Dans le précédent billet, j’ai abordé le contexte général, plus ou moins favorable à une politique québécoise audacieuse. Néanmoins, avant d’être conçue pour favoriser le développement économique, comme c’était le cas sous les Libéraux, la politique énergétique du Québec doit d’abord et avant tout être tributaire des cibles de réductions de GES. Plus ces cibles sont élevées, audacieuses, et plus la politique énergétique doit viser une transition énergétique ambitieuse. Sous le gouvernement précédent, le Québec a fixé sa cible de réduction à 20% sous le niveau de 1990 pour la période 2012-2020, ce qui représente tout de même la cible la plus ambitieuse en Amérique du Nord. Mais le PQ, et Mme Marois l’a confirmé lors de son discours d’ouverture de la 40e législature de l’Assemblée nationale le 31 octobre dernier, vise plutôt la cible de -25%.
Mais la cible de 2020 est très insuffisante pour correctement encadré la politique énergétique québécoise. Dans les domaines énergétiques, il faut plutôt prévoir sur un horizon de plusieurs décennies puisque les développements dans ce domaine impliquent des études d’impacts longues et coûteuses et que les investissements se rentabilisent sur 20-30 ans. On l’a vu récemment avec Gentilly-2 : le choix de la réfection signifiait non seulement une autre période d’une trentaine d’années de production d’énergie nucléaire mais aussi de milliers de tonnes supplémentaires de déchets. Une politique énergétique aujourd’hui devrait être synonyme d’une stratégie de transition énergétique vers une économie sans carbone. Le Québec doit s’inspirer de la Commission européenne qui a rendu public, fin 2011, une feuille de route pour 2050 vers une économie à faible intensité carbone, fixant l’objectif d’une baisse de 80 % à 95 % des émissions de CO2 de l’Union à l’échéance. Or, étant donné le poids des énergies fossiles dans le bilan de la production de CO2, une cible de 80-95% signifie ni plus ni moins la disparition des énergies fossiles du ‘cocktail’ énergétique. Autrement dit, la politique énergétique doit être en cohérence avec une politique industrielle de reconversion et un changement de paradigme de la politique des transports, vers une mobilité durable.
Mais dans un contexte où la force du dollar canadien et notre dépendance à l’égard des importations de pétrole se conjuguent pour affaiblir l’activité économique au Québec, la politique énergétique québécoise devra pouvoir compter sur toutes nos ressources énergétiques pour soutenir la transition pour 2050. La façon de faire pour y parvenir est, en principe, assez simple : le gouvernement du Québec doit investir prioritairement, et massivement, dans l’efficacité énergétique, dans l’augmentation de l’offre de transport collectif et la mise en place des infrastructures pour leur électrification. Une stratégie ambitieuse d’efficacité énergétique est nécessaire pour le Québec. D’abord, les surplus actuels d’électricité sont, pour une part importante, dus au ralentissement économique. Ils sont donc temporaires. Ensuite, les négawatts sont une source d’énergie fiable, peu coûteuse, durable et favorable au développement des communautés. De plus, cette stratégie ouvre une voie exceptionnelle de création d’emplois et de développement local, puisque les activités économiques associées à cette approche sont généralement à forte intensité de main-d’œuvre et réalisées sur des marchés de proximité. Enfin, en libérant une portion de nos capacités énergétiques nous nous donnons la possibilité d’une indépendance énergétique.
L’atteinte de l’indépendance énergétique acquiert une importance stratégique. Chaque baril de pétrole que l’on évite d’importer représente non seulement un apport supplémentaire à l’activité économique québécoise, avec ce que cela représente en termes de retombées directes – création d’emplois -, mais en même temps entraîne des retombées indirectes sur les finances publiques. C’est donc dire que le détournement d’une fraction significative du flux monétaire sortant du Québec, pour acheter le pétrole, vers de nouvelles activités économiques structurantes – par exemple vers le transport collectif électrifié – contribuerait, en eux-mêmes, à la rentabilité des investissements pour réaliser la transition énergétique.
Dans la Stratégie énergétique du Québec 2006-2015, le gouvernement du Québec prévoyait que l’essence vendue dans la province contienne au moins 5% d’éthanol d’ici 2012. Nous devrions faire passer cet objectif à 10 % pour 2020, ce qui représenterait un marché annuel de 900 millions de litres d’éthanol pour le Québec seulement. Par contre, nous devrions nous assurer que les carburants alternatifs utilisés dans le cadre de cette nouvelle norme proviennent de la filière de l’éthanol cellulosique de 2e génération à base de déchets, de biomasse forestière ou de plantations ligneuses sur des terres en friche.
Mais la politique énergétique québécoise doit-elle aussi passer par l’exploitation de nos ressources en énergie fossile pendant quelques décennies, de manière à nous donner les moyens de financer la transition ? Nous devons l’envisager. Dans le dernier billet de cette série j’aborde cet enjeu.
[...] politique énergétique québécoise doit reposer, comme nous l’avons vu dans le précédent billet, sur les objectifs de moyen et long terme de réduction des GES. Avec la cible des 80-95% de [...]