La conférence est commencée. D’ici le 18 décembre, des représentants politiques, des scientifiques et des acteurs de la société civile de plus de 190 pays participeront de diverses manières à cette négociation. Les attentes sont plus qu’énormes : l’enjeu n’est rien de moins que la vie sur la planète telle que nous la connaissons aujourd’hui. Comme nous le disions dans un article précédent, nous ne nous attendons pas à ce qu’un traité soit signé ce mois-ci. Mais un signal fort doit être donné sur un accord de principe courageux autour des principales recommandations du GIEC avec l’objectif de la signature d’un nouveau traité contraignant en 2010.
Selon un rapport du PNUE (Programme des Nations unies sur l’environnement) dévoilé hier, Nicholas Stern, économiste britannique spécialiste des changements climatiques, estime que le fossé qui sépare les réductions de GES proposées jusqu’ici des besoins effectifs pour limiter la hausse des températures à deux degrés centigrade ne dépasse que quelques milliards de tonnes. Selon les auteurs du document, la communauté mondiale doit se fixer pour objectif des émissions maximum de 44 milliards de tonnes par an en 2020 alors que les réductions proposées actuellement par les pays développés et en développement suffiraient à limiter les émissions à 46 milliards de tonnes par an d’ici à 2020, à condition d’être rigoureusement appliquées.
Les émissions mondiales actuelles s’élèvent approximativement à 47 milliards de tonnes par an. Sans aucune réduction, elles pourraient atteindre autour de 55 milliards de tonnes ou plus d’ici à 2020. On devra mesurer le succès de la conférence de Copenhague à l’obtention de cet effort supplémentaire.
De manière plus globale, le succès dépendra des résultats sur les 5 points suivants :
1- Cibles, échéancier et actions
Que les pays développés acceptent la nécessité d’une réduction globale ambitieuse des GES pour 2020 (au moins 25 % sous le niveau de 1990) et pour 2050 (50 % dont 75 à 80 % pour les pays développés) en se donnant des cibles nationales précises pour 2020. Que les pays en développement acceptent de mettre en place des actions significatives pour diminuer leurs émissions, y compris en réduisant la déforestation.
2- Financement
Que les pays s’accordent pour approvisionner à très court terme un fonds initial de 10 à 15 milliards $ pour financer les efforts d’adaptation et de mitigation des pays en développement pour réduire leurs émissions et pour faire face aux effets des changements climatiques, et d’augmenter l’approvisionnement de ce fonds (100 milliards $ par année) à mesure de l’augmentation des moyens.
3- Standards
Que, pour comparer des pommes avec des pommes, les pays établissent une méthodologie internationale commune pour identifier les sources des émissions de GES ainsi que des standards transparents et comparables pour mesurer et divulguer les réductions.
4- Surveillance
Que les pays acceptent des mécanismes forts pour mesurer, divulguer et vérifier la réalisation des engagements nationaux en termes de réduction de GES conclues à Copenhague.
5- Traité
Que les pays décident que le traité final sur le climat, portant sur la période 2012-2020, soit légalement contraignant et que les négociations pour y parvenir soient terminées en 2010.
Ces indicateurs combinent ceux choisis par le World Ressource Institute, auquel est associé Al Gore, avec les 10 conditions de succès du WWF.
VIVE COPENHAGUE ET LA MITIGATION !
La FAO – Food and Agriculture Organization of the United Nations, outil primordial des Nations unies dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation, vient enfin de publier en octobre 2009 un rapport essentiel : « Food Security and Agricultural Mitigation in Developing Countries : Options for Capturing Synergies»[1].
Ce document qui serait un projet, doit être présenté au prochain sommet de Copenhague, il est comme à l’habitude, dans notre monde de culture – si l’on peut dire- unique, rédigé en Américain, mélange de Globish et de pidgin (41 acronymes, comme si on ne pouvait pas s’exprimer intelligemment !), ce qui en rend la compréhension difficile et qui fait sans doute que bien des experts et spécialistes n’en prendront même pas connaissance.
Ce rapport s’appuie sur le fait que « Plusieurs stratégies efficaces d’atténuation du changement climatique par l’agriculture, bénéficient à la fois à la sécurité alimentaire, au développement et à l’adaptation au changement climatique…/… Le défi consiste à capturer ces synergies potentielles tout en gérant les compromis qui pourraient avoir des effets négatifs sur la sécurité alimentaire ».
