Sommes-nous en train de revivre une période de stagflation comme au milieu des années 1970, où l’on voyait se conjuguer deux tendances normalement opposées : inflation d’un côté, stagnation de l’autre ? Selon les chiffres les plus récents d’Eurostat, l’inflation dans la zone Euro a accéléré plus que prévu à 2,7% sur un an. C’est le quatrième mois consécutif où l’inflation dépasse le seuil de 2% surveillé par la Banque centrale européenne (BCE), chargée de veiller à la stabilité des prix. En Grande-Bretagne (hors zone euro), l’inflation a même atteint 4,5 % en avril. Pour juguler ces pressions inflationnistes naissantes, la BCE a relevé début avril son principal taux directeur à 1,25%, une hausse qui devrait être suivie par d’autres au cours de l’année, selon les économistes.
Pourtant, la conjoncture économique n’est pas la plus favorable à l’augmentation des taux. Les premiers signes de ralentissement de la reprise économique sont plus évidents en Europe, mais commencent à apparaître également en Amérique du Nord. En Europe, il faut y voir les premiers effets des coupes budgétaires des États de la zone, et en particulier de la part des pays les plus touchés par la bulle spéculative des marchés face au « risque souverain », terme politiquement correct pour décrire la perte de souveraineté de certains États (Grèce, Irlande et Portugal). La folie de la rigueur du gouvernement conservateur en Grande-Bretagne, qui a débouché sur un ralentissement de la croissance, donne un aperçu des impacts de ces politiques de rigueur, qui seront bientôt appliquées au Canada, voire aux États-Unis.
Pour couronner le tout, on connaît les effets de la hausse de l’inflation tirée par le pétrole. Dans un pays – les États-Unis – où le gros 4X4 est l’objet par excellence de la réussite sociale, toute hausse des prix de l’essence implique une sortie massive de capitaux – importation de pétrole – et par le fait même une ponction significative sur le budget des ménages, ce qui se répercute directement sur la demande globale. On commence déjà à parler de scénario de récession aux États-Unis alors que le prix de l’essence à la pompe dépasse 4$ le gallon. De toutes les récessions survenues depuis 1970 dans ce pays, l’une seule – celle qui a suivie les attentats du 11 septembre – n’a pas été associée à une hausse des dépenses des ménages allouée à l’énergie au-delà de 6 % (voir graphique). Ce qui est le cas actuellement. S’y ajoute une hausse importante des prix de l’alimentation : 6,5 % depuis janvier. Déjà on commence à constater une rechute de la construction résidentielle et de la revente de maisons aux États-Unis.
Dans ce contexte, les instruments de politique économique des États sont inopérants. Les instruments de soutien à l’activité alimentent l’inflation alors que ceux pour réfréner l’inflation impliquent, au minimum, un ralentissement de l’activité. Les solutions ne sont pas légions. Comme le suggérait Olivier Blanchard, il faudrait que les États acceptent un taux d’inflation plus élevé. Cet économiste en chef du FMI suggérait en effet de rehausser à 4 % le taux cible d’inflation dans les pays industrialisés, idée appuyée par Paul Krugman.
Et cela est d’autant plus nécessaire dans un contexte où l’émergence du nouveau paradigme du développement durable – du fait de l’internalisation des externalités qui généralement ne sont pas prises en compte – devra tôt ou tard s’exprimer dans un bouleversement massif du système des prix, vraisemblablement à la hausse. Dans ce contexte, limiter l’inflation à 2 % aurait un effet catastrophique sur le développement et l’emploi.
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