La bataille de chiffres à savoir si le Québec était gagnant ou perdant dans le fédéralisme actuel n’a jamais été totalement et sans équivoque en faveur de l’un ou l’autre des camps. Pourtant, en vertu des juridictions déléguées au fédéral, qui lui donne – pendant les cycles de croissance – des surplus toujours plus importants alors que les provinces croulent sous des déficits qui iront croissants, tout laisse croire qu’il serait temps de refaire les calculs. Ils démontreraient, hors de tout doute possible, que le fédéralisme est un frein au développement du Québec. Et ce sera sûrement le fédéralisme de l’ère Harper qui nous obligera – même les fédéralistes québécois – à nous remettre à la table de travail.
Lorsque le Canada était dominé par un fédéralisme « social », les désavantages économiques de l’intégration du Québec étaient en bonne partie compensés par un relativement généreux filet social canadien. Ce n’était ni plus ni moins qu’un cercle vicieux généré par le fédéralisme : les désavantages économiques de la domination économique produisaient un mal-développement qui, en retour, rendait le fédéralisme politique avantageux. Mais avec le fédéralisme conservateur de la loi et de l’ordre de l’ère Harper, les choses vont changer. Non seulement le filet social disparaît à vue d’œil, mais le système militaro-industriel qui est en train de se mettre en place est essentiellement nord-américain, en très grande partie défavorable au système productif québécois.
Première évidence : pour la Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale, le pactole de 33 milliards $ qui s’étalera sur les 20 à 30 prochaines années échappe complètement au Québec. Irving Shipbuilding, de Halifax, a obtenu le mandat de construire 21 navires de combat, une affaire de 25 milliards $, alors que Vancouver Shipyards, du groupe Seaspan, sera chargé de la construction de sept navires destinés à la Garde côtière canadienne, au coût de 8 milliards $.
Pour l’armée de terre, le gouvernement a récemment annoncé que sa flotte de véhicules blindés légers des Forces canadiennes sera modernisée au coût de 1 milliard $. Le contrat a été accordé à l’entreprise General Dynamics Land Systems, qui est basée à London, en Ontario, et à Edmonton, en Alberta. Le gouvernement estime que le contrat permettra le maintien de 2400 emplois dans ces deux villes, dont plus de 2000 à London. Mais il a déjà annoncé en 2009 un plan de 5,2 milliards $ pour moderniser et remplacer toute la flotte de véhicules terrestres de l’armée. Les Forces canadiennes vont aussi se procurer 500 nouveaux véhicules de patrouille blindés tactiques, de même que 108 nouveaux véhicules de combat rapproché. On peut gager que ce sera la même entreprise qui empochera le gros lot.
Pour l’aéronautique, Montréal sera désavantagé par les nombreux contrats qui ont été, ou qui seront, annoncés. Dans le cas du pharamineux contrat des F-35, la société étatsunienne Lockheed Martin a des liens contractuels avec beaucoup plus d’entreprises sous-traitantes de l’Ontario que du Québec. Pour les autres gros contrats pour les avions de transport, les entreprises québécoises n’ont bénéficié que de 40% des retombées économiques du contrat fédéral visant l’achat d’avions de transport C-130J, d’avions stratégiques C-17, d’hélicoptères Chinook, alors que Montréal représente 55% de l’industrie canadienne.
Le fédéralisme de la loi et l’ordre de l’ère Harper c’est aussi plus de prisons. Mais le gouvernement conservateur a déjà annoncé qu’il n’a aucune intention de dédommager les provinces qui verront leurs coûts carcéraux augmenter à la suite de l’adoption des projets de loi resserrant la justice criminelle. Le bureau du ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, invite plutôt les provinces à couper dans l’aide sociale, l’éducation postsecondaire ou les services sociaux pour financer leurs prisons, nous dit Hélène Buzzetti, du Devoir. Ottawa prétend que son projet de loi induira des coûts supplémentaires d’à peine 78 millions $ sur cinq ans. Le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, soutient plutôt qu’Ottawa sous-estime le coût de ses projets de loi en matière de justice. Seulement pour le volet de C-10 réduisant l’accès à la libération anticipée, Kevin Page prédit un coût de 1 milliard de dollars, alors qu’Ottawa prévoit y consacrer moins de 400 000 $ en cinq ans.
Dans un prochain texte on verra que les coûts pour le Québec seront aussi croissants en raison du fédéralisme de l’ère ‘Jurassique’ Harper !
[...] a vu dans la première partie de ce texte que l’ère de ‘la loi et l’ordre’ Harper représentait, pour les Québécois, un coût extraordinairement élevé. Ça semble néanmoins [...]