CESD-Oikos-989x90

Le samedi 23 avril 2022

Recherche:

Plan Nord (1) : l’arnaque du siècle

En mars, de nombreuses informations, parfois concordantes, parfois contradictoires, se sont télescopées à propos du Plan Nord. Mais avec le dernier budget Bachand, il passe timidement de figure idéologique, d’enrobage politicien, à un statut de programme électoral du PLQ (payé par les contribuables), bricolé en catastrophe, qui ose intégrer des propositions de Jacques Parizeau dans un bouilli innommable. Dans le premier de cette série de trois billets sur l’arnaque du Plan Nord, j’aimerais débuter ma réflexion à partir d’une intervention qui est passée plutôt inaperçue, mais qui m’apparaît tout à fait essentielle pour la compréhension globale du problème et des solutions à y apporter.

Cette intervention est celle d’Harvey Mead, ancien Commissaire au développement durable du Québec (et fondateur de Nature Québec) qui réagissait à l’étude des retombées économiques sur le Plan Nord lancée par SECOR en février. En passant, le titre du communiqué de presse de SECOR est imparable : Plan Nord : opération marketing ou vrai projet de développement pour le Québec? Étant donné les honoraires qu’ils ont reçus pour cette étude, on comprend facilement que SECOR est le seul à ne pas répondre à cette question par une ‘opération marketing’ ! Fermons la parenthèse. L’intervention d’Harvey Mead a pris la forme d’une lettre au directeur (stratégie et management) de SECOR, M. Guillaume Caudron. Selon Mead, l’étude de SECOR « se distingue par l’absence totale d’analyse sur les risques — financiers, écologiques, sociaux — associés au Plan Nord. » Il en fait lui-même ressortir plusieurs, dont j’en reprends trois importants. Tout d’abord, faisant référence à une analyse publiée dans son livre L’indice de progrès véritable du Québec : quand l’économie dépasse l’écologie (à ce propos, il faut lire le billet d’OïkosBlogue paru la semaine dernière), Harvey Mead souligne le caractère non renouvelable des ressources minières : leur exploitation comporte un épuisement progressif de notre capital naturel. Par le fait même, le développement minier du Nord risque d’appauvrir les générations futures si nous n’en tenons pas compte et ne prenons pas des mesures pour y remédier. Il donne comme exemple le « plan cuivre » que le gouvernement du Québec a été obligé de lancer afin de tenter de compenser le fait que les gisements de cuivre, qui ont maintenu pendant des années une activité dans plusieurs communautés, sont maintenant épuisés.

Par ailleurs, Harvey Mead fait ressortir que l’exploitation de ces ressources dans le nord du Québec, en partie dus à l’éloignement (donc aux distances de transports accrues), en partie dus au fait que l’exploitation pourrait bien se faire à partir de gisements moins riches (profitable maintenant en raison de la hausse des prix sur les marchés), exigeant plus d’énergie lors de l’exploitation, seront associés à des coûts énergétiques plus importants que la moyenne de l’industrie. Énergie qui sera souvent fossiles, malgré l’apport des hypothétiques barrages électriques qui devraient être construits. Ainsi, le Plan Nord risque d’être un important contributeur de GES, ce qui va à l’encontre de la politique québécoise.

Il questionne enfin l’évaluation de la construction des ouvrages hydroélectriques, qu’il trouve pour le moins surprenante : « Nulle part n’y est-il question des risques associés à l’annonce de 3500 MW de plus, alors qu’il y a déjà d’importantes problématiques associées à la mise en place des 4500 MW associés à la Stratégie énergétique 2006-2015. Ces risques comportent des coûts extrêmement importants qui pourraient être encourus en fonction de la vente de la production d’électricité à perte (par rapport au coût de production). Comment évaluez-vous l’intérêt de votre étude quand vous ne parlez même pas de ce risque, alors qu’il s’agit de plus de la moitié des investissements prévus par le Plan Nord ? » Dans la mesure où on apprenait récemment que la mine projetée par Adriana Resources, la plus importante du Plan Nord, pourrait bénéficier d’un tarif de 3,6 ¢/kWh alors que le prix accordé aux industriels qui transforment les ressources au Québec s’élève à 4,5 ¢/kWh et que le coût des kWh tirés des derniers projets de centrales hydroélectriques comme la Romaine sur la Basse-Côte-Nord oscillent autour de 10 ¢/kWh, ces risques sont non seulement tout à fait prévisibles, mais complètement irresponsables. Le gouvernement Charest augmente, de manière tout à fait marginale, les redevances publiques, mais par ailleurs il veut octroyer en cachette de nouvelles subventions qui vont plomber les résultats d’Hydro-Québec (on parle ici de centaines de millions voire de milliards de $), au risque même d’en faire, à terme, un canard boiteux qu’il ne resterait plus qu’à privatiser…

En novembre dernier, lors du colloque de l’IREC, Jacques Fortin, professeur en sciences comptables à HEC Montréal, et directeur Développement Durable, ne disait pas autre chose lorsqu’il nous rappelait que s’il est un secteur où la précipitation n’a pas sa place, c’est bien celui des ressources naturelles, où notre responsabilité est planétaire et intergénérationnelle et où les conséquences de nos actions sont la plupart du temps très significatives et irréversibles. Nous y reviendrons plus en détail dans la 2e partie de cette série,

Discussion

Commentaire pour “Plan Nord (1) : l’arnaque du siècle”

  1. [...] d’un développement durable. Pour reprendre encore une fois les réflexions de Jacques Fortin, avec qui je concluais mon billet précédent : les citoyens du Québec, et le gouvernement qui les représente, sont fiduciaires d’un [...]

    Écrit par Oikos Blogue | Plan Nord (2) : des coûts prohibitifs pour le Québec | avril 12, 2012, 6 h 10 min

Commentaire

Inscrivez votre courriel ci-dessous pour recevoir le bulletin hebdomadaire:

Agenda Public

Un code est requis pour ajouter des evenements a l'agenda.
Appuyez sur "Obtenir un code" ci-dessous pour s'inscrire.

Si vous avez un code, inserez votre code ci-dessous:

Votre compte étant nouveau, s'il vous plait enregistrer vos informations:











Informations sur l'evenement a ajouter: