La ministre de la Justice, Kathleen Weil, a redéposé en avril un projet de loi (9) contre les poursuites abusives des entreprises. Les poursuites-bâillons (communément appelées SLAPP, pour Strategic Lawsuit Against Public Participation) sont des poursuites judiciaires intentées contre des personnes ou des organisations qui ont adopté publiquement une position portant sur un enjeu de société et qui est contraire à l’auteur de la poursuite.
Le projet de loi reprend pour l’essentiel le projet qui était mort au feuilleton avec le déclenchement des élections générales, l’automne dernier. Cependant, selon des experts, celui de la ministre Weil irait encore plus loin, car les tribunaux pourront ordonner une provision pour frais, déclarer une poursuite abusive et imposer le paiement de dommages-intérêts. De plus, le fardeau de la preuve sera inversé, car il reviendra au demandeur de démontrer que son action est légitime, fondée en droit, et qu’elle ne vise à museler personne. En principe, l’adoption du projet de loi devrait se faire sans problème, puisque l’opposition a déjà donné son appui. Le projet de loi pourrait inclure les poursuites déjà déposées. « Le sens d’équité nous a amené à dire qu’il fallait faire en sorte que cette loi s’applique à certaines instances ou aux instances qui sont en cours actuellement », a fait valoir la ministre Weil.
Ce projet de loi fait quasi l’unanimité dans la population, sauf pour nos organisations patronales qui ne manquent jamais une occasion de montrer leur vision rétrograde de la justice et du droit des citoyens. La présidente de la Fédération des Chambres de commerce du Québec (FCCQ), Françoise Bertrand, a condamné le gouvernement qui a procédé à l’adoption de principe du projet de loi, avec l’appui des partis d’opposition. Pour le patronat, une telle loi empêchera les entreprises de poursuivre « des groupes ou des personnes qui, volontairement et sciemment, tiennent des propos ayant pour seul but de nuire à la réputation de ces mêmes entreprises ». Aux yeux de la FCCQ et du Conseil du patronat du Québec (CPQ), le slogan « L’économie d’abord » des Libéraux devrait implicitement signifier que les droits humains et sociaux sont finalement secondaires devant ce droit premier de la liberté d’entreprendre, en toute impunité.
Aux États-Unis, de nombreux États ont déjà légiféré en la matière, mais au Canada aucune autre province canadienne ne dispose de législation empêchant les SLAPP.
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