Dans le premier billet de cette série nous avons montré que la révolution des véhicules électriques est à nos portes, mais j’ai surtout abordé l’industrie des véhicules personnels. Dans ce deuxième billet je vais montrer que la révolution des transports collectifs électrifiés est également en marche à vitesse grand V, même si nos décideurs font tout pour en freiner les espoirs. Pourquoi ? Difficile à expliquer, mais je dirais que nous avons beaucoup trop de petits comptables sans vision qui nous gouvernent !
Reste que, malgré cela, grâce à des gens comme Daniel Breton qui est encore au sein de ce gouvernement, le Québec a formulé les premiers éléments d’une stratégie d’électrification des transports qui comprend deux axes majeurs : d’une part, la substitution du pétrole par l’électricité dans les transports; d’autre part, le soutien aux secteurs industriels qui y sont associés. Il y engage relativement peu de ressources, mais il met en place les conditions nécessaires à un futur développement. Parmi celles-ci, la création de l’Institut du transport électrique (ITÉ), appelé à servir de courroie de transmission entre les entreprises et les avancées technologiques, apparaît comme la plus structurante. Si on lui donne les moyens d’agir, cet institut aura un rôle fondamental dans les débats et les décisions à venir.
Par exemple, concernant la décision pour imposer un SLR sur le Pont Champlain. Dans le bras de fer qui oppose le Québec et Ottawa (le gouvernement Marois réclame 1 milliard du fédéral pour ce projet), les experts de l’ITÉ devraient pouvoir apporter des arguments et des propositions de choix techniques imparables. Il faut aussi saluer le choix qui est fait de privilégier les projets rapidement réalisables de lignes de trolleybus (une première ligne d’une dizaine de kilomètres est prévue dans l’axe du boulevard Saint-Michel pour 2017 suivie d’autres sur les rues Jarry, Beaubien et dans l’axe Sauvé-Côte-Vertu). Le gouvernement du Québec devrait donner le plus rapidement possible un mandat à l’ITÉ d’étudier les choix techniques pour que les grandes villes du Québec qui le peuvent adoptent également la technologie des trolleybus (plutôt que le tramway) et qu’ainsi un certain seuil de commandes puisse être atteint pour l’implantation d’unité de production au Québec. Bombardier pourrait jouer un rôle clé dans cette optique pour développer des produits québécois originaux dans ce créneau. D’autant plus que la multinationale québécoise travaille par ailleurs sur un projet de bus électrique.
Désormais, la STM n’acquiert plus que des bus hybrides. Mais elle planifie la transition de son parc pour les véhicules 100 % électrique. Objectif ambitieux : que 95 % des déplacements en TC soient électriques d’ici 2030, ce qui implique qu’à partir de 2025 elle ne va plus acquérir que des véhicules électriques à zéro émission. Deux autobus électriques seront en essai bientôt : l’un avec le fabricant chinois BYD et l’autre avec Volvo (NovaBus). Précisons que des test d’autobus BYD électriques ont déjà lieu à Barcelone, mais aussi à Los Angeles (É-U) et à Sao Paulo (Brésil). Le pdg de la STM affirme que la technologie des bus électriques n’est pas encore prête. Je veux bien l’admettre. Mais comment explique-t-il qu’une petite ville de la Corée du Sud (Gumi, moins de 400 000 habitants) a déjà commencé à tester « une route électrique » qui permet aux bus électriques d’être propulsés ou de recharger leurs batteries à partir de câbles souterrains tout en roulant. L’électricité ainsi « aspirée » est ensuite utilisée pour propulser le véhicule ou pour être stockée dans des batteries. Les décideurs de cette petite ville l’admettent : ce système est encore trop coûteux. Mais ils prennent le risque de faire des essais à cette étape là, et d’innover pour en baisser les coûts. N’est-ce pas ça une société de l’innovation dont on nous rabâche les orielles depuis des lunes ???
Il me semble que la STM et le gouvernement du Québec devraient donner à Bombardier (comme à Volvo) les moyens pour que cette entreprise québécoise fasse également l’essai de son véhicule ici. Si le Québec pouvait faire en sorte que deux fabricants d’autobus électriques bâtissent ici leur plateforme technologique, ce serait un apport majeur. Bien sûr, les mesures protectionnistes sévères qui touchent ce secteur (au Québec comme aux États-Unis) fait en sorte que le contenu national est fortement imposé. Reste que si deux (ou trois si un programme agressif était mis en place!) fabricants majeurs d’autobus électriques installaient leur centre de R&D au Québec, ça impliquerait des retombées majeures sur le long terme, même s’ils faisaient par la suite produire leurs autobus dans les marchés où se réaliseraient leurs ventes.
Selon les essais d’autobus électriques réalisés en Italie, leur coût à l’achat est plus élevé qu’un autobus diesel standard (390 000 $ contre 275 000 $). Par contre les coûts d’utilisation annuelle sont significativement plus bas : 9 000 $ de coûts en électricité pour le bus électrique contre 50 000 $ de diesel pour le bus standard. En 10 ans, le coût global du bus électrique s’élève à 480 000 $ contre 775 000 $ pour le bus au diesel.
Comme je l’affirmais dans mon billet d’il y a deux semaines, je ne crois pas que le gouvernement du Québec est en mesure d’atteindre la cible de -25% des émissions de GES de 1990 pour 2020. Avec ce que nous pouvons voir de ce gouvernement, on peut s’attendre à des déceptions similaires à celles des Libéraux. Pourtant, il faut multiplier les efforts pour que cette cible puisse être atteinte le plus rapidement possible même si 2020 est impossible. Dans le prochain et dernier billet de la série : quelques propositions pour une feuille de route pour la transition dans les transports.
Autre excellente contribution de Gilles Bourque. Bien documenté et argumenté. Écriture mordante! À suivre YV
Article très intéressant, hâte de lire la suite sur les propositions surtout à la veille d’élections québécoises.. Cela pourrait permettre un réel débat.. du moins on peu l’espérer