On notera que l’atténuation du changement climatique par l’agriculture s’appelle « la mitigation de l’agriculture » et il semble que cela soit français même si selon le Larousse le terme ne s’applique pas à cette situation!
S’agissant surtout de problèmes alimentaires, Chrysale ne manquerait de nous dire ; « Je vis de bonne soupe et non de beau langage.», mais il faut en passer par là.
En clair, la crise des prix alimentaires et le réchauffement climatique sont les problèmes prioritaires du moment.
Le monde a de plus en plus faim, on ne produit pas assez, l’agriculture est le seul outil de production de l’alimentation, elle est à la fois responsable d’émission de gaz à effet de serre, et peut potentiellement participer à l’atténuation des émissions mondiales de ces gaz.
On est particulièrement surpris de constater que le rapport indique que l’agriculture est responsable de 14% des émissions de gaz à effet de serre, sans préciser s’il s’agit d’une émission brute ou nette.
On présente à ce sujet sa capacité d’atténuation (réduction et/ou élimination des émissions comme un élément potentiel, ce qui semblerait bien indiquer que l’on ne considère que sa capacité d’émission brute
Il semble que l’on oublie un élément essentiel : la photosynthèse, et que l’on en découvre tout à coup un tout nouveau aussi essentiel : la séquestration du carbone par les sols.
On oublie en effet que le CO² est le carburant des plantes, la chlorophylle permettant par le jeu de la photosynthèse de le capter dans l’atmosphère pour synthétiser la biomasse qui est de la matière organique c’est-à-dire dont toutes les molécules contiennent du carbone.
Ceci montre l’importance du couvert végétal, en particulier les forêts, notamment dans leur phase de croissance.
La séquestration du carbone par les sols, qui nous permet d’utiliser les carburants fossiles stockés depuis des millénaires n’est pas une technique nouvelle en agriculture. La récupération des déchets organiques relève de techniques ancestrales qui ont certes été contrecarrées par l’écobuage ou par le trop peu d’attention apportée à l’érosion.
Il faut noter que contrairement à la simple captation qui commence à se réaliser dans le secteur secondaire, la séquestration est suivie ici d’un recyclage en matière organique.
On note qu’un des éléments en faveur des biocarburants tient à ce qu’ils permettent de recycler le CO² de façon quasi instantanée alors qu’il faut attendre des millénaires pour le recycler en carburant fossile. La contrepartie est, ainsi que l’indique le rapport, que la production de biocarburants risque de priver l’agriculture de terres plus utiles pour la production de nourriture.
On peut sur ce dernier point se poser la question, lorsqu’on voit l’importance des friches, souvent subventionnées, dans les pays développés de savoir si finalement il n’existe pas suffisamment de terres arables pour tout faire.
Il y a donc une profonde injustice à ne considérer que les émissions brutes du secteur agricole, ce qui conduit d’ailleurs à le pénaliser par les taxe carbone payée sur les intrants conduisant à des émissions.
Il serait plus juste de considérer les émissions nettes, qui ont des chances de devenir négatives et qui devraient en conséquence donner lieu à rémunération du secteur agricole pour le recyclage ou la séquestration du CO² qu’il est seul à opérer.
Il faut enfin insister sur un des effets pervers de la mondialisation qui dans la production agricole, et notamment alimentaire a supprimé le principe essentiel de proximité qui voudrait que la production se fasse au plus près de la consommation. La conséquence est triple :
- Une augmentation des prix, liés aux coûts de transport de produits agricoles circulant en tous sens à travers le monde.
- Une augmentation forte des émissions de gaz à effet de serre liée à ces transports et que l’on impute sans doute à l’agriculture.
- Un accroissement de la famine, directement lié à des principes politiques aberrants, notamment l’ajustement structurel, chez les pays en développement, qui voudraient que ces pays ne recherchent pas en priorité leur autosuffisance alimentaire, mais une indépendance financière qu’ils obtiendraient par la mise en œuvre d’une agriculture industrielle permettant des exportations génératrices de devises.
On en arrive à un néo-colonialisme, pire que l’autre où les produits industriels payés à bas prix par les pays riches ne permettent pas l’achat de produits alimentaires de base à ces mêmes pays. Le coton africain produit en lieu et place du mil ou sorgho ne permet pas d’acheter du blé ou du riz.
