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Le samedi 23 avril 2022

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Régime fiscal : un tournant est nécessaire (3)

Dans le dernier de la série de trois billets portant sur un changement de paradigme dans le domaine de la fiscalité, vers un régime beaucoup plus progressif, je vais d’abord donner la parole à un dirigeant d’entreprise français pour ensuite aborder la situation budgétaire catastrophique, et très conflictuelle, des États des États-Unis. Il n’y a pas de doute possible, nous sommes à l’heure des choix, mais certains groupes sociaux, en l’occurrence les plus favorisés d’entre nous, refusent de perdre les avantages acquis au cours des deux dernières décennies de dégradation de la justice fiscale.

Alain Godard, ex-président du Directoire d’Aventis CropSciences, groupe industriel français dans le domaine de l’agrochimie, aujourd’hui recyclé dans une nouvelle carrière d’agriculteur, a récemment fait paraître une lettre, envoyée au ministre français du budget, dans laquelle il propose une série d’actions à même d’augmenter les revenus de l’État.

« Lorsqu’on est en situation de crise, il faut bien évidemment s’intéresser à la ligne dépenses, en éliminant tout ce qui est inutile ou superflu, mais également traiter la ligne recettes […]; pour un gouvernement, cela signifie revoir sa politique fiscale. » Alain Godard suggère qu’on peut augmenter les impôts de manière significative sans mettre en danger la reprise, si cette augmentation touche le segment des plus favorisés des Français.

Plutôt qu’y aller à la pièce, il recommande « la méthode de déconstruction / reconstruction : vous annulez toutes les niches fiscales et ne recréez que celles qui ont un sens vis-à-vis des deux priorités qui doivent être celles du gouvernement, le soutien aux plus défavorisés et le soutien à la croissance. » En clair, il propose d’abolir un ensemble de niches fiscales s’adressant aux plus favorisés, dont l’exemption des plus-values de cession de titres de participations [les gains en capital], qui coûte à l’État français autour de 6 milliards par an. Mais l’ensemble des mesures qu’il préconise permettrait, selon lui, d’augmenter les revenus de l’État, donc sa capacité d’agir, d’au bas mot 20 milliards d’euros annuellement.

Aux États-Unis, la situation est beaucoup plus dramatique. Surtout au niveau des États, dont les revenus ont baissé dramatiquement et les dépenses sociales augmenté en flèche, au point de remettre à plus tard des dépenses de base telle que l’éducation. Avec en toile de fond un conflit ouvert entre les mouvements sociaux et les démocrates progressistes d’un côté, et la coalition archi-conservatrice de la droite républicaine et du mouvement du Tea Party de l’autre.

Paul Krugman a récemment dénoncé cette situation dans sa rubrique du New York Times. « In effect, a large part of our political class is showing its priorities: given the choice between asking the richest 2 percent or so of Americans to go back to paying the tax rates they paid during the Clinton-era boom, or allowing the nation’s foundations to crumble — literally in the case of roads, figuratively in the case of education — they’re choosing the latter. »

Mais tout n’est pas jouer à l’avance, la lutte est féroce entre ces deux choix. Mentionnons quelques exemples. Récemment, à l’occasion d’élections dans les États du Maine et de Washington, les électeurs avaient la possibilité de se prononcer sur des « Initiatives » anti-taxe et anti-dépenses dans ces deux États. Soutenues par le mouvement du Tea Party, ces deux initiatives ont finalement été battues avec des majorités de plus de 100 000 voix.

En Oregon, les électeurs ont approuvé une nouvelle taxe sur la santé et l’augmentation de l’impôt des entreprises, malgré un puissant mouvement d’opposition, financé par les entreprises. Mais les zélotes anti-taxes essaiment dans tous les États : la prochaine campagne porte sur l’amendement 61 qui voudrait interdire à l’État du Colorado de lever de nouveaux emprunts ! La coalition Citizens for Taxe Justice évalue que cela aurait pour effet d’empêcher des dépenses publiques de 2 milliards $ par année dans l’État, par exemple pour rénover ou construire de nouvelles écoles.

Nous vivons une période de changement en profondeur, mais certains groupes sont prêts à tout pour s’y opposer.

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Commentaire pour “Régime fiscal : un tournant est nécessaire (3)”

  1. [...] le dernier de mes trois billets portant sur le nécessaire changement de paradigme dans le domaine de la fiscalité, j’avais mis [...]

    Écrit par Oikos Blogue | Régime fiscal : un tournant est nécessaire (4) | septembre 20, 2010, 8 h 02 min

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