Quelle farce misérable ! Ce genre de mascarade ne fait que remettre en question tout le travail de ceux qui s’acharne à vraiment changer les pratiques des entreprises, à questionner leur responsabilité sociale.
Comme chaque année depuis 2005, le magazine Corporate Knights publie le Global 100, le classement des 100 entreprises qui sont supposées le mieux intégrer les principes de développement durable dans leurs activités. Le classement serait établi sur la base d’une dizaine d’indicateurs de performance : émissions de GES, consommation énergétique, génération de déchets, santé et sécurité au travail, innovation, transparence, etc. L’édition 2012 a été rendue publique dans le cadre du Forum économique mondial de Davos, en Suisse.
Six entreprises canadiennes figurent parmi les 100 entreprises considérées comme les plus durables au monde. Avec ses six entreprises référencées, le Canada arrive en 6e position, derrière le Royaume-Uni (16 entreprises), le Japon (11), les États-Unis et la France (8 entreprises chacun) et l’Australie (7). Ces six entreprises canadiennes sont, dans l’ordre de classement, Suncor (48e), Enbridge (71e), Encana (76e), Nexen (89e), Sun Life (91e) et RBC (95e).
Même si Corporate Knights admet qu’il faut rester prudent quant aux résultats de ce genre de classement, reste que dans la réalité du monde actuel où tout repose sur l’image de marque, souvent tout aussi superficielle que celle que se donnait PB (Beyond Petrolium) jusqu’à l’an passé, la dynamique de greenwashing, ou de ‘mascarade écologique’ de ce classement joue son rôle en légitimant les pratiques foncièrement inacceptables de plusieurs de ces entreprises. Suncor est l’un des importants acteurs de l’industrie des sables bitumineux; Enbridge utilise des pratiques malhonnêtes de lobbying non seulement pour faire accepter son pipeline de Keystone XL aux États-Unis mais pour carrément quadriller l’Amérique du Nord de pipelines pour permettre le triplement de la production de pétrole issu des sables bitumineux; Encana nie sa responsabilité dans la contamination de l’eau des résidents de Pavillion, au Wyoming, suite à des fracturations hydrauliques.
Il faut dénoncer ce genre de classement qui se limite à une analyse purement quantitative. Les périmètres de la reddition de compte et la fiabilité des données utilisées, ainsi que les définitions utilisées par les entreprises pour les indicateurs pris en compte par ce classement sont hétérogènes et faussent l’analyse. Par ailleurs, plusieurs indicateurs généralement utilisés par les professionnels de la triple reddition de compte, tels que la responsabilité sociale des entreprises de la chaîne de fournisseurs, le respect des Droits de l’Homme ou la lutte contre la corruption, sont carrément absents, ce qui met en doute la valeur éthique de la démarche, d’une part, mais d’abord et avant tout la fiabilité de ce classement.
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