La « mitigation » de l’agriculture en prend au passage un sacré coup par les doubles transports, car même si les exportations ne permettent pas de payer l’alimentation, il faut bien importer celle-ci, ne serait-ce qu’au moyen de l’aide alimentaire mondiale.
Le rapport indique : « Un certain nombre de mécanismes qui pourraient débloquer – il n’y aurait pas qu’eux !- les avantages potentiels de l’agriculture pour la mitigation, la sécurité alimentaire et le développement agricole.
Une gamme d’options de financement –public, public privé et marché du carbone – font actuellement l’objet de négociations en vue d’initiatives de mitigation dans les pays en développement.
Ceci pourrait consister en des sources de financement pour les initiatives de mitigation de l’agriculture, mais pourrait aussi faire l’objet d’un Fonds international dédié au soutien de la mitigation de l’agriculture dans les pays en développement et à la coordination des financements provenant de l’aide publique au développement de l’agriculture… ».
On croit rêver ! Voilà donc les pays les plus riches, les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, donc, les plus gros démolisseurs du climat si ce que disent les pseudo scientifiques spécialistes de celui-ci est vrai, qui vont enseigner aux pays en développement comment faire la mitigation de leur agriculture, alors que celle-ci à ses balbutiements est au maximum du ratio captation recyclage/émission.
Voilà les pays les plus riches, qui ont été incapables depuis les indépendances, d’aider ces malheureux à assurer leur autosuffisance alimentaire, qui vont éradiquer la famine en transposant chez les autres des outils qu’ils n’ont pas su appliquer chez eux.
Mais de quoi je me mêle ! dirait à juste titre cette brave Sénégalaise qui se bat avec les femmes de la vallée du fleuve, pour que les hommes ne partent pas à l’étranger au risque de leur vie, mais mettent en valeur les terres du pays.
« En Afrique dit-elle les projets de lutte contre la pauvreté appauvrissent les populations ».
Mais de quoi je me mêle ! dirait Madame Mambisa MOYO auteur de « L’aide fatale» qui démontre que les pays en développement, l’Afrique notamment, peuvent se débrouiller tous seuls.
Le drame n’est-il pas que nous nous moquons éperdument du développement de ces pays et de la mort de faim de milliers d’enfants par jour ? Il est vrai qu ils ne sont pas comptés !
Il ne nous intéresse ce développement que s’il nous permet une mitigation qui corrigera nos erreurs passées et nous permettra de continuer à vivre au dessus des moyens que nous donne notre environnement.
N’est-ce pas le responsable français de la coopération qui avant d’inventer un loto pour financer le développement en Afrique, déclarait en 2008 : « Ne pas avoir peur de dire aux Africains qu’on veut les aider, mais qu’on veut aussi que cela nous rapporte» ?
L’économie réelle s’appuie sur la priorité donnée aux actes économiques conduisant à satisfaire dans l’ordre : les besoins alimentaires, la santé et l’éducation. Il se trouve que l’on méprise ces facteurs limitants du développement dans celui que l’on prétend durable, pour leur substituer des éléments d’économie fictive – la taxe carbone en est un essentiel – éléments dont on refuse de voir où il nous conduisent dans la crise économique où nous ne faisons qu’entrer.
Vive la mitigation, et pourquoi ne pas la mettre à l’honneur au moyen de cet hymne pour Copenhague ?
[1] Sécurité alimentaire et contribution à l’atténuation climatique : Options pour la capture des synergies.
Hymne pour COPENHAGUE
Refrain :
Quand allons nous mitigassier,
Mitigassier, mitigassier,
Quand allons nous mitigassier
Mon durable adoré ?
Couplet 1
Y a eu Kyoto qui a pas marché
Et puis Bali qui a foiré
Á Copenhague ou il fait froid,
Faudra se réchauffer
Refrain
Couplet 2
Les faits de serre moi dans tes bras
Seront bientôt taxés
Car bonne amie nos émissions
Doivent être maîtrisées
Refrain
Couplet 3
Y aura le Giec, la FAO
Le FMI et puis BORLO
On parlera du VCS,
Du CDM de l’AFOLU
Refrain
couplet 4
Y aura l’IFAD, l’IPCC,
Les ONG et Yan Arthus
Et puis HULOT avec BOVÉ
Et ce cher Cohn BENDIT
Refrain
Couplet5
On va taxer les crève-la-faim
Parce ils nous pompent l’air
Et Joyandet f’ra un loto
Pour payer ces impôts !
Refrain.
o O o