L’auteur invité, Pierre Langlois, physicien et vulgarisateur scientifique, est l’auteur du livre « Rouler sans pétrole ». .
L’hydrogène nous a été présenté depuis le milieu des années 1990 comme la solution miracle aux problèmes de pollution causés par les véhicules automobiles. Seule de la vapeur d’eau sort du tuyau d’échappement!
Mais l’hydrogène n’est pas aussi bénéfique qu’on le dit. Plusieurs experts ont démontré que l’économie hydrogène n’était pas viable, et qu’on s’éloignait du développement durable en prenant cette filière. Les principales raisons sont :
- si on produit l’hydrogène à partir des carburants fossiles (96 % de l’hydrogène est produit de cette manière) et qu’on tient compte de toutes les pertes reliées à la compression et la distribution de l’hydrogène, on émet autant de CO2 qu’une bonne voiture hybride à essence, sauf qu’on ne l’émet pas au lieu d’utilisation;
- si on produit l’hydrogène par électrolyse de l’eau, les véhicules à pile à combustible (PAC) consomment alors 3 fois plus d’électricité que des véhicules électriques à batterie ou des véhicules hybrides rechargeables, dû au cumul des pertes dans tous les procédés (transformation de l’énergie électrique en hydrogène par l’électrolyse, compression de l’hydrogène, distribution (10 à 15 fois plus de camions que pour l’essence), compression dans le réservoir du véhicule, transformation de l’hydrogène en électricité avec la PAC du véhicule);
- les centaines de milliards de dollars qu’il faudrait investir pour mettre en place un réseau de distribution de l’hydrogène, alors qu’il suffit de brancher des véhicules hybrides rechargeables dans un réseau déjà existant;
- faire le plein d’hydrogène coûterait au moins 5 fois plus cher que faire le plein d’électricité, et il en coûte en 2008 environ 15 à 20 fois plus cher;
- la difficulté de produire le platine, nécessaire à la fabrication des PAC, en quantité suffisante et son prix très élevé qui ne cesse de grimper, sans compter que 80% des réserves mondiales de ce métal rare se retrouvent dans un seul pays, l’Afrique du Sud, ce qui fragilise beaucoup l’approvisionnement mondial;
- la technologie n’est pas encore suffisamment fiable (durée de vie des PAC = 2000 heures) et le prix des voitures avoisine les 700 000 à 800 000 dollars, ce qui implique un retard de 10 à 15 ans des véhicules à PAC sur les véhicules électriques hybrides rechargeables, avec aucun avantage significatif, au contraire (difficulté d’approvisionnement, prix élevé, caractère explosif de l’hydrogène), rendant une pénétration du marché très improbable en 2020, alors qu’il y aura des dizaines de millions de véhicules hybrides branchables sur les routes;
- l’impossibilité d’avoir un réseau de distribution de l’hydrogène aussi étendu et flexible que le réseau de distribution de l’électricité, avec la possibilité d’échanger de l’électricité dans les deux sens (V2G) de façon efficace et sécuritaire, pour appuyer le réseau électrique à l’heure de pointe.
La question qu’il faut se poser c’est à qui profite l’hydrogène ? Certainement pas aux consommateurs! Qui va vouloir payer son « carburant » minimum 5 fois plus cher, chercher constamment les rares stations services qui en détiennent, construire 3 fois plus de centrales électriques pour fabriquer proprement l’hydrogène que le nombre requis pour recharger les batteries de nos véhicules hybrides branchables ? Qui ? Non l’hydrogène ne profitera pas aux consommateurs, mais il va profiter ÉNORMÉMENT aux compagnies pétrolières et gazières qui vont être ravies de nous en vendre. Car, il ne faut pas se leurrer, l’hydrogène fait par électrolyse coûte beaucoup plus cher que celui fait à partir des carburants fossiles, et c’est ce dernier qui prévaudrait pendant un bon moment.
Par ailleurs, pour ceux qui sont RÉELLEMENT préoccupés par le développement durable, il ne faut pas oublier qu’il est synonyme d’efficacité énergétique. Or est-ce que consommer trois fois plus d’énergie pour faire la même chose peut être considéré comme du développement durable ?
Je suis loin d’être le seul à penser de la sorte, et de plus en plus de scientifiques s’indignent de cette soi-disant « économie hydrogène ». Nous sommes rendus à une étape de notre civilisation où les gens doivent voir au delà des apparences et prendre en main leur avenir. On ne peut plus continuer à céder notre pouvoir de penser et de décider à des intérêts financiers qui se font un plaisir de le faire à notre place, en nous endormant de propagande.
D’ailleurs, la vapeur est en train de se renverser, car nous n’avons plus le temps d’attendre après une solution lointaine. Notre approvisionnement en pétrole est sérieusement menacé dans les 10 prochaines années (le prix qui grimpe en flèche en fait foi), et ça devient une question de sécurité nationale. […]
Il est plus que temps de tourner la page de la « dépense hydrogène » pour mettre en place rapidement une véritable « économie de l’électron ».
On trouve la version complète de ce texte sur Veille Techno
[...] routes avant longtemps, est par ailleurs de plus en plus contestée par les ingénieurs (voir le texte de Pierre Langlois). Par contre, la technologie de la voiture tout électrique (VE) gagne des appuis importants qui se [...]