On le mentionnait dans un article du mois d’août, les cinq plus grandes banques canadiennes comptent au minimum 89 filiales officielles dans les paradis fiscaux, soit en moyenne 18 filiales chacune. Selon l’étude du prof Lauzon, les cinq principales banques canadiennes auraient réussi à éluder aux fiscs canadien et provinciaux, au cours des quinze dernières années, un montant de 16 milliards $ d’impôts grâce à l’évasion fiscale pratiquée dans les paradis fiscaux par leurs filiales.
La semaine passée, c’est Radio-Canada qui dévoilait que, entre 2003 et 2008, les investissements canadiens directs à l’étranger dans les paradis fiscaux sont passés de 94 milliards de dollars à 146 milliards de dollars. Ça représente plus de 20 % des investissements directs canadiens à l’étranger. En tête de liste figure la Barbade, avec près de 45 milliards de dollars d’investissements canadiens, dont les deux tiers dans le secteur financier.
Sous le couvert de faciliter l’obtention des renseignements sur l’évasion fiscale des entreprises, le ministre des Finances, Jim Flaherty, aurait inclus une mesure dans son budget de 2007 : lorsqu’il y a un Accord d’échange de renseignements en matière fiscale (AERF), les revenus d’entreprise gagnés dans le pays signataire par les filiales d’entreprises canadiennes pourront être rapatriés au Canada, sous forme de dividendes versés à la société mère. Et ces revenus seront exonérés d’impôt au Canada. Bingo !
Selon André Lareau, professeur de fiscalité à l’Université Laval, cette mesure permet peut-être d’obtenir des renseignements sur les activités des entreprises canadiennes, mais les encourage en même temps à s’installer dans les paradis fiscaux. Il dit s’attendre à ce que de plus en plus d’entreprises profitent de l’occasion. Mais cette pratique fiscale déloyale de la part des entreprises, et en particulier des institutions financières, ne date pas d’hier.
Dans une étude réalisée par Statistiques Canada sur les investissements directs canadiens dans les centres financiers offshore (CFO), de 1990 à 2003, l’auteur signalait que les actifs canadiens dans les CFO ont été multipliés par huit, étant passés de 11 à 88 milliards de dollars. Ces centres comprennent les pays souvent appelés «paradis fiscaux», ainsi que ceux dont le secteur financier est particulièrement important tels que la Suisse. Les CFO représentaient plus du cinquième de l’ensemble de l’investissement direct canadien à l’étranger en 2003, soit le double de la proportion 13 ans plus tôt.
La plus forte croissance de l’investissement direct canadien durant cette période aurait été observée à la Barbade, en Irlande, dans les Bermudes, les Îles Caïmans et les Bahamas. En 2003, ces 5 centres figuraient parmi les 11 nations où les actifs canadiens étaient les plus élevés.
Parallèlement, la part de l’investissement direct canadien allant vers les États-Unis, le principal partenaire économique du Canada, a diminué considérablement. Depuis 1999, le secteur financier accapare davantage d’actifs canadiens que tout autre secteur d’activité, devant les secteurs de la transformation, des services et de la fabrication. Les 88 milliards de dollars d’actifs investis dans les CFO se concentrent dans le secteur financier, qui représente 72 milliards de dollars à lui seul, dont 53 milliards de dollars dans les services bancaires. Dans le secteur financier, les entreprises canadiennes investissent beaucoup plus d’actifs dans les CFO qu’elles le font aux États-Unis ou ailleurs dans le monde.
Regardons maintenant les données plus récentes sur les investissements directs canadiens à l’étranger. Pour 2008, Statistique Canada nous signale qu’ils ont progressé de 24 %, surtout en raison de l’effet que la dépréciation marquée du dollar canadien au quatrième trimestre de 2008 a eu sur la valeur des positions d’investissements directs en devises étrangères. La diminution de la valeur du dollar canadien par rapport à la plupart des devises étrangères a ajouté 82,8 milliards de dollars à l’avoir total en investissements directs canadiens à l’étranger.
Les investissements directs canadiens demeuraient élevés dans les pays des Caraïbes à la fin de 2008. Le total des investissements directs à la Barbade, aux Bermudes et aux îles Caïmans s’est établi à 86,5 milliards de dollars. Au cours des dernières années, les investisseurs canadiens ont investi de plus en plus d’argent dans ces pays. En outre, parmi les plus importantes destinations européennes au chapitre des investissements du Canada on retrouvait l’Irlande, avec des investissements s’élevant à 20,5 milliards de dollars, et la Suisse (9,1 milliards de dollars).
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De plus le Canada vient de signer un accord de libre-échange avec le Panama, un paradis fiscal notoire. Dans son budget de 2007, Flaherthy voulait interdire la double déduction d’intérêts pour les investissements fait à l’étranger. Dans celui de 2009, il rétablit cette possibilité. Les conservateurs se présente comme le parti de la Loi et l’ordre. C’est tout le contraire. Quelle hypocrisie!
[...] Il est aussi possible de mesurer le contrôle étranger en se basant sur les revenus et les bénéfices d’exploitation que gagnent les entreprises au Canada. En 2007, les bénéfices d’exploitation des sociétés sous contrôle canadien ont enregistré une hausse de 6,5 %, comparativement à une progression de 1,0 % pour les entreprises sous contrôle étranger. Les sociétés sous contrôle étranger ont néanmoins représenté 26,2 % des bénéfices d’exploitation des sociétés actives au Canada. On peut se demander si cette baisse de bénéfice est réelle ou si elle ne fait pas partie de ces manigances comptables de firmes multinationales qui « transfèrent » les bénéfices vers les pays qui ont les taux d’imposition les plus bas, comme dans les Îles Caïmans. [...]