CESD-Oikos-989x90

Le samedi 23 avril 2022

Recherche:

La Grèce est-elle sauvée ?

À force de crier, d’une fois à l’autre, à une solution définitive pour le problème de la dette grecque, l’Union européenne est en train de perdre toute sa crédibilité. Dans un billet, en septembre dernier, on avait vu que plusieurs mesures décidées par l’UE pendant l’été semblaient avancer dans la bonne direction. Pourtant, même si la « solidarité communautaire » de l’Europe augmentait d’un cran, la situation restait bien fragile.

Cet été, on parlait d’une réduction de dette de 80 milliards d’euros, sur les 350 milliards de la dette grecque, soit 22,8 %. Or, les économistes qui suivent le dossier estiment que la réduction devrait s’élever à 50 % pour que la Grèce puisse véritablement sortir de la spirale dépressive. C’est pourquoi, lorsqu’on s’arrête aux grands titres de la presse après la nouvelle entente d’octobre – qui mettent l’emphase sur la radiation de 50 % de la dette détenue par les banques – on se demande si enfin la Grèce serait définitivement sauvée ? Rien n’est moins sûr. Le chiffre de 50% est trompeur. En fait, dans leur ensemble, les chiffres parus dans la presse amène à une extrême confusion : il ne faut pas confondre la radiation de 50% de la dette détenue par les banques – qui ne se ferait, encore une fois, que sur une base volontaire – avec une diminution de la dette dans une même proportion.

Sur son blogue dans le journal Le Monde, le PDG de Galileo Global Advisors, Georges Ugeux, fait le bilan suivant de l’entente d’octobre. Selon lui, les supposés 100 milliards de réduction de la dette est une fiction. Il parle plutôt, dans le meilleur des cas, d’une réduction de 40 milliards d’euros, dont tout au plus la moitie soit exécutée sous forme d’abandon de créance (le reste prenant la forme de prolongement de la durée. Selon ses hypothèses, l’impact immédiat sur la dette grecque ne devrait pas excéder 20 milliards d’euros, ou 6% de sa dette ! On est loin du compte. Les gains sont probablement tellement minces par rapport à ce qu’espérait Papandréou qu’il s’est senti, pendant un moment, obligé de laisser le dernier mot au peuple grec. Mal lui en prit !

Par ailleurs, on sait que les Allemands n’en peuvent plus de devoir payer plus que leur part pour résoudre les problèmes de ces Grecs « dépensiers ». Pourtant, selon un texte de Marshall Auerback et Rob Parenteau, paru sur le site EconoMonitor – du Roubini Global Economic – cette épithète du Grec dépensier ne serait rien d’autre qu’un mythe. Le filet social grec est peut-être élevé, nous disent-ils, lorsqu’on le compare au filet social des États-Unis, mais avec une dépense de 3 530 euros par capita, il est inférieur à l’Espagne et légèrement supérieur au Portugal, qui est le plus bas de toute l’Eurozone. La moyenne de l’Eurozone est de 6 252 euros. Le vrai problème n’est pas du côté des dépenses, mais du côté des revenus, nous disent les chercheurs. Depuis la fin de la dictature des colonels (de 1967 à 1974, une collusion des militaires et de la ploutocratie grecque), les 20% des plus riches Grecs ne paient pratiquement pas d’impôts.

Autrement dit, le problème c’est que les Grecs n’ont pas fait leur « Révolution tranquille » comme celle que nous avons fait dans les années 1960 – par la réforme de l’État – et dans les années 1970 – par la réforme de la vie publique. L’État grec, sa fonction publique et sa structure fiscale, n’ont pas été modernisés. Depuis des années il ne peut financer ses dépenses qu’en empruntant (ce qui était rendu plus facile dans l’Eurozone), en falsifiant les états financiers du pays et en laissant l’économie grecque croître artificiellement, malgré la perte constante de sa compétitivité.

Par ailleurs, l’Allemagne n’est pas en position pour trop exiger de la Grèce. Lorsque les entreprises allemandes profitaient du « miracle » grec, ces derniers, eux, ne protestaient pas ! Ils auraient pourtant dû, ils ne seraient peut-être pas là où ils en sont aujourd’hui. La balance commerciale penche très nettement en faveur de l’Allemagne puisque ses exportations vers ce pays ont atteint en 2010 plus de 5,9 milliards d’euros alors que ses importations ont tout juste dépassé 1,9 milliard d’euros. Entre 2004 et 2008, près du tiers des commandes d’armement grecques sont revenues à des groupes allemands. La justice enquête d’ailleurs sur la fourniture de tanks et de sous-marins militaires : on a découvert que des paiements douteux avaient été effectués vers des paradis fiscaux comme Chypre, le Liberia ou l’Autriche au moment même où le groupe allemand Krauss-Maffei Wegmann (KMW) décrochait à Athènes une commande de 170 tanks pour un montant proche de 1,7 milliard d’euros. L’hebdomadaire Spiegel a révélé qu’un intermédiaire grec aurait reçu 60 millions de dollars à Nevis et dans les îles Vierges britanniques pour son travail de «consultant» auprès du groupe. Les juges du parquet de Munich soupçonnent, quant à eux, le groupe basé à Essen Ferrostaal et la filiale du géant ThyssenKrupp, HDW, d’avoir versé 83 millions d’euros de dessous de table pour remporter un appel d’offres portant sur la fabrication sous licence de quatre sous-marins pour un montant total de 3 milliards d’euros.

Mais on pourrait aussi légèrement remonter dans le temps pour constater que le « miracle allemand » ne s’est pas fait avec des prières. Laurène Fauconnier, de l’organisation française Metis, rappelle qu’au début des années 1950, alors que l’Allemagne, complètement ruinée, voulait restaurer la confiance et à nouveau emprunter pour alimenter ce qui deviendra le miracle allemand, les accords de Londres vont réduire de moitié le poids total de la dette allemande. Une clause sera même ajoutée à l’accord qui soustrayait une portion de la dette parce que la RFA estimait ne pas en être responsable, relevant plutôt de la RDA.

« Comment, demande Laurène Fauconnier, la troïka BCE, Commission, FMI a-t-elle pu infliger aux Grecs une potion qui, loin de traiter le mal, n’a fait que l’empirer ? Comment les gouvernements européens ont-ils pu envisager de prêter à la Grèce en s’octroyant au passage un bénéfice substantiel ? Comment ont-ils pu injurier l’avenir au risque de faire payer à tous les Européens mais surtout aux plus fragiles et aux jeunes générations une addition exorbitante ? »

Comment, en effet… Mais le résultat de toute cette merde des marchés financiers internationaux et des ploutocrates grecs est que le premier ministre élu, qui voulait donné la parole au peuple, a été chassé comme une vieille guenille et que l’extrême-droite grecque sera, pour la première fois depuis la fin de la dictature, son entrée au gouvernement de la Grèce !

Discussion

Pas de commentaire pour “La Grèce est-elle sauvée ?”

Commentaire

Inscrivez votre courriel ci-dessous pour recevoir le bulletin hebdomadaire:

Agenda Public

Un code est requis pour ajouter des evenements a l'agenda.
Appuyez sur "Obtenir un code" ci-dessous pour s'inscrire.

Si vous avez un code, inserez votre code ci-dessous:

Votre compte étant nouveau, s'il vous plait enregistrer vos informations:











Informations sur l'evenement a ajouter: