Dans les billets précédents, nous avons vu l’urgence d’agir et les dangers du laisser-faire. Nous verrons maintenant les solutions : une révolution industrielle et de la pensée économique. C’est ce que réclame Nicholas Stern : il faut passer du 50 milliards de tonnes d’émission de CO2 aujourd’hui à moins de 20 milliards de tonnes d’ici 40 ans (en 2050). Puisque la production mondiale devrait dans le même temps être multipliée par trois, il faut donc une réduction de 3 X 2,5 soit un facteur de 7 à 8 ! Ce ne peut donc être qu’une révolution industrielle majeure ! Mais plus le temps avance, plus les efforts pour faire la reconversion va coûter cher. En 2006 il parlait d’un investissement supplémentaire de l’équivalent de 1 % du PIB mondial à chaque année pendant deux ou trois décades. Il parle plutôt aujourd’hui de 1 – 2 % par année.
D’autres chercheurs et organisations ont cherché à évaluer notre capacité à infléchir les tendances actuelles pour gagner cette guerre contre le réchauffement. Un rapport publié en février par le Fonds mondial pour la nature (WWF) suggère que les besoins mondiaux en énergie pourraient être [quasi]intégralement couverts par des sources renouvelables d’ici à 2050. Un scénario qui suppose, cependant, une refonte complète de notre modèle de développement.
L’étude du WWF s’appuie sur un scénario mis au point par le bureau de consultants spécialisé Ecofys, qui se vante d’être la première à prendre en compte la totalité de la demande planétaire en énergie. Tous les secteurs utilisateurs (transports, industrie, individus), l’ensemble des postes de consommation ont été pris en compte pour aboutir à un verdict clair : si les décideurs politiques et économiques y mettent les moyens et que les citoyens font preuve de bonne volonté, le recours aux combustibles fossiles et nucléaire peut être réduit à un usage marginal dans les quarante ans. Cette reconversion serait « non seulement possible mais aussi économiquement viable » et permettrait de fournir « une énergie abordable pour tous ».
Une telle révolution industrielle n’ira pas sans une profonde remise en cause du modèle de développement actuel. Le WWF formule dix recommandations.
1. Énergie propre : Faire la promotion uniquement des produits les plus efficaces (efficacité énergétique) et développer des sources d’énergie renouvelables existantes et nouvelles afin de satisfaire les besoins énergétiques de l’ensemble de la population d’ici 2050.
2. Réseaux : Assurer le partage et l’échange d’énergie propre par des réseaux et le commerce (1,4 milliards de personnes n’ont pas accès à une électricité fiable).
3. Accès : Mettre fin à l’insuffisance des ressources énergétiques : fournir de l’électricité propre et faire la promotion de pratiques durables pour toutes les populations des pays en développement.
4. Ressources financières : Investir dans l’énergie renouvelable, l’énergie propre et les produits et bâtiments éconergétiques.
5. Nourriture : Mettre fin au gaspillage d’aliments. Choisir des aliments dont l’approvisionnement est efficace et durable afin de libérer des terres pour la nature, la foresterie durable et la production de biocarburants. La solution est simple : les gens mieux nantis doivent réduire leur consommation de viande.
6. Matériaux : Réduire, réutiliser et recycler – pour minimiser la production de déchets et économiser l’énergie.
7. Transports : Adopter des mesures incitatives pour encourager un plus grand nombre de personnes à utiliser le transport en commun et réduire les distances parcourues par les personnes et les marchandises. Faire la promotion de l’électrification.
8. Technologie : Élaborer des plans d’action nationaux, bilatéraux et multilatéraux pour faire la promotion de la recherche et du développement en efficacité énergétique et en énergie renouvelable.
9. Durabilité : Élaborer et appliquer des critères de durabilité rigoureux pour assurer la compatibilité de l’énergie renouvelable avec les objectifs environnementaux et développementaux.
10. Ententes : Appuyer des ententes ambitieuses en matière de climat et d’énergie pour fournir une direction mondiale et encourager la coopération mondiale aux efforts visant l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique.
D’ici 2050, selon le WWF, il est possible d’économiser près de 5,5 billions (mille milliards) de dollars par année grâce à l’amélioration du rendement énergétique et à une réduction des coûts de carburant. D’ici 2050, les sources géothermiques pourraient fournir plus du tiers de l’énergie requise pour chauffer les immeubles. Si à peine 0,3 % du désert du Sahara représentait une usine d’énergie solaire concentrée, l’énergie qu’elle produirait serait suffisante pour alimenter l’Europe tout entière.
Mais ces initiatives, si nombreuses soient elles, ne sauraient remplir leur objectif sans un cadre global et une coopération d’ensemble. Un pacte mondial sur le climat est absolument nécessaire, ce que reconnaît le WWF en réclamant des décideurs du monde entier de soutenir des accords « ambitieux » sur l’énergie et le climat. Mais, ajoute le rapport, si les bonnes décisions sont prises aujourd’hui, la demande énergétique mondiale de 2050 pourrait être « inférieure de 15% » à celle de 2005, malgré l’augmentation de la population, de la production industrielle, du fret et des voyages.
Dans un prochain billet : l’approche des Nations unies.
[...] Dans le billet précédent, on a vu que l’association environnementale WWF proposait une révolution industrielle qui permettrait de se libérer des énergies fossiles d’ici 2050. Mais cette multiplication d’initiatives, réalisables dès aujourd’hui, ne peut véritablement survenir que s’il existe un cadre global et une coopération d’ensemble des nations autour d’objectifs communs. C’est là le rôle de l’ONU. [...]