L’auteur invité est Christian Chavagneux, journaliste à Alternatives Economiques.
Un vote important a eu lieu aux premières heures du 28 février au parlement européen pour forcer les banques à plus de transparence. Mais tout n’est pas encore gagné.
D’abord, la bonne nouvelle : dans le cadre du vote sur la Directive CRD IV, celle qui définit le contenu de la nouvelle réglementation bancaire pour l’Europe, les députés ont voté un article qui demande aux banques européennes de donner à partir du 1er janvier 2015, sur une base pays par pays, le montant du chiffre d’affaires qu’elles réalisent, le nombre d’employés, les profits réalisés, les impôts payés et les subventions publiques reçues.
Rappelons que le projet de loi de réforme bancaire français qui arrive en discussion au Sénat à partir du 20 mars ne demande aux banques françaises que de donner leur chiffre d’affaires et le nombre d’employés (voir les billets de Christian Chavagneux sur OikosBlogue). La loi européenne, lorsqu’elle sera traduite en droit français, imposera donc à priori, plus de contraintes à nos banques.
Peut être… Car l’article voté au parlement européen stipule que en ce qui concerne les profits réalisés, les impôts payés et les subventions publiques reçues, c’est la Commission européenne qui décidera si ces informations pourront être rendues publiques ou pas. Elle devra le dire au Conseil et au parlement mais elle pourra en attendant différer la publication des données et pourra dire année après année s’il faut différer encore.
Selon quels critères ? En fonction des « conséquences économiques significatives potentielles » qu’elle estimera de cette transparence sur « la compétitivité, l’investissement, la disponibilité du crédit et l’instabilité financière ». On a là la liste complète des menaces que le lobbying bancaire a fait passer aux députés : si vous nous forcez à révéler nos centres de profits et notre présence active dans les paradis fiscaux, les investisseurs ne vont pas être contents de ce mauvais effet de réputation et ils nous prêteront moins d’argent ou à plus cher que les banques des autres parties du monde (compétitivité), du coup, on aura moins d’argent pour investir et pour prêter.
Mais c’est l’argument qui consiste à dire que la Commission pourrait interdire la publication d’informations sur la place des banques dans les paradis fiscaux au motif que cela pourrait créer de l’instabilité financière qui est le plus révélateur : évidemment, quant on va « s’apercevoir » que toutes les grandes banques européennes sont largement présentes dans les paradis fiscaux et qu’elles y réalisent – fictivement – une part importante de leurs profits, ça va créer du raffut politique. Les banques 1) vont être sous la pression pour sortir de ces territoires, devenus des infrastructures clés de la mondialisation financière qui vont tanguer et 2) vont montrer qu’une partie de leur rentabilité tient à des pratiques douteuses.
Gageons que l’ambiance idéologique actuelle à la Commission va plutôt l’inciter à se ranger du côté des banquiers. Rien n’est donc définitivement gagné. Le Conseil va déjà dire bientôt s’il valide le texte du parlement et celui-ci votera en plénière sur le texte lors de la session prévu le 15-18 avril. Si ça passe, il faudra mettre la pression sur la Commission.
Si l’Europe passe à la comptabilité pays par pays grâce à un vote en 2013, l’idée aura mis 10 ans seulement à se concrétiser depuis que le britannique Richard Murphy, du Tax Justice Network, l’aura mise sur la table.
Mais n’oublions pas que toutes les grandes entreprises internationales sont présentes dans les paradis fiscaux, pas seulement les banques. Le prochain combat, si celui-ci est gagné, sera d’imposer cette transparence à toutes.
Pour lire le texte original, avec les hyperliens, on va sur le blogue de l’auteur.
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