Alors que la France vient d’adopter une loi interdisant l’exploration et l’exploitation de gaz et d’huile de schiste utilisant la méthode du fractionnement, les études étatsuniennes continuent à démontrer le caractère insoutenable de cette industrie et le gouvernement du Québec met en place les conditions pour que l’étude environnementale débouche sur des propositions favorables à l’industrie. L’été va être chaud.
Mais revenons sur la France. L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, mercredi 11 mai, par 287 voix contre 186, une proposition de loi interdisant la technique de fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste. Le rejet de la France semble plus clair qu’au Québec ! Pourtant, la gauche dénonce le texte de loi qui laisserait « le champ libre aux opérateurs concernés ».
La proposition de loi interdit bien la technique de fracturation hydraulique qui consiste, précise la loi, à injecter de grandes quantités d’eau et de produits chimiques pour briser la roche et extraire le gaz. Mais la formulation de l’article 2 du texte de loi, relatif à l’abrogation des permis déjà octroyés, est contesté par les écologistes, le PS et le PCF, qui ont été incapable de passer leurs amendements pour revenir au texte initial qu’ils avaient appuyé en commission. L’un des changements, rapporté par Michel Havard (UMP) prévoit que « le rapport d’information sur les techniques d’extraction des hydrocarbures, prévu par l’article 4, pourra proposer la mise en place d’un programme d’expérimentation ». Ça vous fait penser à quelque chose… Et comme de fait, on apprenait la semaine dernière que le Sénat, qui est en période d’examen du projet de loi, vient d’entrouvrir la porte à certains forages destinés à la recherche.
Du côté des États-Unis, où l’industrie a déjà envahi plusieurs États avec des milliers de puits, des chercheurs d’universités étatsuniennes continuent à démontrer le caractère tout à fait insoutenable de la technique de fracturation. Je le mentionnais dans un billet précédent, une étude réalisée par trois professeurs de l’Université Cornell, démontre que sur le court terme, l’exploitation des gaz non-conventionnels par la méthode de fracturation émet plus de GES que l’exploitation du charbon. Le problème provient du fait que, d’une part, la méthode d’exploitation par fracturation implique qu’une part beaucoup plus importante du gaz de méthane s’échappe dans l’air (de 30 à 50 % de plus que l’exploitation conventionnelle du gaz), et que d’autre part, le méthane est lui-même une source de GES, 22 fois plus importante que le CO2 qu’il produit lorsqu’il brûle. Chaque tonne de méthane qui s’échappe produit 20 tonnes d’équivalent de CO2 ! Selon l’étude, de 3,6 à 7,9 % du gaz s’échappe de chaque puits sur sa durée de vie.
Par ailleurs, la publication d’une étude de la Duke University, Methane contamination of drinking water accompanying gas-well drilling and hydraulic fracturing, soulève bien d’autres questions dans la presse étatsunienne. L’étude, réalisée sur un échantillon d’une soixantaine de puits pendant 2 mois en 2010, démontre que les puits artésiens situés près de puits d’exploitation de gaz de schiste auraient 17 fois plus de chances de contenir du méthane que d’autres puits artésiens. Réalisée sur une soixantaine de puits des États de Pennsylvanie et de New York, les chercheurs estiment qu’entre 1% et 3% de la production totale des puits s’échappe à la tête du puits ou dans le sol sous forme « d’émission fugitive ». Les chercheurs recommandent plusieurs mesures pour mieux comprendre ces phénomènes et leurs impacts sur la santé. Parmi ces recommandations, ils exigent que la méthode par fracturation hydraulique soit dorénavant sous la supervision de l’EPA dans le cadre du Safe Drinking Water Act et que les entreprises soient obligées de déclarer toutes les substances chimiques qu’elles utilisent.
Terminons au Québec avec l’annonce de la composition du comité qui sera chargé de réaliser l’Évaluation environnementale stratégique (ÉES) sur les gaz de schiste. Les avis sont partagés, mais en général le constat est plutôt accablant. Si l’on fait exception de Corinne Gendron, dont la candidature avait été proposée par le RNCREQ, il n’y a pas dans ce comité de représentants crédible qui permet de penser que « ce comité éclairera la société québécoise sur la pertinence socioéconomique de l’exploitation de la ressource gazière, et sur les impacts et les risques environnementaux qui y sont associés. »
La députée de Vachon et porte-parole du PQ, Martine Ouellet, a réclamé que la responsabilité de mener à bien l’EES soit confiée au BAPE. « Ça n’a pas de bon sens que les gazières soient juges et parties », a-t-elle fait valoir. Selon elle, l’EES ne doit pas servir de prétexte pour procéder à d’autres fracturations de puits au Québec, un avis que défend un collectif de 149 scientifiques québécois. Selon ce Collectif scientifique sur le gaz de schiste, l’absence de représentants des groupes environnementaux et citoyens, qui ont animé le débat sur les gaz de schiste, « témoigne à nouveau de la distance que le gouvernement entretient envers les citoyens, qui portent pourtant le lourd fardeau de la preuve du caractère inapproprié de ce projet à haut risque et qui auraient pu faire contrepoids aux acteurs d’emblée favorables à l’industrie gazière au sein du comité ».
Discussion
Pas de commentaire pour “Gaz de schiste : un été de mobilisation”