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Les énergies fossiles du golfe doivent-elles être exploitées ? (II)

Nous avons vu dans un billet précédent que l’exploitation des énergies fossiles dans le golfe Saint-Laurent devrait être précédée par une véritable évaluation environnementale. Évaluation qui ne semble pas être envisagée à ce moment-ci par le gouvernement du Québec. Pourtant les risques sont majeurs.

Le rapport préliminaire déposé par la firme d’ingénierie Genivar, portant « sur la mise en valeur des hydrocarbures dans les bassins d’Anticosti, de Madeleine et de la baie des Chaleurs », met en lumière, malgré le fait qu’on ne lui a pas accordé les ressources nécessaire pour réaliser une évaluation sérieuse, les nombreuses carences de nos connaissances relatives au golfe. Même s’il ouvre la porte à l’exploration, il admet néanmoins d’importantes lacunes : le besoin de mieux documenter les effets des déversements accidentels dans un environnement marin comme celui du golfe du Saint-Laurent, la nécessité de se doter de méthodes de récupération des hydrocarbures lorsqu’il y a présence de glaces, de mieux comprendre les courants marins, etc.

Les risques liés à l’exploitation d’hydrocarbures sont réels pour plusieurs espèces, et par le fait même pour l’industrie de la pêche. Le golfe est une petite mer dont toutes les composantes sont étroitement liées. Si on affecte la productivité du golfe, c’est la source de l’alimentation de toute la chaîne, y compris dans l’estuaire, qui serait affectée. Les baleines, la morue et la tortue de luth, sont exposées aux risques de l’exploitation des hydrocarbures.

Actuellement, l’exploration pétrolière et gazière est interdite dans cette étendue maritime de plus de 110 000 km2. Mais le rapport de Genivar propose que « [la] levée du moratoire sur les activités d’exploration et d’exploitation pétrolières et gazières en milieu marin pourrait se faire graduellement en privilégiant les aires de moindre sensibilité, permettant ainsi de suivre, de documenter et d’assimiler les données portant sur les techniques applicables à l’environnement du Saint-Laurent, aux interactions avec le milieu et à la perception sociale de telles activités » ! Donc plutôt que d’agir avec précaution, on nous propose de commencer l’exploitation pour pouvoir faire une bonne évaluation ! Mais que sont ces « aires de moindre sensibilité » ? Elles couvrent près de la moitié du golfe, y compris la portion qui recouvre la structure de Old Harry ! On propose d’interdire l’activité d’exploration dans l’aire de sensibilité forte, qui couvre 5,6% du golfe.

Concernant Old Harry, on pense que Terre-Neuve devrait commencer dès l’an prochain des activités d’exploration dans leur eau territoriale afin de mesurer son potentiel. D’où l’urgence de réaliser une véritable étude environnementale et de négocier avec le fédéral l’obligation de soumettre la création d’un éventuel Office Canada-Québec sur les hydrocarbures extracôtiers à un examen public approfondi. Pour l’heure, c’est l’Office Canada-Terre-Neuve qui devrait encadrer les travaux de forage à Old Harry. Or, la Coalition Saint-Laurent estime que l’Office Canada-Terre-Neuve n’a plus la crédibilité, ni l’autorité morale nécessaires pour mener à bien le processus de consultation et d’examen environnemental.

Suite à un accident qui avait provoqué la mort de 17 personnes en 2009, l’Office avait été l’objet de critiques sévères. Pourtant, au début de 2011, l’Office a caché pendant 3 jours l’existence d’un déversement de boues synthétiques d’une plateforme sous sa responsabilité sur la côte atlantique au large de St-John’s. La Coalition Saint-Laurent rappelle que ce type de commissions indépendantes, à la fois juges et parties dans le développement de l’industrie pétrolière en milieu marin, met en cause la sécurité des opérations pour la protection des travailleurs et des écosystèmes. Le principal problème vient du fait de confier à une seule agence le mandat de promouvoir le développement économique d’une filière d’activité, tout en assurant la protection de l’environnement et la sécurité des opérations, créant ainsi un véritable conflit entre l’intérêt de produire toujours plus et l’intérêt public de produire dans un environnement sécuritaire.

Les pétrolières ne peuvent pas contrôler les risques. Pas plus tard que le mois dernier, le géant pétrolier américain Chevron a du avouer qu’elle manquait totalement de préparation pour faire face à la fuite qui s’est produite sur l’un de ses puits dans l’océan Atlantique au large du Brésil. Selon l’enquêteur, Fabio Scliar, le personnel de Chevron sur le site avait avoué n’être « absolument pas préparé à gérer une urgence de ce genre ». Chevron aurait été alerté de la fuite par la société pétrolière d’État brésilienne Petrobras, qui exploite un puits non loin. L’entreprise chargée du forage est Transocean, propriétaire de la plate-forme Deepwater Horizon louée à BP qui a causé la plus grave marée noire de l’histoire des États-Unis dans le golfe du Mexique.

Selon l’Union internationale pour la protection de la nature (UICN), les entreprises qui veulent forer en mer au large des côtes devraient être en mesure de stopper toute fuite de pétrole en quelques heures pour éviter de nouvelles marées noires. Autrement dit, pour éviter les risques de déversement majeur, il faudrait exiger que les pétrolières forent simultanément deux puits afin d’être toujours prêtes à bloquer le puits principal plutôt que d’en perdre la maîtrise et engendrer ainsi une marée noire.

Mais à quel prix sommes-nous prêts à accepter l’exploitation des énergies fossiles du golfe ? C’est ce que nous verrons dans le dernier billet de cette série.

Discussion

Commentaire pour “Les énergies fossiles du golfe doivent-elles être exploitées ? (II)”

  1. [...] devrait être précédée par une véritable évaluation environnementale et que, d’autre part, cette exploitation comporte des risques majeurs. Dans cette optique, est-ce que le Québec peut véritablement se lancer dans cette aventure [...]

    Écrit par Oikos Blogue | Les énergies fossiles du golfe doivent-elles être exploitées ? (III) | décembre 20, 2011, 9 h 15 min

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