Il est possible d’accéder à l’indépendance du Québec face au pétrole. Ce qui était inimaginable il y a quelques années devient maintenant envisageable dans le moyen terme dans la foulée de la croissance du prix du pétrole et des nouvelles tendances dans la construction automobile. Dans la mesure où 99 % de la consommation énergétique du secteur des transports provient de la combustion de carburants fossiles, et que ça constitue 48 % de l’émission de GES au Québec, c’est dans ce domaine qu’il faut agir en priorité.

Selon un rapport dévoilé par le RéseauIQ (association des ingénieurs électriques du Québec), qui cite les calculs du Centre d’expérimentation des véhicules électriques du Québec (CEVEQ), une pénétration des véhicules électriques dans une proportion de 10 % de l’ensemble des véhicules au Québec n’exigerait une réserve de puissance que de 450 MW (1 % de la puissance totale actuellement disponible). Or dans les prochaines années la nouvelle puissance installée en énergie éolienne atteindra 3 500 MW. Donc, du côté de l’offre d’énergie renouvelable, il n’y a pas de problème.

De son côté, l’importation de pétrole coûte 14 milliards de dollars par année, précise le rapport du RéseauIQ, rappelant qu’avec la pression mondiale sur la demande de pétrole et l’instabilité politique de certaines régions productrices, ces coûts pourraient encore augmenter, comme nous l’avons mentionné nous-mêmes dans notre article du 10 juin La dernière heure de la mondialisation aurait-elle sonné ?

On peut aussi envisager une stratégie beaucoup plus ambitieuse d’efficacité énergétique qui permettrait de compenser les nouvelles utilisations d’électricité pour les transports par la production de « négawatts ». Afin de développer l’efficacité énergétique au Québec, le RéseauIQ propose par exemple la création d’un Fonds national d’efficacité énergétique qui s’autofinancerait par des prêts aux entreprises passant à l’action avec des projets d’efficacité énergétique. Les spécialistes calculent que 30 % des volumes d’énergie consommés en industrie, les plus grandes consommatrices d’énergie, pourraient être éliminés si les initiatives dont la période de retour sur l’investissement allant jusqu’à quatre ans étaient réalisées. Les investissements dans des bâtiments plus éco-énergétiques, par exemple en facilitant les normes Novoclimat ou LEED, ou dans des équipements à la fine pointe, représentent une source encore très importante de production de « négawatts ».

Le gouvernement du Québec n’a aucune stratégie de développement réaliste dans le secteur du transport. Il est illusoire de penser que nous allons développer un secteur automobile électrique au Québec, à l’exception peut-être des moteurs et des piles. « On y rêve et je pense qu’il n’y a rien d’impossible. On est au bon endroit au bon moment », a lancé M. Béchard en conférence de presse à Montréal, il y a quelques temps, évoquant « une chaîne québécoise (…), de la production de l’énergie jusqu’à la production de l’automobile ». Au contraire, la force du Québec réside dans les équipements en transport collectif et c’est par ce biais que nous pourrions avoir en même temps un impact sur la grappe des transports, non par la production automobile. Récemment, c’est Ford qui a pris l’initiative de faire tester 21 véhicules du Ford Escape PHEV par neuf entreprises publiques dans le domaine de l’énergie, dont Hydro-Québec, le seul en sol canadien. Il y aura des retombées positives pour le Québec, sur le plan d’une stratégie pour la mise en place d’un réseau de bornes pour les VE, mais sûrement pas pour la fabrication de véhicules au Québec.

Il faut que M. Béchard arrête de nous prendre pour des valises. C’est au gouvernement à formuler une politique industrielle claire pour le Québec dans les secteurs où nous avons des avantages comparatifs évidents, dans les équipements de transports collectifs (train, autobus, utilitaires), avant que nos voisins prennent toute la place.