Les salaires des pdg sont indécents. Depuis une trentaine d’années, conservatrices sur le plan social, mais ultralibérales sur le plan économique, les grands patrons et hauts financiers ont pris leur revanche sur la période précédente, celle au cours de laquelle le pouvoir politique avait imposé une réglementation assez étendue sur les marchés et sur les rémunérations des grands dirigeants d’entreprises. La révolution libéro-conservatrice a fait table rase de ces réglementations. Avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui.
Le symbole le plus visible, et choquant, de cette grande escroquerie sociale est justement l’explosion des salaires des pdg. La libéralisation économique qui s’est propagé ces trente dernières années a permis aux plus hauts détenteurs du pouvoir économiques – les dirigeants des grandes entreprises et les financiers – de détourner une part de plus en plus importante de la richesse nationale – la valeur ajoutée – à leur seul profit.
Aux États-Unis, le revenu moyen des 400 familles ayant les plus hauts revenus, exprimé en dollars de 1990, est passé de 17 à 87 millions de dollars, soit une multiplication par cinq en termes réels. Le pourcentage du revenu national total qui est allé à ces 400 familles a triplé, passant 0,52% en 1992 à 1,59% en 2007. Parallèlement, le taux d’imposition effectif de ce groupe – c’est-à-dire le montant réellement versé en impôts – est tombé à 16,6%, chiffre le plus bas enregistré depuis 1992.
En France, les pdg du CAC 40 (l’indice phare de la Bourse de Paris), les plus importantes entreprises cotées en Bourse, ont en moyenne touché en une journée le salaire annuel d’un salarié payé au salaire minimum. En 2007, ils ont perçu une rémunération moyenne de 7,5 millions de dollars, soit 308 années de salaire minimum. En tête de palmarès, les écarts peuvent atteindre jusqu’à 1 200 fois le salaire minimum. Si on ajoute les bonus, les trois plus riches dirigeants ont touché jusqu’à 20 000 fois le salaire minimum. Et dire qu’Henri Ford préconisait un écart « admissible » de salaires de 1 à 40 dans les entreprises !
Selon une étude mentionnée par Sophie Cousineau, dans La Presse, qui s’intitule La méchanceté dans les organisations : quand les grands patrons empochent les millions, non seulement ces derniers élargissent les écarts de revenus en détournant la richesse des entreprises à leur profit, mais en plus ils sont plus vindicatifs envers les plus petits salariés. L’étude démontre que plus les patrons sont grassement rémunérés et plus la différence salariale est grande entre eux et leurs employés subalternes, plus ces dirigeants sont méchants envers les petits salariés.
« Les grandes inégalités dans la rémunération des dirigeants et des employés ordinaires font en sorte que les patrons se sentent tout-puissants. Cette perception les entraîne à maltraiter les petits salariés », souligne Mme Cousineau dans son article.
L’étude en question a été publiée dans le Harvard Business Review par trois professeurs, Sreedhari Desai (Harvard), Arthur Brief (University of Utah) et Jennifer George (Rice University).
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