La semaine passée nous avons illustré la délinquance des grandes institutions financières de deux manières : l’exemple d’un pays, la Suisse, qui jusqu’à maintenant institutionnalisait tout à fait impunément l’évasion fiscale grâce à ses banques (dont UBS); l’exemple de l’architecture légale des banques canadiennes qui leur a permis d’éluder aux fiscs canadien et provinciaux un montant de 16 milliards $ d’impôts grâce à l’évasion fiscale pratiquée dans les paradis fiscaux par leurs filiales (voir Secrets bancaires et évasions fiscales : de la délinquance financière).

Le même jour où je publiais ce texte sur le OikosBlogue, on apprenait qu’un banqiuer qui travaillait pour UBS était condamné à trois ans et quatre mois de prison pour avoir aidé des clients étasuniens à frauder le fisc. Bradley Birkenfeld aurait notamment « aidé un milliardaire américain, investisseur immobilier, à éviter de payer 7,2 millions de dollars d’impôts en l’aidant à cacher 200 millions d’actifs off-shore en Suisse et au Liechtenstein », selon le ministère de la Justice. Si cette peine est, somme toute, assez légère, c’est que le banquier a été un témoin-clé dans l’enquête menée contre l’évasion fiscale par le biais de comptes off-shore, enquête qui s’est finalement soldée par la signature d’un accord entre le fisc américain et UBS (qui doit notamment dévoiler l’identité de 4 450 de ses clients américains qui auraient escroqué le fisc).

Mais les banques suisses ne sont pas les seules à profiter de la cagnotte de l’évasion fiscale. Selon un rapport publié par le Government Accountability Office des États-Unis, 83 des 100 plus grandes entreprises étasuniennes, incluant Citigroup, Bank of America et Morgan Stanley, avaient des filiales dans les paradis fiscaux offshore. On y mentionne que ces trois dernières institutions financières, qui ont toutes reçu des milliards de $ d’aides publiques l’an dernier, avaient plus de 100 filiales dans ces « enfers fiscaux » qui maintiennent artificiellement des taux d’imposition ridiculement bas.

Les sénateurs démocrates Carl Levin (Michigan) et Byron Dorgan (Caroline du Nord) évaluent que le gouvernement des États-Unis perd au moins 100 milliards $ par année en revenus fiscaux en raison de l’évasion fiscale des grandes entreprises vers les paradis fiscaux. La solution à ce problème donc pas l’affaire du seul ministère de la Justice. Pour solutionner le problème de la délinquance financière, il faut mettre en place un nouveau cadre réglementaire qui marquerait un virage avec le modèle ultralibéral de la déréglementation.

L’existence au niveau international des paradis fiscaux permet une évasion fiscale qui accroît les inégalités et alimente les comportements spéculatifs. En réduisant les revenus des États, l’évasion fiscale a plusieurs effets néfastes : elle accroît le fardeau fiscal de la vaste majorité des contribuables ; elle diminue la qualité des services sociaux ; elle réduit les capacités d’action des gouvernements pour supporter l’activité économique.

Les paradis fiscaux font désormais partie des infrastructures essentielles de la mondialisation financière et donc de la mondialisation tout cours. Mais qui a besoin des paradis fiscaux ? Quelle est leur place dans l’économie mondiale ? Et quelles sont les politiques engagées pour les combattre ?

Pour mieux comprendre l’enjeu des paradis fiscaux, vous trouverez dans cette vidéo un tour d’horizon avec Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint d’Alternatives économiques et rédacteur en chef de la revue L’Economie politique, qui a produit avec Ronen Palan l’ouvrage Les paradis fiscaux aux Éditions La Découverte dans la collection « Repères ».