CESD-Oikos-989x90

Le samedi 23 avril 2022

Recherche:

La dette publique est-elle encore maîtrisable ?

croissanceL’auteure invitée, Maud Seror, est journaliste au magazine Alternatives Economiques

La Grèce, plombée par une dette publique (113 % du PIB) et un déficit budgétaire (12,7 % du PIB) record, vient d’être sanctionnée par les agences de notation, et fragilise la zone euro. Dans presque tous les pays industrialisés, la crise a fait exploser la dette publique. En France, elle approche désormais les 1 500 milliards d’euros, soit 77 % du PIB en 2009. Cela s’explique : sans un soutien public massif à l’activité, la récession aurait été plus sévère encore. Mais le niveau atteint par la dette publique appelle fatalement des mesures correctives.

Pourquoi la dette explose ?

Avec la crise, la dette publique a changé d’échelle. Alors qu’elle atteignait 64 % du produit intérieur brut (PIB) en 2007, elle devrait s’établir à 84 % du PIB l’an prochain, selon le projet de loi de finances 2010, et cela avant même la prise en compte du « grand emprunt ».

Cette accélération résulte pour l’essentiel du creusement du déficit public à 8,2 % du PIB cette année et à 8,5 % l’an prochain. Ce niveau inédit s’explique d’abord par la profondeur de la crise. Comme toujours en période de récession, l’Etat enregistre moins de recettes, du fait de la contraction des assiettes fiscales, alors que dans le même temps, ses dépenses sociales augmentent. Ainsi la collecte de l’impôt sur les sociétés devrait reculer de 43 % cette année, tandis que les allocations chômage progresseraient de 18 %.

C’est ce que l’on appelle les stabilisateurs automatiques, car ils contrebalancent spontanément l’effet du cycle d’activité. Leur impact est d’autant plus important que la sphère publique est plus large. Ils ont joué à plein en France pour limiter la récession, mais ont creusé un trou dans les comptes publics équivalant à 3,6 points de PIB en 2009. S’y ajoutent, mais pour 1,2 point seulement, les mesures spécifiques prises au titre du plan de relance.

Le solde très négatif des comptes publics français tient cependant aussi à une situation de départ défavorable. En 2007, après trois années de croissance, le déficit flirtait en effet déjà avec la limite des 3 % du PIB fixée par le pacte de stabilité européen. Autrement dit, la France n’avait pas profité des années de « vaches grasses » pour reconstituer ses marges de manœuvre budgétaires. A cela est venu s’ajouter l’effet négatif du paquet fiscal adopté à l’été 2007, avant la crise. En Allemagne, qui avait abordé la crise avec des finances publiques équilibrées, le déficit devrait se limiter à 5 % du PIB en 2010, d’après la Commission européenne, malgré un plan de relance finalement plus important que celui mis en œuvre en France.

Depuis une trentaine d’années, chaque crise fait franchir à la dette publique une nouvelle marche sans que la reprise qui suit ne permette de la faire redescendre… D’où une progression quasiment continue de son niveau. Le problème, c’est que plus la dette augmente, plus les intérêts qu’il faut servir pèsent sur le déficit : le service de la dette coûte 42 milliards à l’Etat cette année, soit 15 % de son budget. C’est son deuxième poste de dépenses et cela représente presque autant que tout le produit de l’impôt sur le revenu !

Or cette charge, déjà importante, correspond pour l’instant à un niveau historiquement bas des taux d’intérêt. Une situation qui n’a aucune raison de perdurer. De plus, la charge de la dette augmente plus vite que le PIB si le taux d’intérêt est supérieur au taux de croissance, ce qui est déjà le cas aujourd’hui, bien que les taux d’intérêt soient bas. Pour stabiliser le ratio de la dette sur le PIB, il faut en effet que l’Etat dégage ce que l’on appelle un excédent primaire, c’est-à-dire un excédent budgétaire avant prise en compte de la charge de la dette. Un excédent d’autant plus important que la croissance est faible et l’endettement élevé.

Comment la réduire ?

On a vu par le passé se résorber des dettes autrement plus lourdes. Les pays belligérants de la Seconde Guerre mondiale sont sortis du conflit avec des dettes publiques pouvant aller jusqu’à 300 % du PIB (au Royaume-Uni). Mais ils ont connu dans l’après-guerre une croissance et une inflation bien plus élevées qu’aujourd’hui.

