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Faire la guerre au réchauffement climatique (1)

Dans son rapport publié en 2006, à la demande du gouvernement britannique, l’économiste Nicholas Stern, ancien économiste en chef à la Banque mondiale, dressait pour la première fois un portrait économique global des impacts des changements climatiques. Selon les données existantes, nous aurions actuellement atteint un niveau de gaz à effet de serre (GES) équivalent à 391 parties par million (ppm) de CO2 dans l’atmosphère, comparativement à un taux de 280 ppm à l’aube de la révolution industrielle (début du XIXe siècle).

Si le taux de croissance des GES devait continuer au même rythme – ce que Nicholas Stern appelle le scénario du laisser-faire –, le niveau de 550 ppm serait atteint dès 2035, et le stock de GES dans l’atmosphère triplerait avant la fin du siècle. Dans ce cas, il y aurait 75 % de chance à voir les températures grimper entre 2 et 3o C au cours des 50 prochaines années et 50 % de risque à assister à une hausse globale moyenne des températures au-delà de 5o C. Or, une hausse moyenne de 2o C représente le seuil au-delà duquel les risques de catastrophes climatiques sérieuses commencent à affecter négativement les écosystèmes, en particulier l’accès à l’eau et l’agriculture. Avec une hausse moyenne de 5o C, des changements climatiques irréversibles transformeraient de manière radicale la vie sur terre. À titre d’exemple, je vous signale que nous sommes présentement à une moyenne de seulement 5o C supérieure à celle de la dernière ère glaciaire. Pour Nicholas Stern, il est évident que le laisser-faire nous mènerait à la catastrophe.

En se basant sur les données de 2001 du GIEC, Nicholass Stern estimait que les coûts économiques, sociaux et environnementaux du laisser-faire dans ce domaine signifierait l’amputation de la richesse des nations de 5 500 milliards de $ chaque année. C’est l’équivalent de la grande dépression des années 1930. À l’inverse, une action collective internationale qui viserait un stock global de CO2 dans l’atmosphère à l’intérieur de la fourchette 450-550 ppm représenterait, selon Stern, l’équivalent d’une dépense annuelle de 1 % du PIB pour toute la période étudiée. Ce serait un coût de 25 $ par tonne de CO2 évitée.

Dans l’optique de la lutte au réchauffement acceptée par les nations au cours des années 2000, l’obligation contenue dans le protocole de Kyoto de ramener la production des gaz à effet de serres à 6 % sous le niveau de 1990 constituait une étape préliminaire. Elle devait rapidement être suivie par des réductions ultérieures encore plus importantes à l’horizon de 2020 et 2050 pour parvenir à une situation viable, c’est-à-dire à un scénario où le niveau de CO2 reste contenu sous la barre des 550 ppm.

Contrairement à ce que l’on peut penser, ce ne sont pas les solutions techniques qui empêchent de réaliser ces réductions. Avec les techniques actuelles et celles qui seront développées dans les prochaines décennies, il est réaliste de viser une réduction de 80 % à 95 % des émissions pour 2050. La Commission européenne vient d’accepter un plan de reconversion écologique de l’Union européenne vers une économie à faible intensité carbone (dont nous parlerons dans un prochain billet) qui vise ces cibles. Tous les spécialistes admettent qu’elles sont atteignables. Ce qui pose plutôt un problème, c’est la volonté politique de la communauté internationale. Ce qui pose problème, c’est le poids politique du lobby de l’industrie des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) qui s’acharne par tous les moyens, et il en dispose d’immenses, à construire des barrières.

Dans le contexte d’urgence où nous sommes, il faudrait peut-être s’inspirer de la mobilisation qui s’est produite au début des années 1940 pour mener une guerre à finir contre les forces de l’axe – Allemagne, Italie et Japon. Pendant cinq ans, toutes les forces productives ont été mobilisées pour atteindre ces objectifs. Les efforts ont été immenses et les destructions effroyables. Mais ces destructions ont permis de passer à un autre stade du développement technique et l’effort collectif des populations a débouché sur de nouveaux modes de gouvernance qui ont renouvelé les sociétés. Par la suite, les Trente Glorieuses ont représenté une période exceptionnelle de croissance.

C’est ce qu’il faudrait faire aujourd’hui : mobiliser nos forces pour faire une guerre « matérielle » au réchauffement. D’une part, par une forte participation des populations, pour construire de nouveaux modes de gouvernance, fondée sur des formes renouvelées d’engagement; d’autre part, une « destruction matérielle » de l’ancienne économie carbone pour accélérer la reconversion écologique de l’économie.

Dans de prochains billets, on verra plus en détail quelques éléments de réflexion pour une telle mobilisation.

Discussion

Commentaire pour “Faire la guerre au réchauffement climatique (1)”

  1. [...] Dans mon billet précédent, je me permettais de faire un rapprochement entre la nécessaire mobilisation contre les changements climatiques et la 2e guerre mondiale. Dans les deux cas, n’y-t-il pas, en effet, la nécessité fondamentale d’une mobilisation générale, globale, contre des forces qui mettent en danger l’humanité telle que nous la chérissons ? Ce rapprochement me vient de l’appel lancé récemment par Lester R. Brown, le fondateur du World Watch Institute et maintenant président du Earth Policy Institute, pour une mobilisation générale pour la planète. [...]

    Écrit par Oikos Blogue | Il faut faire la guerre au réchauffement climatique (2) | avril 4, 2011, 6 h 12 min

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