Je reviens encore une fois sur la question de l’impôt des entreprises. On a vu dans un billet précédent comment l’administration Harper aggrave l’injustice fiscale canadienne depuis 5 ans. À terme, c’est-à-dire d’ici l’an prochain, les conservateurs vont avoir diminué les impôts des entreprises de 6 points de %. Mais ce que nous apprend la nouvelle recherche publiée par le du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), c’est que cette aggravation de l’injustice fiscale a commencé en 2000, sous l’administration Chrétien.

Dans le rapport Corporate Income Taxes, Profit, and Employment Performance of Canada’s Largest Companies, du CCPA, on constate que l’imposition des entreprises passera de 28 % en 2000 à 15 % en 2012. Une diminution de 13 points de %, ou de quasiment 50 % du taux d’imposition, dont 7 points pendant la période libérale et 6 points pendant la période conservatrice. L’argumentation utilisée pour justifier ce détournement de fonds public vers les dirigeants et les actionnaires des grandes entreprises stipule que la diminution de l’impôt va entraîner des nouveaux investissements, qui eux-mêmes vont entraîner de nouvelles activités. Selon ces intégristes du marché, l’augmentation des revenus découlant de ces nouvelles activités va permettre de compenser la baisse du taux d’imposition et générer des revenus fiscaux plus importants qu’avant la baisse. Et ils créeront plus d’emplois.

Pour Pour mesurer les impacts de ces baisses d’impôt, le chercheur David Macdonald a fait un travail de moine en dépouillant les résultats financiers des grandes entreprises publiques canadiennes (publiques dans le sens d’inscrites au S&P/TSX). Le chercheur a choisi ces entreprises parce que ce sont principalement elles qui profitent de la baisse de l’imposition. Sur les 245 grandes entreprises de l’indice principal du S&P/TSX, David Macdonald s’est plus particulièrement penché sur celles qui sont principalement actives au Canada et qui avaient des données pour la période 2000 – 2009.

Les résultats sont édifiants. Les 198 entreprises étudiées ont vu leurs profits explosés de 151 % entre 2000 et 2007 – le point culminant de la période étudiée. Malgré la crise, les profits des entreprises sont 52 % plus élevés en 2009 qu’en 2000. Pourtant, les impôts payés en 2009 sont 20 % moins élevés en 2009 qu’ils ne l’étaient en 2000, malgré le fait que les profits sont, eux, 50 % plus élevés ! Si les grandes entreprises canadiennes avaient été imposées en 2009 au même taux qu’elles l’avaient été en 2000, les revenus fiscaux canadiens auraient été de 12 milliards $ plus élevés en 2009.

Et l’emploi ? Les données sur l’emploi sont moins précises que celles touchant les données financières des entreprises étudiées. Néanmoins, le chercheur du CCPA présente les faits suivants : pour l’économie canadienne dans son ensemble, l’emploi aurait progressé de un million de personnes pendant la période étudiée, soit une croissance de 6 % par année ; pour le groupe d’entreprises choisi pour l’étude, l’emploi aurait plutôt augmenté de 5 %, mais pour l’ensemble de la période étudiée. De plus, ces chiffres incluent les emplois créés à l’étranger ! La morale de l’histoire : comme je le disais plus haut, la baisse d’impôt des entreprises n’est rien d’autre qu’un détournement de fonds public vers les dirigeants et les actionnaires des grandes entreprises plutôt qu’une mesure de croissance de l’activité économique.