On a vu dans la première partie de ce texte que l’ère de ‘la loi et l’ordre’ Harper représentait, pour les Québécois, un coût extraordinairement élevé. Ça semble néanmoins très bien correspondre à cette nouvelle majorité canadienne dans laquelle le Québec ne joue plus aucun rôle. Dans le présent texte, nous verrons que les coûts du fédéralisme pour les Québécois seront encore plus importants dans les années à venir, en raison de l’ère ‘Jurassique’ Harper ‘des sables bitumineux’.
Dans une étude de l’IREC paru il y a quelques semaines, intitulé Les impacts de la dépendance du Québec au pétrole, Pierre Langlois et moi-même signalons que le Canada fait partie des quelques pays qui, malgré les recommandations contraire de l’ONU et même du G20, ont décidé d’accorder de généreuses aides fiscales à leurs industries pétrolières, pour éviter la perte graduelle de compétitivité de ces ressources par rapport aux énergies propres. Une étude réalisée l’an dernier par EnviroEconomics pour le compte de l’International Institute for Sustainable Development, de Winnipeg, permettait enfin de lever le voile sur l’existence de 63 programmes de subventions ou d’aides fiscales destinés à accroître l’exploration et le développement de la production de pétrole, sous la forme de remises d’impôt ou de réduction des redevances.
Au total, pour 2008 seulement, ces dépenses fiscales ont représenté un montant de 2,84 milliards $. La part la plus importante provient du gouvernement fédéral (1,4 milliard $), pour des dépenses liées principalement au soutien de l’industrie des sables bitumineux de l’Alberta. Puisque le Québec représente 23% de la population canadienne, on peut donc conclure que les Québécois ont contribué, en 2008, à hauteur de 320 millions $. Mais ces dépenses sont appelées à grimper : dans la mesure où on prévoit multiplier par deux la production pétrolière dérivée des sables bitumineux d’ici 2020, l’étude prévoit que le coût de ces dépenses fiscales doublera d’ici cette date. On peut donc estimer que la contribution des Québécois atteindra 640 millions $ en 2020. Si l’on fait l’hypothèse d’une croissance linéaire de ces subventions, ça veut dire que le coût fiscal total s’élèverait à plus de 5 milliards $ pour les Québécois pour l’ensemble de la période 2008-2020, soit exactement 20 fois le budget prévu par le gouvernement du Québec pour les véhicules électriques.
Mais cette dépense fiscale ne représente que le sommet visible de l’iceberg que représenteront les coûts globaux de l’ère ‘Jurassique’ Harper. La face caché c’est celle des coûts économiques entraînés par le choix stratégique de bâtir une structure économique sur la base des énergies fossiles plutôt que sur les énergies renouvelables. Ce choix est une erreur monumentale pour le Québec. D’une part, c’est faire le choix (stupide) des sources énergétiques dont les prix ne feront que croître dans le futur, contrairement aux énergies renouvelables dont les prix sont, au contraire, appelés à baisser tendanciellement dans les prochaines années. D’autre part, le Québec est doublement perdant parce que, contrairement aux provinces de l’Ouest et de l’Ontario, il ne profitera aucunement des retombées économiques découlant du développement de sables bitumineux.
Mais ce qui est peut-être pire, c’est que les échanges commerciaux du Québec avec l’étranger vont être négativement affectés par ce choix canadien. En effet, comme nous le présente Louis-Gilles Francoeur dans un article du 12 octobre, pour dénouer l’impasse qui se dessine à la prochaine conférence internationale sur les changements climatiques à Durban, en Afrique du Sud, l’ONU songe à prolonger le protocole de Kyoto sans le Canada, le Japon et la Russie.
Nous nous dirigeons donc vers une situation perdante pour le Québec. En raison de la violation du protocole de Kyoto dans lequel il était signataire, le Canada fera face à de nouvelles obligations de la part de la communauté internationale, auxquelles le Québec ne pourra probablement pas échapper, malgré le fait qu’il aurait lui-même atteint ses objectifs de réduction. Par ailleurs, les autres pays du monde, et en particulier l’Europe, dont la détermination demeure exemplaire, vont un jour ou l’autre commencer à imposer des taxes spéciales aux exportations canadiennes (y compris québécoises) en compensation de l’absence de la contribution canadienne à la lutte contre le réchauffement. Bref, le Québec ne profitera pas des sables bitumineux, mais il va en payer le prix !
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