Il y a quelques semaines un article du Devoir annonçait qu’une nouvelle étape du projet d’oléoduc Keystone XL avait été franchie avec l’approbation du nouveau tracé par le gouverneur du Nebraska. On le sait, le fait que l’ancien tracé traversait un territoire sensible du point de vue environnemental de cet État avait été l’un des facteurs qui avaient convaincu le président Barack Obama de rejeter ce projet.
Aujourd’hui, malgré l’approbation par le Nébraska, rien n’est gagné pour les promoteurs de ce pipeline. L’année 2012 s’était pourtant mal terminée pour les écologistes qui s’opposent au projet. Selon un blogueur de Daily Kos (gauche démocrate), la démission de la directrice de l’EPA, Lisa Jackson, qui a fait un excellent travail à la tête de cette institution dans la lutte aux changements climatiques malgré le blocage politique du Congrès, serait due à sa frustration face à la tiédeur de l’administration Obama sur la question climatique. Sa démission aurait été un geste de refus de cautionner une éventuelle approbation du projet de pipeline. Ça augurait mal.
Or, en janvier, Joseph Romm publiait un billet dans lequel il présentait deux signes encourageant qui l’incitaient à penser que l’administration Obama pourrait choisir de refuser d’approuver le projet. D’une part, disait-il, le discours inaugural d’Obama en janvier aurait porté comme jamais auparavant, pendant son premier mandat, sur l’enjeu fondamental des changements climatiques pour la sécurité des États-Unis, avec une justification morale accentuée. D’autre part, son intention de nommer le sénateur John Kerry, considéré par tous comme un ‘faucon climatique’, au poste de secrétaire d’État, serait un autre signal fort que rien n’est définitivement conclu dans ce dossier. D’autant plus que la décision d’approbation a été remis en mars, soit après que John Kerry accède à son poste.
Il faut se rappeler que l’ancienne secrétaire d’État, Hillary Clinton, avait perdu un peu de sa crédibilité dans ce dossier à la suite du travail médiatique et de lobbying des commanditaires du projet de pipeline Keystone XL qui avaient engagé un ancien conseiller de Mme Clinton comme principal lobbyiste pour défendre le projet. Mais la campagne de désobéissance civile et le rejet du premier tracé par la population du Nebraska avaient heureusement permis de forcer Obama à refuser son approbation.
Avec Kerry, le lobby du pétrole devra affronter un faucon. L’été passé, dans un discours prononcé à la veille de Rio+20 au Sénat, il dénonçait « a conspiracy of silence … a story of disgraceful denial, back-pedaling, and delay that has brought us perilously close to a climate change catastrophe ». Le ton de la politique étatsunienne devrait être fondamentalement différent avec lui, d’autant plus que sa confirmation par le Sénat s’est faite avec un vote de 94 contre 3. Avec un secrétaire d’État profitant d’une crédibilité et d’un appui qui va au-delà des lignes partisanes, la lutte des écologistes étatsuniens ne sera pas court-circuitée par des négociations de couloir dont les lobbyistes sont champions. Ce qui ne veut pas dire que l’affaire est définitivement close.
Le débat politique va battre son plein dans les semaines qui viennent. Ce dont il faut s’attendre de la part du nouveau secrétaire d’État, c’est sa capacité à faire approuver une nouvelle politique énergétique aux États-Unis reposant plus fortement sur les énergies renouvelables. Pendant son audition devant le Sénat, il a déclaré :
« The solution to climate change is energy policy. And, the opportunities of energy policy so vastly outweigh the downsides that you’re expressing concerns about … You want to do business and do it well in America, you have to get into the energy race … I would respectfully say to you that climate change is not something to be feared in response to—the steps to respond to—it’s to be feared if we don’t … I will be a passionate advocate on this not based on ideology but based on facts and science, and I hope to sit with all of you and convince you that this $6 trillion market is worth millions of American jobs and we better go after it. »
Dans ce contexte, approuver Keystone serait faire le choix d’une économie à forte intensité de carbone plutôt que l’inverse.
La semaine prochaine, dans une suite à ce billet, je vais présenter les arguments clés des écologistes contre Keystone.
[...] la perspective d’une lutte contre les changements climatiques. Plusieurs signes l’indiquent (voir mon billet d’il y a quelques semaines). Mais l’un des alliés les plus puissants sur lequel nous pouvons compter pour aider Obama à [...]