Dans la partie précédente de cette série, nous avons vu que les projets se multiplient à un rythme effarent, tant dans les grandes villes que chez les géants industriels qui se dotent d’actifs solaires. C’est ce développement qui permet de baisser les prix et de rapprocher l’énergie solaire à parité avec les autres sources énergétiques. Dans cette quatrième et dernière partie, nous allons voir que les pays émergents et les pays situés dans les régions équatoriennes seront probablement les grands gagnants de cette course vers la transformation de l’énergie solaire.

L’énergie solaire dans les pays émergents et les régions équatoriennes

Les exemples de projets d’énergie solaire dans les pays du sud, qu’ils soient émergents ou en développement, donnent une idée du potentiel de cette forme d’énergie pour le futur de ces pays. Le Tikelau, formé de trois petites îles du Pacifique, vient d’investir 7,5 millions $ dans une ferme solaire photovoltaïque qui fournira 90% de ses besoins énergétiques. Il sera le premier État du monde à annoncer qu’en 2012, 100% de son énergie sera de source renouvelable. Le stationnement de l’aéroport de l’État de Palau sera doté de structures de captation d’énergie solaire composé de 1 000 panneaux PV qui seront reliés au réseau électrique local. La patrie des Incas, le Pérou, a commencé en 2011 l’installation du plus grand projet d’énergie solaire en Amérique latine, qui produira 44 MW lorsqu’il sera complété en 2012.

Ce ne sont pas de gigantesques projets comme la Banque mondiale a l’habitude de nous annoncer pour ces pays, mais qui comportent habituellement des impacts sociaux et environnementaux majeurs. Ce sont plutôt des projets à plus petite échelle. Pourtant ils ont un potentiel immense dans la mesure où ils se réalisent dans le cadre d’une stratégie de développement énergétique décentralisé. C’est par exemple ce que vient de faire la Chine en mettant en place un programme feed-in tariff, c’est-à-dire des contrats de tarifs de rachat garantis, avec l’objectif de développer 15 000 MW (15 GW) de nouvelles capacités d’énergie solaire d’ici 2015.

L’Inde partage les mêmes ambitions. Peut-être même davantage encore que la Chine dans la mesure où elle part de loin et que l’ensoleillement du pays est encore plus favorable. L’énergie solaire installée dans ce pays s’élève présentement à un peu plus de 50 MW. Mais les gouvernements locaux et régionaux prévoient développer les capacités à plus de 9 000 MW (9 GW) d’ici 2016. Et cela sera d’autant plus réalisable que la baisse des coûts de production de l’énergie solaire ferait en sorte qu’elle serait déjà compétitive face au diesel en Inde. La firme SolaireDirect s’engage à fournir une énergie solaire au réseau indien à 14 cents le kWh, contre 25 cents pour l’énergie produite à partir de génératrice au diesel. Le PDG de la firme indienne en énergie solaire Lanco Solar affirme quant à lui que le prix de l’énergie en Inde connaîtra une baisse de 40% d’ici 2015, rendant cette source compétitive à tous les autres types d’énergie.

Ce sera effectivement dans les pays de la Sun Belt, sous l’équateur, où il y a le maximum d’ensoleillement, que nous devrions voir les développements les plus élevés dans les prochaines années. Quelques exemples : l’Arabie Saoudite, ce désert de sable qui recevrait 2 200 kWh de chaleur thermique d’énergie solaire par mètre carré, a développé un premier projet (3,5 MW) et fondée un institut universitaire (KAUST) qui se spécialise dans la recherche sur l’énergie solaire. L’un de ses voisins, le royaume de Dubaï, membre des Émirats Arabes Unis, planifie le développement d’une capacité de 1000 MW d’énergie solaire (PV et thermique) d’ici 2030. La production totale d’énergie du royaume est actuellement de 7 600 MW (gaz et pétrole) et le pic de la demande est de 6 000 MW.

Je parlais précédemment des projets pharaoniques, souvent contestables, financés par la Banque mondiale. Il faut pourtant saluer le nouveau crédit qu’elle a approuvé à la fin de l’an dernier visant l’électrification d’un million de foyers du Bangladesh en énergie solaire. Il y a, dans ce pays, 16 millions de résidences qui ne sont pas encore reliées au réseau électrique. Les projets financés seraient des mini-réseaux autonomes de panneaux PV installés par des ONG et dont le gouvernement serait propriétaire.

J’ai essentiellement parlé de l’énergie solaire PV dans cette série de billets parce que c’est ce segment qui connaît la croissance la plus rapide. Mais le solaire thermique constitue également une source potentielle de développement, comme le souligne le spécialiste Lester R. Brown dans le texte suivant. On estime qu’en Chine c’est 168 millions de mètres carrés de surface de solaire thermique qui serait installé (en date de 2010) sur le toit des immeubles pour chauffer l’eau, soit l’équivalent de 118 000 MW de chaleur pour 112 millions de familles chinoises. L’objectif de la Chine est d’atteindre 300 millions de mètres carrés pour 2020.

Terminons cette série avec le projet pharaonique dont j’ai déjà parlé sur OikosBlogue : Desertec. Ce gigantesque projet de 500 milliards $ qui serait capable avec ses 100 GW de fournir 15 % de l’énergie européenne d’ici 2050 pose plusieurs défis qui sont relevés dans cet article. Pour le principal promoteur de ce projet, l’Allemagne, il représente néanmoins l’une des solutions face à la décision de démanteler le réseau des centrales nucléaires sans augmenter les GES produites. Quoiqu’il en soit, comme on l’a vu dans cette série, l’avenir du solaire ne dépend pas de ce genre de projets.