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Conjoncture européenne : la folie de la rigueur

Lors du sommet de Davos, un débat contradictoire aurait eu lieu entre le PM britannique, David Cameron, et le secrétaire au Trésor étatsunien, Timothy Geithner. Ce dernier mettait en garde contre les effets néfastes d’une politique trop stricte de rigueur, alors que le PM britannique défendait vigoureusement sa politique, prônant au passage plus de dérégulation. « Certaines personnes veulent aller très vite pour faire de très fortes coupures dans les dépenses des gouvernements. Mais ce n’est pas une méthode raisonnable. Il faut être certain de ne pas affecter la reprise, » soulignait le secrétaire Geithner.

Or, qu’apprend-on ? Le PIB du Royaume-Uni a baissé de 0,5 % au dernier trimestre de 2010. Les analystes prédisaient un taux positif en raison de la hausse de 17,5 % à 20 % de la TVA en janvier : ils pensaient que cette hausse allait susciter des achats anticipés importants. Mais ces analystes ne tenaient pas compte du fait que la diminution sauvage des dépenses – forte réduction des prestations familiales, division par deux des aides au logement et relèvement sensible des loyers HLM, multiplication par deux des frais d’inscription en Université, etc. – allait avoir un effet négatif encore plus important sur les consommateurs, pour finalement contrecarrer le mouvement d’achat qu’ils prédisaient.

Et ce n’est que le début de cette politique suicidaire de rigueur : la suppression de 250 000 postes de fonctionnaires – sur un total annoncé de 500 000 – et une compression supplémentaire de 4 % de la dépense publique, soit environ 30 milliards d’euros, pour 2011 devraient permettre au bout du compte de laisser le nom de ce PM du Royaume-Uni dans l’histoire du pays, c’est-dire comme celui qui replongea l’économie britannique dans une double récession.

Cette ferme volonté des conservateurs britanniques à procéder à des réductions sauvages pour, soi-disant, assurer la soutenabilité de la dette et réduire les risques de perte de confiance des marchés dans les finances publiques du pays – lire : la décote des agences de notation – n’est rien d’autre qu’un aveuglement idéologique des forces politiques qui refusent catégoriquement de concéder la faillite de l’ultralibéralisme, ce programme politique qui depuis trente ans a conduit le monde à la faillite économique et au désastre social.

Selon Nouriel Roubini, la détérioration de l’activité économique au Royaume-Uni, en raison d’une politique de rigueur exagérée, entraînera logiquement de nouvelles coupures dans les dépenses pour réduire les déficits ! C’est une descente aux enfers qui ne peut que plonger l’économie britannique vers la dépression. Or, selon la Banque mondiale, chaque point de % de croissance supplémentaire du PIB permet – en assumant un taux d’imposition global de 40 % – de diminuer le ratio de la dette publique de 10 % après 5 ans et de 30 % après 10 ans. La priorité n’est pas la réduction des dépenses mais le soutien à la croissance.

Pour Denis Clerc, fondateur d’Alternatives Economiques, cette politique de rigueur au Royaume-Uni nous concerne par la leçon qu’elle nous donne : « pour réduire le déficit public, la hausse des impôts est préférable à la baisse des dépenses publiques. […] En revanche, les augmentations d’impôts ont un effet proportionnellement bien moindre sur la demande intérieure. S’ils frappent préférentiellement les ménages à pouvoir d’achat élevé, c’est alors leur épargne qui diminue, pas leurs dépenses. »

L’avenir de l’Europe se joue présentement : la généralisation des politiques de rigueur ne peut que les entraîner dans la stagnation économique et une crise politique qui fera le lit des courants d’extrême-droite, qui profitent d’ores et déjà des conséquences de la grande récession que nous venons de traverser. L’Espagne affiche un taux de chômage – 20 % à la fin 2010 – deux fois supérieur à la moyenne dans l’Union européenne et le ministre du Travail avait prévenu en septembre qu’il faudrait « trois ou quatre ans pour revenir à un taux d’avant la crise ». Le chômage des moins de 25 ans dépasse les 40 % et le nombre de foyers dont aucun membre n’a un emploi atteint 1,3 million.

En France, après une embellie en octobre, la situation de l’emploi s’était déjà dégradée en novembre et décembre, le nombre de demandeurs d’emploi ayant franchi le seuil psychologique des 4 millions. Les demandeurs d’emploi n’ayant exercé aucun emploi ont été plus nombreux en décembre, à 2,7 millions. Le nombre de seniors de plus de 50 ans inscrits sur les listes a également progressé à 757 000, soit un bond de 16,3 % sur un an – et ce devrait être pire avec la réforme des retraites. La situation des chômeurs de longue durée – inscrits sur les listes depuis un an ou plus – s’est nettement dégradée avec une hausse à 1,5 million, une hausse de 19,8 % sur l’année 2010, soit une augmentation de 252 000 sur un an.

Discussion

Commentaire pour “Conjoncture européenne : la folie de la rigueur”

  1. [...] pour décrire la perte de souveraineté de certains États (Grèce, Irlande et Portugal). La folie de la rigueur du gouvernement conservateur en Grande-Bretagne, qui a débouché sur un ralentissement de la croissance, donne un aperçu des impacts de ces [...]

    Écrit par Oikos Blogue | Inflation et stagnation ? | mai 26, 2011, 6 h 06 min

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