Le gouvernement suisse a annoncé, mercredi 19 août, son désengagement de la banque suisse UBS. Les autorités suisses détenaient encore une participation de 9 % dans la banque helvétique. La Suisse et les États-Unis ont conclu le même jour un accord concernant UBS, accusé de fraude fiscale par le fisc américain, prévoyant la transmission de près de 4 450 noms de titulaires de comptes aux autorités américaines. Ces ententes permettent non seulement à la banque suisse d’échapper à un procès, mais à la Suisse de s’en tirer pour l’instant à bon compte pour son rôle de « recéleur » mondial des fraudeurs.
L’accord préserve en partie le sacro-saint secret bancaire helvétique tout en donnant partiellement satisfaction au fisc américain qui a également obtenu l’aval des autorités helvétiques pour enquêter sur d’autres banques. Car si UBS doit transmettre les noms de quelque 4 450 titulaires de comptes de contribuables américains soupçonnés de fraude fiscale, ces données seront transmises par la voie officielle de l’entraide administrative et non arrachées de force à UBS par la justice américaine.
« Cet accord préserve les intérêts suisses, c’est un bon accord », a déclaré la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, ajoutant que « l’enjeu n’était pas de défendre une banque, mais un système juridique ». En effet, UBS a fait face à la justice une première fois, en s’acquittant en février d’une amende de 780 millions de dollars et en communiquant à la justice américaine environ 250 noms de titulaires de comptes. Pour le système juridique suisse, ça relève plutôt d’un rapport de force politique international.
Selon Christian Chavagneux, du magazine Alternatives Economiques, le droit suisse a dû en effet s’adapter lorsque UBS a transmis des noms de titulaires de comptes au fisc américain. Les Suisses ont dû accepter une extension de la notion de fraude fiscale qui « repose sur une interprétation de la notion de « fraude et délits semblables » qui, en relation avec les États-Unis, inclut dans les cas admissibles au titre de l’entraide administrative, outre l’attitude frauduleuse, les infractions fiscales graves, …, par exemple la soustraction continue de montants importants d’impôts ».
Le fisc américain ne s’intéresse pas qu’à la seule UBS. Il s’intéresse également aux autres banques suisses, avocats, comptables, fiscalistes, etc., à tous ces professionnels du droit et du chiffre qui rendent possible l’utilisation des paradis fiscaux. L’autorité étasunienne du fisc disposerait d’une unité spéciale (Offshore Identification Unit) à cet effet dont l’objectif est d’identifier ces réseaux opaques de conseils douteux. Comme nous le fait remarquer Christian Chavagneux, pour mener un véritable combat politique contre les paradis fiscaux, il faut s ‘attaquer à ceux de ces professionnels qui encouragent la fraude fiscale pour s’enrichir est une étape essentielle.
Au plan plus global de la lutte contre les paradis fiscaux, la démarche de l’OCDE qui consiste à publier des listes de pays qui ne collaborent pas avec la communauté Les Iles Vierges britanniques et les Iles Caïmans ont été retirées de la liste « grise » des paradis fiscaux de l’OCDE et figurent désormais sur la liste « blanche » des « juridictions qui ont substantiellement mis en place la norme fiscale internationale ». « La Nouvelle-Zélande a signé un accord d’échange de renseignements fiscaux avec les Iles Vierges britanniques et les Iles Caïmans, portant à 12 le nombre d’accords que les Iles Vierges britanniques et les Iles Caïmans ont à leur actif en matière d’échange de renseignements à des fins fiscales », a précisé l’Organisation dans un communiqué publié vendredi 14 août. Les deux archipels rejoignent ainsi la Belgique, le Luxembourg, les Bermudes et Bahreïn, qui ont été rayés de cette liste « grise » depuis sa publication le 2 avril dans la foulée du G20 de Londres.
Et au Canada où en sommes-nous sur cette question ? Outre le fait que même les jeunes Libéraux québécois commencent à en avoir marre de cette délinquance financière des plus riches, là où ça compte le plus pour mener une lutte efficace à l’évasion fiscale, le gouvernement fédéral, c’est le laisser-faire qui domine. Pourtant, selon une étude de la Chaire du professeur Lauzon, les banques canadiennes, qui sont données en exemple à travers le monde, fraudent le fisc à coup de milliards de $.
Intitulée « Les banques canadiennes et l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux : 16 milliards $ d’impôts éludés », l’étude démontre que les cinq plus grandes banques canadiennes comptent au minimum 89 filiales officielles dans les paradis fiscaux, soit en moyenne 18 filiales chacune, mais dont le nombre réel serait beaucoup plus élevé, car ces dernières ne font qu’énumérer, dans leur rapport annuel, leurs filiales légales sans mentionner leurs compagnies associées, satellites, fiducies, sociétés en commandite et en nom collectif, etc. Les chercheurs de l’étude observent qu’au cours des 15 dernières années (1993 – 2007), les cinq principales banques canadiennes ont réussi, selon les chiffres extraits de leurs états financiers vérifiés, à éluder aux fiscs canadien et provinciaux un montant de 16 milliards $ d’impôts grâce à l’évasion fiscale pratiquée dans les paradis fiscaux par leurs filiales.
Ce qui est assez préoccupant, c’est que l’évasion fiscale pratiquée par les banques canadiennes aurait tendance à grimper considérablement à chaque année, tant en chiffres absolus qu’en pourcentage de la charge annuelle d’impôts sur le revenu. En effet, l’évasion fiscale effectuée par ces banques a totalisé 6,5 milliards $ dans les quatre dernières années étudiées, soit 41 % de l’évasion fiscale pratiquée pour l’ensemble de la période étudiée, ce qui représente 37 % de la charge d’impôts sur leur revenu total.
Les auteurs de l’étude en concluent que « l’évasion fiscale généralisée pratiquée par les banques canadiennes et leurs nombreux clients corporatifs et individuels dans les paradis fiscaux correspond à une fraude fiscale de plusieurs milliards de dollars par année qui hypothèque grandement l’équité fiscale au pays et met en péril le maintien de nos programmes sociaux et de nos biens collectifs ».
[...] La semaine passée nous avons illustré la délinquance des grandes institutions financières de deux manières : l’exemple d’un pays, la Suisse, qui jusqu’à maintenant institutionnalisait tout à fait impunément l’évasion fiscale grâce à ses banques (dont UBS); l’exemple de l’architecture légale des banques canadiennes qui leur a permis d’éluder aux fiscs canadien et provinciaux un montant de 16 milliards $ d’impôts grâce à l’évasion fiscale pratiquée dans les paradis fiscaux par leurs filiales (voir Secrets bancaires et évasions fiscales : de la délinquance financière). [...]
[...] le mentionnait dans un article du mois d’août, les cinq plus grandes banques canadiennes comptent au minimum 89 filiales officielles dans les [...]