Nous l’avons amplement souligné sur ce blogue, le gouvernement et les lobbys pétroliers s’activent pour exporter tout azimut l’énergie sale des sables bitumineux. La société Enbridge propose d’inverser son pipeline no 9, qui pompe présentement le pétrole importé du port de Montréal vers Sarnia, permettant ainsi que le pétrole de l’Ouest canadien, qui se rend présentement jusqu’à Sarnia, file dorénavant jusqu’à Montréal. Il pourrait alors soit alimenter la dernière raffinerie montréalaise, soit être acheminé vers Portland dans le Maine.

On apprend maintenant que le Parti libéral du Canada va lui aussi prendre position en faveur de la route de l’Est, de manière à offrir des débouchés aux pétrolières albertaines qui ont des difficultés à faire passer leurs projets de pipelines Keystone et Northern Gateway. Dans un texte paru dans les pages du quotidien Calgary Herald, l’ancien conseiller de Jean Chrétien, Eddie Goldenberg, a par ailleurs fait valoir que plusieurs entreprises et politiciens, dont le chef du NPD Thomas Mulcair, voyaient cette idée d’un œil de plus en plus favorable. Lors d’un caucus du PLC à Montebello, le chef intérimaire Bob Rae a déclaré, « Voilà un moment important pour le pays de saisir cette opportunité. Et c’est ce que je veux faire. »

Pour avoir un appui public à cette démarche, les lobbys pétroliers affirment qu’un pipeline vers l’Est permettrait à la fois de réduire les prix pour les consommateurs dans les provinces du centre et de l’Est du Canada, en plus de stimuler le secteur du raffinage dans des régions comme celle de Montréal. Rien n’est plus faux selon Jean-Thomas Bernard, professeur d’économie spécialisé sur les questions énergétiques. D’une part, dit-il, la réalité est bien différente de celle des années 70 ou 80, où des prix avantageux permettaient au Québec de développer cette industrie du raffinage. D’autre part, il serait surprenant que les pétrolières albertaines acceptent de vendre leur produit moins cher que ce que les Québécois paient déjà; les faibles prix auxquels elles sont confinées explique leur recherche active de nouveaux débouchés.

Il faut rappeler que les dangers reliés à ce projet sont très concrets. Un nouveau rapport produit par le Natural Resources Defense Council (NRDC), un groupe environnemental des États-Unis, sur le projet Trailbreaker d’Enbridge met en lumière au moins six causes qui expliquent pourquoi le transport du pétrole issu des sables bitumineux pourrait « causer des déversements plus fréquents et plus graves » que le transport du pétrole brut conventionnel. Le transport du pétrole issu des sables bitumineux passerait à travers certains des principaux sites naturels et culturels de l’Ontario, du Québec, du Vermont, du New Hampshire et du Maine.