En juillet, les membres de l’Union européenne ont admis que l’austérité ne pouvait que conduire la Grèce dans une spirale dépressive infernale avec un PIB en berne, des recettes fiscales atrophiées et donc avec un déficit qui se creuse plutôt que de se réduire. La « solidarité communautaire » de l’Europe a augmenté d’un cran, mais qui reste bien fragile…
Comme l’explique Eric Le Boucher: « Entre l’Allemagne exportatrice qui affirme : que les banquiers imprévoyants paient et que les Grecs impécunieux soient rigoureux comme nous, les fourmis ne se sacrifieront pas pour les cigales; la France qui veut tout à l’inverse une Europe des transferts dans laquelle les riches paient pour les pauvres (du moins en affichage); et une Banque centrale européenne qui interdit de répudier toute dette des pays membres de la zone », il fallait trouver un pronostic et une solution commune. L’Allemagne a finalement accepté que le Fonds européen de stabilité financière (EFSF) voit ses attributions élargies alors que la France et la BCE admettent qu’une part de la dette grecque doit être oubliée et que le EFSF soit renforcé, mais sous des conditions sévères d’unanimité européenne.
Les besoins de financement d’Athènes se montent à 150 milliards d’euros d’ici à un an. Ils seront couverts par des prêts européens de 109 milliards à des taux abaissés à 3,5% sur une durée de 15-30 ans. Le reste sera couvert par 50 milliards de prêts privés sous des conditions elles aussi favorables. Au total, on parle d’économies de 26 milliards pour la Grèce sur 9 ans, soit 12% du PIB, pour une dette totale de 350 milliards d’euros (160 % du PIB). À cela s’ajoute l’effort « volontaire » de répudier une partie de la dette par le secteur privé. Les banques auront le choix entre trois différentes formules de remise (soit «rouler» la dette, soit revendre des obligations avec une décote, soit accepter des prêts plus longs…). Les détails de ces réductions ne sont pas encore très clairs, mais les gouvernements espèrent une remise globale de 54 milliards d’ici à 2020. Donc au total, 80 des 350 milliards de la dette grecque, soit 22,8 %, devrait disparaître. Or, des économistes soulevaient le chiffre de 50 % pour que la Grèce puisse véritablement sortir de la spirale dépressive.
D’ailleurs, l’agence de notation Standard & Poor’s estime qu’une nouvelle restructuration de la dette grecque sera nécessaire dans les deux ans. D’autant plus que des analystes estiment que le taux d’intérêt moyen sur la dette grecque devrait être sous les 3 % pour lui permettre d’atteindre ses objectifs de réduction de sa dette à horizon 2031, à savoir la faire passer sous la barre des 90 % du produit intérieur brut (PIB).
Reste enfin la nécessité d’aides structurelles pour le redémarrage de l’économie grecque. L’institut Bruegel souligne que la Grèce ne retrouvera la solvabilité que si «un sérieux programme de relance de la croissance» est mis en place. Le communiqué du Sommet spécial européen parle de 8 milliards de fonds structurels européens disponibles.
Néanmoins, deux faits incontournables vont immanquablement servir d’écueil à ce scénario optimiste. D’une part, les moyens du FESF pourraient ne pas suffire pour remplir la mission qu’on lui a donnée. Laurence Boone, économiste zone euro chez Bank of America Merril Lynch, estime qu’il faudrait 290 milliards d’euros pour défendre l’Italie et l’Espagne s’ils étaient attaqués par les marchés. Or, il n’a que 220 milliards d’euros à disposition. Un membre de la Banque centrale européenne (BCE) a estimé qu’il faudrait augmenter l’enveloppe du FESF jusqu’à 1000 milliards d’euros. Les économistes du centre d’étude européen CEPS estiment pour leur part le besoin à 4000 milliards d’euros !
Par ailleurs, comme le signale Pascal Riché de Rue89, seule l’amélioration du paysage économique pourrait permettre une amélioration de la confiance dans l’avenir économique des États européens, y compris dans leur capacité de faire décroître leur dette publique. Or, les gouvernements européens s’engagent tous à ramener leurs déficits à 3% dès 2013. « Autrement dit, tous les pays, tant ceux qui sont en situation de crise financière que ceux qui ont la confiance des marchés, vont s’engager simultanément dans des programmes d’austérité. Désastre garanti. »
Sur ce dernier point, Paul Krugman aurait fait le commentaire suivant sur son blog : « Pendant que les Espagnols réduiront leurs coûts du travail par rapport aux Allemands, les Allemands réduiront leurs coûts du travail par rapport aux Espagnols. Le progrès est en marche ! »
[...] problème de la dette grecque, l’Union européenne est en train de perdre toute sa crédibilité. Dans un billet, en septembre dernier, on avait vu que plusieurs mesures décidées par l’UE pendant l’été semblaient avancer dans [...]