L’abondance des ressources naturelles du Québec est remarquable. Le Québec se classe parmi les dix principaux producteurs mondiaux. Près de 900 établissements, quelque 50 000 travailleurs et de nombreuses communautés reposent sur ces ressources pour assurer leur développement. Parmi les principaux produits issus du sous-sol québécois on trouve l’or, le fer, le nickel, le niobium, le cuivre, le lithium, le titane, le sel, le chrysotile, le graphite. La découverte récente de diamant devrait aussi en faire un pôle de développement. Par ailleurs, le potentiel de développement dans les terres rares, dans un contexte d’une demande croissante et d’une offre sous le contrôle presqu’exclusif de la Chine, pourrait leur donner un statut de métaux stratégiques.
Pourtant, malgré ces ressources abondantes, le Québec est un nain sur le plan de la propriété de ces ressources. Il fait ni plus ni moins figure de république bananière dans ce domaine. Les politiques interventionnistes et nationalistes des années 1970 avaient donné un sérieux coup de pouce au développement de la propriété québécoise de cette industrie. Mais les politiques ultralibérales de privatisation et les comportements de spéculation et de magouille des entrepreneurs québécois ont tôt fait de dilapider les résultats de ces efforts. De porteurs d’eau, nous sommes devenus des piocheux bien payés pour la durée de l’exploitation d’une mine.
Prenons l’exemple du lithium, qui devrait pourtant être considéré comme une ressource stratégie par n’importe quel gouvernement le moins du monde conscient d’être un bon fiduciaire de nos ressources. Pourtant, nous assistons depuis dix ans à la perte complète de la maîtrise québécoise sur ce minerai. Le projet minier Québec Lithium qui devrait voir le jour en 2012-2013, près de Val-d’Or, dont les ressources prouvées sont estimées à 33 millions de tonnes, suffisantes pour fabriquer pendant des décennies un million de batteries par année, a été acquise en 2009 par la compagnie ontarienne Canada Lithium. Même chose pour Phostech Lithium, de Saint-Bruno-de-Montarville, acquis par le groupe allemand Süd-Chemie en 2008. La production de Phostech Lithium, du phosphate de fer lithié, intrant fort prometteur pour les batteries lithium-ion, devrait atteindre un volume annuel de 2 500 tonnes métriques, ce qui permet de fabriquer 50 000 batteries de voitures électriques ou 500 000 batteries de voitures hybrides.
Je suis conscient des contraintes structurelles associées à l’industrie minière – barrière à l’entrée, accès aux capitaux, contrôle des marchés. C’est la raison pour laquelle l’État devrait intervenir pour reprendre le contrôle de cette industrie si particulière. Dans la mesure où ces ressources naturelles ne sont pas renouvelables, elles sont à jamais perdues pour le Québec lorsqu’elles sont exploitées sans contreparties. Leur exploitation représente une dépréciation du capital naturel des Québécois. Pour compenser cette perte, l’État a toute la légitimité d’intervenir en créant des sociétés d’État qui pourront s’accaparer la valeur ajoutée issue de cette exploitation pour accumuler un capital physique et financier transmissible dans le temps.
Rappelons que nous avons atteint une nouvelle phase de la mondialisation des marchés où ce sont les économies émergentes qui sont devenus les principaux demandeurs de ces ressources et qu’ils sont, en outre, de plus en plus actifs dans leur exploitation. Or, contrairement aux pays développés (à l’exception de la Norvège), la place des sociétés d’État dans les pays émergents est plus importante. Plus ces pays (Chine, Brésil, etc.) prendront de l’importance, au détriment des pays de philosophie libérale, plus le modèle des sociétés d’État s’imposera dans certains secteurs stratégiques, dont fait partie le secteur minier. Prenons le cas de la Chine. Dans le seul créneau des mines d’or, les Chinois possèdent quatre sociétés d’État exploitantes, les ‘big four’, Shandong Gold Group, Zijin Mining Group, China National Gold Group et Shandong Zhaojin Group. Elles sont présentement en mode achat partout à travers le monde, profitant de l’abondance du capital de développement de l’État chinois (à travers plusieurs fonds souverains). D’après une étude PwC publiée la semaine dernière, quatre des dix principales acquisitions recensées dans le secteur l’an dernier ont été réalisées par des acheteurs chinois, aux côtés des traditionnels canadiens et australiens. Selon le New York Times, le volume monétaire des acquisitions chinoises à l’étranger (tout secteur confondu) aurait été en hausse de 28 pour cent par rapport à la même période il ya un an, principalement par les sociétés d’État ou contrôlées par elles ou financées par des banques publiques.
Dans ce contexte, la seule alternative socialement responsable est que la société d’État Ressources Québec crée des filiales opérationnelles dans le domaine de l’exploitation et la transformation de métaux considérés comme stratégiques pour l’avenir du Québec et que ces filiales se donnent des stratégies de prises de contrôle visant la maîtrise québécoise de l’exploitation de ces métaux.
[...] le Plan Nord le Québec faisait partie de ces ‘occasions’ d’affaires. Comme je l’expliquais dans un billet la semaine dernière, malgré des ressources naturelles abondantes, le Québec fait figure de république bananière [...]