La plupart du temps, du moins pour celles que nous avons connues ces dernières décennies, les récessions connaissent une évolution en V : phase de décroissance rapide et violente, de deux ou trois trimestres, suivie assez rapidement d’une phase de forte reprise. Il faut préciser, cependant, que les récessions qui se sont succédées depuis le milieu des années 1970 ont, à chaque fois, été de plus en plus difficiles.
Aujourd’hui, plusieurs économistes estiment que la récession que nous traversons poursuivra sur cette lancée, mais avec une difficulté supplémentaire. Elle aurait des probabilités importantes de connaître une évolution en W, c’est-à-dire qu’après une première phase de reprise nous pourrions connaître une deuxième phase de décroissance Aux États-Unis on parle de « double dip ». C’est ce qui s’était passé lors de la crise des années 1930 : l’économie des États-Unis aurait en effet replongée dans la récession en 1937 pour ne se redresser définitivement qu’avec l’entrée du pays.
Les économistes trouvent des similitudes entre les deux périodes. Face à des déficits astronomiques, aux réserves excessives détenues par les banques, à la spéculation sur les commodités, aux dévaluations compétitives de certaines monnaies ainsi qu’à des craintes d’une spirale inflationniste, l’opinion publique exige la fin des mesures interventionnistes, ce qui malheureusement aura conduit l’économie étatsunienne dans une 2e phase de décroissance en 1937 et qui pourrait reproduire le même effet en 2010.
C’est d’autant plus inquiétant que, malgré les données positives du PIB, l’emploi continu à montrer des signes de faiblesse et que le marché immobilier reste fragile. À la fin décembre, peu avant les fêtes, l’Office of Thrift Supervision (OTS) des Etats-Unis a dévoilé ses données les plus récentes sur le marché hypothécaire. Selon ces données, qui couvrent 65 % de l’ensemble du marché étatsunien, l’immobilier est toujours en crise : le pourcentage des hypothèques performantes est en baisse pour un sixième trimestre consécutif avec un taux de 87 % alors que celui des hypothèques en retard important monte à 6,2 %. Pour la première fois de son histoire, le nombre de saisies en cours dépasse le 1 million d’hypothèques.
Même si c’est encore la catégorie des hypothèques à risque qui sont les plus touchées par les saisies, le problème n’est plus celui de la montée des taux d’intérêt, qui sont au plus bas depuis 60 ans, mais plutôt la montée du chômage à un niveau que les Etats-Unis n’avaient pas connu depuis longtemps. La baisse de revenu est devenue la principale cause de non-paiement hypothécaire. Les spécialistes soulignent que le HAMP (Home Affordable Modification Program) qui a rapidement été mis en place par l’administration Obama, conçu pour la crise des hypothèques à risque, ne répond plus à la problématique actuelle.
Ce n’est pas que l’économie étatsunienne qui pose problème. Plusieurs pays de l’OCDE font face à des croissances abyssales de leur dette publique. S’ils continuent au même rythme, plusieurs dettes publiques dépasseront le ratio de 100 % du PIB. Contrairement au Japon, qui a depuis longtemps dépassé ce plafond, les opinions publiques du monde occidental sont sensibles à ce genre de situation. Les opinions publiques ne sont pas les meilleurs conseillers du Prince, mais les lobbys de droite feront tout pour que cette opinion résonne fortement dans son oreille.
Dans les mois qui viennent, c’est à peu près sûr que les analystes du marché de détail vont surfer sur la croissance des marchés. Mais le problème c’est qu’une partie substantielle de cette hausse est artificiellement due aux politiques suivies par les banques centrales qui ont desserré la vis monétaire, alors que le problème de la réglementation des marchés financiers n’a même pas été réglé. Les spéculateurs ont recommencé à jouer avec les allumettes.
Si le G20 ne met pas rapidement en œuvre les mesures les plus radicales qui ont été proposées par les observateurs les plus avisés (voir les propositions du Shadow Gn), il y a tout lieu de s’attendre au pire dans un avenir proche.
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