Il y a quelques semaines, François L’Italien, doctorant en sociologie à l’Université Laval, membre du Collectif d’analyse de la financiarisation du capitalisme avancé (CAFCA) et chargé de projet à l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) produisait pour le compte de l’UPA une étude sur le phénomène de l’accaparement des terres dans le monde, avec ses possibles conséquences sur l’agriculture québécoise, dans laquelle il propose en conclusion un ensemble de propositions pour protéger la propriété collective du foncier agricole québécois.
Dans le billet qu’il a écrivait sur OikosBlogue pour présenter son étude, François signalait que « [l]es investisseurs canadien et québécois ont déjà commencé à acquérir des blocs de terres agricoles afin d’en tirer le maximum de rendement. Bonnefield Canadian Farmland Corp., le fonds AgriTerra mais aussi la Banque nationale du Canada sont des investisseurs privés qui ont pour mandat d’augmenter leurs gains en capitaux en achetant des terres, haussant du coup le prix de ces dernières. Cette stratégie spéculative a pour conséquence de bloquer l’accès de la relève agricole à la propriété, relève pourtant essentielle pour assurer la pérennité de l’occupation du territoire agricole. »
Dans son étude, qu’on retrouve sur le site de l’IREC, il précisait cependant que « [l]’ampleur du phénomène d’accaparement des terres au Québec est une grande inconnue jusqu’ici, puisqu’elle ne peut être décrite et analysée de manière satisfaisante. Très peu, voire aucune donnée substantielle n’est disponible pour l’instant. Il s’agit là, en soi, d’un problème économique important : le Québec dispose de peu d’outils d’observation fine et raisonnée des transactions por¬tant sur le foncier agricole. Un défaut de connaissance entraînant immanquablement un défaut de régulation – on agit bien que sur ce que l’on connaît bien, ce sont des sources d’informations plus ou moins crédibles qui prennent alors le relais. »
L’étude a eu un impact important chez les agriculteurs. Assez, semble-t-il pour que le ministre du MAPAQ décide d’aller de l’avant avec une étude plus approfondie pour documenter la situation. Or, que fait le ministre Corbeil (ce même Pierre Corbeil qui, trois mois après sa défaitel de 2007 était engagé comme lobbyiste pour une minière) ? Il accorde 750 000 $ sur trois ans à CIRANO pour enquêter sur la situation. À CIRANO !!! C’est comme si on engageait un renard pour enquêter sur la sécurité du poulailler ! Dans le communiqué, on fait dire au ministre que « Dans un contexte où de plus en plus d’investisseurs s’intéressent aux terres agricoles, non seulement pour l’agriculture, mais également comme actif immobilier, il devient essentiel de tracer le portrait de la situation au Québec. Il va sans dire que la diversité de l’agriculture passe aussi par une diversité de modèles d’entreprises propriétaires de ces terres agricoles. Cependant, nous voulons tout de même nous assurer que nos entreprises agricoles auront encore la capacité d’acquérir les terres nécessaires à leur développement. » Le vers est déjà dans la pomme, pourrait-on dire.
Pour le quart de cette somme, des chercheurs universitaires idéologiquement plus neutres que les intégristes du libre-marché que regroupe le CIRANO, auraient pu mener à terme cette recherche, en collaboration avec tous les acteurs concernés. Avec CIRANO, avant même qu’ils commencent leur enquête, on connaît déjà les axes de leurs conclusion et recommandations. Ces idéologues du laisser-faire, qui font de la lutte contre les institutions du modèle québécois un de leur principal leitmotiv, vont sournoisement présenter la concurrence dans la propriété foncière comme une opportunité qu’il faut saisir, pour le plus grand bien des entreprises du secteur et de la croissance globale du Québec. Nous sommes tellement pas bon qu’il faut bien permettre aux étramgers d’acheter nos terres pour qu’ils en fassent une une utilisation plus efficace… Contrairement aux chercheurs universitaires, les données recueillies par CIRANO ne seront pas du domaine public. Ce financement n’est rien d’autre que du détournement de fonds pur et simple.
CIRANO devrait aussi faire l’objet d’une enquête pour favoritisme. Ce détournement de fonds publics vers vers cet appareil idéologique n’a rien à voir avec la recherche, c’est un financement politique. On finance avec notre argent un think tank étroitement liée à la famille libérale (les 2 Claude [Castonguay et Marquette], Robert Lacroix, Marcel Boyer, etc.). En plus de contribuer à la guerre idéologique menée contre les propositions de politique économique de l’opposition souverainiste (PQ et QS), et plus généralement contre le modèle québécois, le généreux financement du gouvernement Charest va permettre de soutenir la pérennité de ce think tank de droite, juste avant de perdre le pouvoir. Les Libéraux financent leurs amis de CIRANO, c’est-à-dire les représentants québécois de ce courant de pensée qui est responsable d’avoir produit et entretenu la pensée unique ultralibérale. Cette pensée qui a conduit à la déresponsabilisation sociale des entreprises et à la déréglementation publique, qui ont-elles-mêmes mené à la Grande Récession. Cette bande d’intégristes du libre-marché vont donc pouvoir continuer, en toute impunité, à diffuser leur littérature de dénigrement des institutions québécoises plusieurs années après le départ des Libéraux.
[...] étudier [éluder?] la question, l’étude du CIRANO nous dit, comme on pouvait s’y attendre (voir mon billet de l’an dernier), qu’il n’y a pas de phénomène d’accaparement des terres agricoles et que le Québec n’a [...]
[...] gigantesques, pour lesquelles on peut légitimement se poser de sérieuses questions. Par exemple, le mandat sur les enjeux d’accaparement des terres agricoles au Québec, que j’avais dénoncé sur OikosBlogue. Le ministre Pierre Corbeil a accordé 750 000 $ (!!!) sur [...]