Les chiffres contrastés de l’évolution de la croissance au Canada et aux États-Unis démontrent par eux-mêmes l’absurdité de la gestion de la crise par le gouvernement conservateur. Malgré l’effort des contribuables étatsuniens pour soutenir l’économie canadienne (le programme « Cash for Clunkers » a particulièrement favorisé l’industrie automobile ontarienne), cette dernière s’enlise dans la stagnation alors que le PIB des États-Unis connaît une croissance importante.
Selon les prévisions avancées (tellement avancées que ces évaluations connaissent habituellement des révisions significatives le mois suivant), le PIB des États-Unis au 3e trimestre devrait signaler un taux de croissance annualisé de 3,5 %. Ça signifie officiellement la fin de la récession dans ce pays. Toutes les grandes catégories des comptes nationaux auraient contribué à la croissance, à l’exception des investissements dans la construction non-résidentielle. Les revirements les plus importants sont dans la construction résidentielle (+ 23,4 %) et les exportations (+ 14,7 %), alors que les dépenses gouvernementales progressaient quant à elles de 7,9 %. Tous les analystes signalent que cette embellie découle directement du programme de relance du gouvernement Obama, ce qui devrait s’amoindrir graduellement dans les prochains trimestres.
Malgré ce taux de croissance élevé, ça ne va pas comme dans le meilleur des mondes aux États-Unis. Même si les licenciements se font à un rythme moindre, elles se poursuivent. Pour la première fois depuis le virage ultralibéral du président Reagan, le taux de chômage repasse la barre du 10 %. Près de 200 000 emplois ont été perdus en octobre. En plus de la baisse des emplois, la baisse des heures travaillées et du salaire hebdomadaire moyen fait craindre pour la solidité de la reprise (voir aussi mon texte sur les inégalités qui se creusent aux États-Unis).
Par ailleurs, les autorités de surveillance ont fermé à la fin octobre neuf banques, un record pour une seule journée depuis le début de la crise financière. Cette opération porte à 115 le nombre de banques mises en faillite depuis le 1er janvier, soit le plus haut niveau annuel depuis 1992. Le groupe US Bancorp a racheté les neuf établissements en faillite, héritant de 18,4 milliards de dollars d’actifs et de 15,4 milliards de dollars de dépôts. Début novembre, le groupe financier CIT a annoncé qu’il se mettait sous la protection de la loi sur les faillites aux États-Unis. Avec 71 milliards de dollars d’actifs, il s’agit de la 5e plus grosse faillite de l’histoire étatsunienne. Rappelons que la plus grande institution financière à s’être effondrée depuis le début de la crise est la Washington Mutual, qui détenait 307 milliards de dollars d’actifs à sa fermeture en septembre 2008.
Au Canada, le PIB régresse de 0,1 % en août après être resté inchangé en juillet. Il s’agit d’une 4e baisse en six mois. Sur un an (septembre 2008 à août 2009), l’économie canadienne a connu une baisse de 4 % et autour de 400 000 pertes d’emplois ! Tout indique que le 3e trimestre sera plutôt catastrophique au Canada puisque l’industrie automobile devrait durement ressentir, en septembre, la fin des impacts positifs du programme de « Cash for Clunkers » de nos voisins étatsuniens. La hausse mensuelle de 21,0 % en août pour cette industrie n’ayant pas suffi à contrebalancer complètement les baisses dans les autres secteurs de la fabrication, on peut imaginer l’effet de la baisse en septembre.
Le marché de l’emploi a continué de se détériorer en octobre. Mais, comme le souligne avec pertinence Jim Standford, économiste aux TCA, lorsque l’on considère la diminution importante de la population active au cours des derniers mois (c’est-à-dire le retrait de 250 000 personnes de la population active par découragement de se trouver un emploi), il faudrait parler d’un taux de chômage de 10 % plutôt que celui de 8,6 % dévoilé par Statistique Canada la semaine dernière. La détérioration de l’emploi est deux fois plus rapide au Canada qu’aux États-Unis.
Le problème avec l’économie canadienne c’est que l’effort gouvernemental porte presqu’exclusivement sur l’aide au secteur bancaire. L’aide du gouvernement Harper en faveur des banques est inégalée dans l’histoire canadienne; pourtant, alors que les cinq grandes banques canadiennes peuvent continuer à engranger des profits démesurés, les prêts aux entreprises sont toujours en déclin. Les dépenses du programme fédéral de soutien aux infrastructures pour la période d’octobre 2008 à août 2009 ont connu une baisse de 1,7 milliards $, comparées à la même période de l’année précédente, et on prévoit qu’elles n’augmenteront que de 1,9 milliards $ pour la prochaine année. Le volet infrastructure du plan de relance, qui est celui avec les impacts les plus importants sur l’emploi et l’économie en général, n’atteint à ce jour que 22 % des sommes prévues au budget.
L’économie québécoise affiche pour sa part une deuxième hausse mensuelle consécutive en juillet (+ 0,1 %). Cette modeste croissance est stimulée par le secteur des services dont l’accroissement de 0,2 % fait contrepoids à la baisse du même ordre du secteur des biens. Pourtant, les deux plus importants groupes d’industries de biens montrent un gain, en fait le quatrième d’affilée dans le cas de la production manufacturière et un rebond quant aux industries de la construction. L’emploi au Québec s’en ressent favorablement puisque nous faisons partie des quatre provinces à connaître une stabilité ou une hausse du marché du travail. Pour la première fois depuis des lunes, le taux de chômage québécois est inférieur à la moyenne canadienne.
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