Un courant d’opinion se développe, dans les médias étatsuniens, laissant entendre que le désastre écologique de BP constitue, pour le président Obama, ce qu’aurait représenté Katrina pour l’ex-président Bush ! Comme manœuvre grossière de propagande, on peut difficilement faire mieux que ça. Et à voir la façon dont nos médias, y compris Radio-Canada, relaient cette propagande particulièrement odieuse, on peut se poser des questions. On devrait forcer nos journalistes à étudier sérieusement la série produite par Radio-Canada « Amour, haine et propagande » pour qu’ils améliorent leur travail.
Comme le rappelle Joe Romm sur son blogue « At least 1,836 people lost their lives in the actual hurricane and in the subsequent floods, making it the deadliest U.S. hurricane since the 1928 Okeechobee hurricane. Hurricane Katrina in 2005 was the largest natural disaster in the history of the United States. Total damage was $81 billion (2005 USD), nearly triple the damage wrought by Hurricane Andrew in 1992. »
Ce n’est pas de l’ouragan Katrina qu’on accusait Georges Bush, mais de l’incapacité de l’administration de gérer ses conséquences. Le drame de la marée noire de BP repose aussi, comme Katrina, sur la gestion déficiente des conséquences, mais découle surtout de la gestion défaillante des administrations précédentes qui, du fait de leur incompétence et de leur collusion avec l’industrie pétrolière, portent les responsabilités directes de cette catastrophe.
La population des États-Unis a élu Georges Bush pour deux mandats, pendant lesquels les plus hauts placés de son administration, liés à l’industrie pétrolière, ont profité pour transférer à cette dernière d’énormes pouvoirs et prérogatives. Et maintenant ils ont le culot de critiquer l’administration Obama pour l’inaction du gouvernement dans ce domaine !!! Lorsque l’on permet à des entreprises de faire des forages à près de 2 kilomètres sous le niveau de la mer alors que personne, ni les pétrolières ni le gouvernement, n’a l’expertise pour réagir rapidement en cas de désastre, qui porte les responsabilités ?
Si le président porte une responsabilité, ce n’est pas celle du passé, ou même celle du présent, mais bien de celle du futur. Devant l’histoire, il a la responsabilité de saisir cette occasion pour changer un modèle de développement qui nous mène, tous, au désastre. Après la pire catastrophe minière des 40 dernières années (les 25 morts de la mine de charbon de Massey Energy) et le pire désastre environnemental de l’histoire du pays, la gauche démocrate lui demande d’agir rapidement pour changer la culture de l’administration du pays. Il y a une nécessité, une urgence de briser cette culture de collusion avec l’industrie pour reconstruire les bases d’une culture de bonne gestion du bien public, qui fait défaut aux Etats-Unis depuis la révolution conservatrice du début des années 1980 et qui s’est particulièrement exprimée dans le secteur de l’énergie.
Remettre en question un modèle de développement
Ce qui plus important, c’est de mettre en place les institutions (des législations mais aussi des manières de penser et de faire) qui vont faciliter l’émergence d’un nouveau modèle de développement. De plus en plus de voix se font entendre, mais aussi d’oreilles qui sont réceptives, pour questionner un modèle de développement fondé sur le pétrole à bon marché. À l’heure où, justement, l’accès facile et relativement sécuritaire aux sources de pétroles s’épuise, il est temps de sonner la dernière heure de l’addiction au pétrole, parce que le pire est à venir si rien n’est fait.
« This is what the end of the oil age looks like. The cheap, easy petroleum is gone; from now on, we will pay steadily more and more for what we put in our gas tanks—more not just in dollars, but in lives and health, in a failed foreign policy that spawns foreign wars and military occupations, and in the lost integrity of the biological systems that sustain life on this planet. The only solution is to do proactively, and sooner, what we will end up doing anyway as a result of resource depletion and economic, environmental, and military ruin: end our dependence on the stuff. » Richard Heinberg du Post Carbon Institute.
Nous le savons, au rythme d’épuisement actuel, les sources futures de cette énergie sale, qu’est le pétrole, devront provenir des sables bitumineux et des fonds de l’Arctique. Comment pouvons-nous être collectivement assez inconscients pour ne pas réagir contre ce scénario ? Les agents économiques sont trop dépendants, en particulier pour leurs déplacements, pour envisager pouvoir s’en passer. Il faut souhaiter que l’administration Obama réussira à promulguer une loi sur le climat et l’énergie ambitieuse pour changer cet état de fait, et qu’elle aura des retombées significatives sur le Canada.
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