relance par les autorités économiques qui devraient également fixer des objectifs d’inflation plus élevés et encourager les investissements des entreprises. Ses recommandations font aussi appel à restructurer le système financier pour éviter une nouvelle crise, avec une régulation bancaire et un encadrement des risques que les grandes institutions financières peuvent prendre. Ce qu’il faut, c’est de récompenser celles qui investissent dans des projets productifs et de taxer celles qui ne font que spéculer.
Par ailleurs, un autre économiste, Nouriel Roubini, condamne le consensus actuel des analystes, selon lequel nous assisterions à un retour rapide de la croissance. Dans un texte important parue dans le Financial Times du 23 août, il présente les sept raisons pour lesquelles, plutôt que d’assister à une reprise standard, nous ferions face à ce que Krugman a appelé la « décennie perdue », c’est-à-dire une relativement longue période de croissance anémique. La première de ces raisons est que le marché de l’emploi continuera à se détériorer, ce qui affaiblie la capacité normale de reprise par la consommation, mais aussi la consolidation du secteur bancaire.
Mais Roubini va plus loin : il signale deux facteurs qui rendent de plus en plus probable le phénomène de « double-dip », c’est-à-dire de rechute de l’activité économique. D’une part, la crise financière et économique a obligé les États à sur-utiliser les outils des politiques monétaire et budgétaire, les plaçant ainsi dans une situation intenable où, quoiqu’ils fassent, les impacts des mesures d’après-crise auront comme résultats d’affaiblir la reprise. D’autre part, il s’attend à ce que réapparaissent rapidement l’un des facteurs importants qui expliquent la crise de 2007-2008 : la hausse exagérée des prix des matières, en particulier de l’énergie. Si, comme il le croît, la spéculation réapparaît rapidement pour faire monter le prix du pétrole au-delà du 100 $ le baril, la rechute de l’économie est inévitable.
[...] ce sera encore pire parce qu’elle a miné les principales sources de croissance (voir notre texte précédent). Récemment les données sur l’assurance-emploi signalaient une légère baisse des [...]