De manière générale, la pensée économique de ces dernières années a été plutôt défavorable aux politiques industrielles. Mais, partout à travers le monde, on voit les opinions changer. On assiste en effet à la résurgence des politiques industrielles dans le cadre d’une transformation nécessaire de la structure industrielle. Qu’on pense aux États-Unis, à la Chine, à la Corée du sud, qui dépensent des sommes astronomiques en recherche et en soutien financier à des projets qui vont leur permettre de faire le passage à une économie faible en carbone. Ces pays sont en avance sur tous les autres, mais ce ne sera pas très long avant qu’ils soient rapidement suivis.
C’est pourquoi le Québec devrait agir rapidement pour être parmi les premiers à agir. Le document de réflexion du colloque du PQ met justement l’emphase sur le rôle de l’État dans ce domaine et propose plusieurs idées pour renforcer le rôle des sociétés d’État que les Québécois se sont donnés. D’abord, en redonnant à la Caisse de dépôt sa mission originale de développement du Québec. On suggère aussi de créer une véritable banque de développement afin d’améliorer la cohérence de l’intervention économique de l’État. Enfin, le document propose de créer une nouvelle société d’État chargée plus spécifiquement de voir au développement des énergies propres.
C’est d’autant plus urgent et intéressant que le Québec possède les ressources les plus avantageuses, comme l’a signalé Martine Ouellet en ouverture du colloque. Mais que fait le gouvernement actuel ? Dans un texte paru sur mon blogue, je donne l’exemple suivant d’Hydro-Québec qui participe à une action pour le passage à une économie verte, faible en émission de carbone. En partenariat avec Mitsubishi Canada, qui est le promoteur du projet, une cinquantaine de voitures électriques seront mis en essai sur la route, dès l’automne prochain. Les partenaires veulent étudier le comportement de la i-MiEV — acronyme de Mitsubishi Innovative Electric Vehicle – sur les routes québécoises hivernales, permettant en particulier de mesurer la capacité de charge des batteries.
Rappelons que la i-MiEV est une petite voiture tout électrique (VE) qui peut transporter quatre passagers et qui se recharge avec une simple prise de courant domestique. Dans un article précédent, j’ai déjà signalé que ce modèle avait été adopté par Citroën (la C-Zéro) et Peugeot (la iOn) pour la commercialisation de VE en Europe prévue pour la fin 2010 au prix d’un peu plus de 10 000 euros.
Pour le projet québécois, ce sont diverses entreprises de la Rive-Sud de Montréal qui intégreront la voiture à leurs flottes de véhicules, dans le cadre d’un projet-pilote de 4,5 millions de dollars, présenté comme le plus important au pays en ce qui concerne une voiture 100 % électrique.
« Ce nouveau projet-pilote s’inscrit dans notre plan d’action en matière d’électrification des transports », dit Thierry Vandal, président-directeur général d’Hydro-Québec. « Il nous permettra d’approfondir nos connaissances sur cette technologie et son intégration à un réseau, ce qui nous aidera à planifier l’infrastructure de recharge requise pour les résidences, les entreprises et les lieux publics. »
C’est peut-être bon pour l’image d’Hydro-Québec, mais pour l’effort collectif à transformer l’économie québécoise en économie verte, on repassera. Cette manie à vouloir toujours présenter chacun de nos gestes comme « le plus important au pays » me rend généralement plutôt sceptique. Saviez-vous qu’un consortium mené par les groupes Renault et EDF va tester 50 véhicules électriques associés à des infrastructures de recharge alimentées par des énergies renouvelables dans la petite île de la Réunion (800 000 habitants) ?
Ce projet de Renault et d’EDF (équivalent à celui d’Hydro-Québec), en soi sans grande envergure, est issu du Grenelle Environnement qui, lui, prévoit une mobilisation de la France pour transformer le modèle productif français vers une économie sans carbone. Sur le territoire français, la stratégie est beaucoup plus ambitieuse (lire mon article cité plus haut).
Au Québec, on présente ce projet comme la preuve qu’HQ est sérieuse dans sa démarche en faveur du développement durable. En France, l’expérience similaire réalisée à l’Île de la Réunion est tout à fait secondaire, elle n’est qu’une – et particulièrement minime lorsqu’on la compare aux autres actions réalisées dans le cadre du Grenelle de l’Environnement. En fait, je soupçonne que le véritable promoteur des essais de voiture i-Miev au Québec ne soit pas vraiment HQ, mais Citroen/Peugeot qui chercherait à mesurer le comportement de la voiture dans des situations de froid intense.
HQ et le gouvernement actuel nous lance de la poudre aux yeux avec leurs annonces. Il faut que les sociétés d’État se donnent des stratégies plus agressives pour le passage à l’économie propre et qu’elles collaborent entre elles. La Caisse de dépôt et placement devrait jouer un rôle important pour financer ce passage à une économie à faible intensité carbone, comme l’ont fait remarquer unanimement les participants au colloque. La Caisse a été dans les années 1980 et 1990 un des plus importants financiers des champions nationaux du Québec. Ce n’est plus le cas depuis le changement de la loi de la Caisse en 2004, qui met l’emphase sur le rendement plutôt que sur la double mission de rendement et de développement du Québec.
Et c’est d’autant plus important que le passage à une économie verte exigera des investissements énormes en énergie renouvelable et en nouvelles infrastructures pour un modèle de transport durable. La Caisse y aura un rôle indispensable.
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