Dans mon billet précédent, je me permettais de faire un rapprochement entre la nécessaire mobilisation contre les changements climatiques et la 2e guerre mondiale. Dans les deux cas, n’y-t-il pas, en effet, la nécessité fondamentale d’une mobilisation générale, globale, contre des forces qui mettent en danger l’humanité telle que nous la chérissons ? Ce rapprochement me vient de l’appel lancé récemment par Lester R. Brown, le fondateur du World Watch Institute et maintenant président du Earth Policy Institute, pour une mobilisation générale pour la planète.
Le livre de M. Brown, Plan B 4.0: Mobilizing to Save Civilization, est maintenant devenu un film,. On peut d’ailleurs visionner – seulement pour avril – une courte présentation du film, avec une narration de Matt Damon, le fameux espion amnésique qui prête souvent sa voix pour des causes écologiques ! Écartant d’emblée le plan A – le laisser-faire – Lester Brown estime que la seule véritable solution réside en une mobilisation massive exigeant un niveau de coopération internationale exceptionnelle, comme celle qui fut rendue possible lors de la 2e guerre. Son plan B : dégonfler la bulle économique, réinsérer les forces du marchés à l’intérieur du cadre d’un développement durable et solidaire, changer la fiscalité et faire appel à la grandeur des personnes.
Mais il n’est pas le seul à se référer à une guerre mondiale. Dans une autre perspective, Nicholas Stern croît plutôt que si nous ne parvenons pas à nous mobiliser sur les enjeux climatiques, nous devrons nous préparer à affronter les dérives d’une 3e guerre mondiale ! Pour lui, il est pratiquement impossible d’imaginer les conséquences économiques catastrophiques des changements climatiques; elles ne peuvent même pas être évaluées selon les concepts usuels utilisés en économie. Selon M. Stern, le scénario du laisser-faire mène à une transformation radicale des nos modes de vie et des lieux où nous pourrions vivre : le sud de l’Europe en mode de désertification, d’immenses territoires inondés – le Bangladesh, la Floride -, avec des centaines de millions de réfugiés. Dans ce contexte, le risque de guerre généralisée serait extrêmement élevé.
Mais le problème c’est qu’aux États-Unis, l’un des pays incontournables si nous voulons nous engager dans une mobilisation sur le climat, la force de ceux qui s’opposent à tout changement représente une inertie insurmontable. Récemment, on a même vu le directeur du Congressional Budget Office, Doug Elmendorf, présenter aux members du Congrès des États-Unis des évaluations selon lesquelles une hausse de 4oC des températures moyennes d’ici 2100 auraient des impacts équivalents à 4 % du PIB, alors qu’un réchauffement plus radical de 6oC entraînerait des impacts de 5 % ! Nicholas Stern qualifie ces estimations d’absurde. Je le rappelle, encore une fois, les différences de température entre la dernière période glacière et l’époque actuelle sont de 5oC. Et selon M. Elmendorf de tels changements climatiques n’auraient que des effets relativement négligeables sur l’activité économique ! C’est totalement ridicule. La vérité c’est que, dans ce domaine, les barrières idéologiques sont parmi les pires obstacles.
Et c’est d’autant plus vrai dans une période où la faillite des sciences économiques à expliquer le monde dans lequel nous vivons s’accompagne de la montée d’un mouvement négationniste, généreusement financés par l’industrie de l’énergie sale, justifiant l’inertie, ou plutôt la réaction viscérale à tout changement. Pour cette raison, il faut féliciter la Tufts University Global Development and Environment Institute pour avoir accordé à Nicholas Stern et Martin Weitzman le Leontief economic prize pour leurs travaux sur les changements climatiques.
Heureusement, il n’y a pas que des penseurs dans ce domaine; il y a aussi des faiseurs. C’est ce que nous verrons dans de prochains billets.
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