La croissance est en effet le remède miracle contre la dynamique de la dette. La richesse supplémentaire produite permet en effet de faire baisser le ratio de dette/PIB, même en cas de déficit public. Et elle rend plus aisé d’équilibrer les comptes puisque les recettes fiscales rentrent bien. C’est grâce à la croissance que l’Etat américain, par exemple, s’était désendetté sous la présidence de Bill Clinton dans les années 1990, ou l’Etat espagnol après son entrée dans l’euro. Mais il ne faut pas se leurrer : l’Europe n’est pas près de renouer avec un niveau de croissance qui résoudrait à lui seul la question.

L’inflation a le même effet que la croissance. Mais à une condition : que les taux d’intérêt n’augmentent pas en même temps que le taux d’inflation. Dans un monde où les créanciers des Etats sont désormais majoritairement des investisseurs étrangers (les deux tiers de la dette publique française sont aux mains de non-résidents), les marchés financiers parviennent à se prémunir contre l’érosion de la valeur de la dette en exigeant des taux d’intérêt plus élevés. De toute façon, l’inflation ne se décrète pas : malgré la politique monétaire hyperaccommodante menée actuellement, les prix restent stables pour l’instant.

Une autre possibilité pour diminuer la dette publique consiste pour l’Etat à vendre son patrimoine. Car la dette dont il est question ici est une dette brute. Elle ne tient pas compte du fait que l’Etat a un actif face à son passif. En 2008, l’Etat détenait ainsi plus de 300 milliards d’actifs financiers (titres de dette ou actions de sociétés cotées).

Il peut décider de privatiser des entreprises publiques, de vendre son parc immobilier ou encore de valoriser ses actifs immatériels (la marque Louvre, par exemple, se vend bien…). Mais la vente des bijoux de famille est une arme à un seul coup : si elle permet de réduire la dette, elle n’élimine pas ses causes. Si les dépenses sont structurellement supérieures aux recettes, l’endettement augmentera à nouveau inexorablement. Reste donc au final une seule issue : réduire le déficit.

Que faire ?

Le gouvernement s’est engagé à réduire le déficit public de 1 % du PIB par an, soit 20 milliards d’euros, à partir de 2011. Comment peut-il faire ?

Du côté des dépenses, il ne faut pas exagérer les vertus de la chasse au gaspi. Le gouvernement attend 7,7 milliards d’euros d’économies en trois ans (2009-2011) de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, destinée à accroître l’efficacité de l’Etat. Quant au non-remplacement d’un fonctionnaire de l’Etat sur deux partant à la retraite, il ne permet que 500 millions d’euros d’économies annuelles et pose de nombreux problèmes, notamment dans la santé, la sécurité ou encore l’éducation. Il serait certes utile de mettre de l’ordre dans l’architecture des collectivités territoriales dont la multiplication des échelons est source d’inefficacité, mais là non plus, pas de miracle à attendre: leurs finances sont quasiment équilibrées et les services qu’elles rendent sont appréciés tant de la population que des entreprises. Et le remède peut être pire que le mal, comme on le voit actuellement avec la réforme de la taxe professionnelle.

Il y a davantage de marges du côté des recettes. Le manque à gagner de la fraude fiscale, l’évasion en particulier vers les paradis fiscaux, était estimé en 2007 entre 30 et 40 milliards d’euros par le Conseil des prélèvements obligatoires. L’Etat devrait aussi commencer à reconquérir le potentiel fiscal dont il s’est délibérément privé au fil des années. Les seules réductions d’impôts votées depuis 2000 ont amputé les recettes publiques de 66 milliards d’euros par an. Les multiples niches fiscales, dont l’utilité sociale et le rendement économique ne sont pas toujours avérés, ont un coût annuel de 73 milliards d’euros. C’est le cas en particulier des multiples exonérations qui favorisent les revenus du capital, dans un contexte où il faudrait au contraire limiter l’excès d’épargne des ménages français.

On peut lire le texte complet sur le site du magazine Alternatives Economiques

Discussion

Commentaire pour “La dette publique est-elle encore maîtrisable ?”

  1. [...] n’est pas que l’économie étatsunienne qui pose problème. Plusieurs pays de l’OCDE font face à des croissances abyssales de leur dette publique. S’ils continuent au même rythme, [...]

    Écrit par Oikos Blogue | Connaîtra-t-on une récession en « W » ? | janvier 5, 2010, 9 h 19 min

Commentaire

Inscrivez votre courriel ci-dessous pour recevoir le bulletin hebdomadaire:

Agenda Public

Un code est requis pour ajouter des evenements a l'agenda.
Appuyez sur "Obtenir un code" ci-dessous pour s'inscrire.

Si vous avez un code, inserez votre code ci-dessous:

Votre compte étant nouveau, s'il vous plait enregistrer vos informations:











Informations sur l'evenement a ajouter: