De plus en plus d’organisations prennent acte depuis un moment que la crise actuelle est une crise du modèle dominant de développement et que cette crise est une grande crise ni accidentelle, ni temporaire, qu’elle est globale, c’est-à-dire tout à la fois et à la même hauteur, économique, sociale et écologique. Qu’elle est aussi plus que jamais internationale par l’interdépendance accrue entre États, institutions et mouvements dans cette nouvelle phase de la mondialisation. C’est le cas de la Caisse d’économie solidaire Desjardins dont le président est Gérald Larose et du Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ) animé par René Lachapelle, président pendant quelques années du RQIIAC, le regroupement des organisateurs communautaires en CLSC. Ces deux organisations sont à l’origine du rendez-vous du 17 octobre dernier à Montréal dont nous avons déjà rendu compte. Elles étaient aussi très présentes à Chamonix aux Rencontres du Mont-Blanc. L’orientation qui a pris forme : « la planète n’y arrivera pas si on ne change pas de modèle, la planète sera solidaire ou ne sera plus ». Dans cette dynamique récente axée sur la question du développement durable, on retrouve également des groupes coopératifs dont le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, le CQCM ; une des deux organisations de coopération internationale du mouvement coopératif, SOCODEVI ; des coopératives forestières et agricoles, deux secteurs déterminants en matière de développement durable.

Voilà que les deux groupes récidives avec un rendez-vous solidaire à Joliette le 26 avril prochain pour débattre de virage écologique de l’économie. Le programme est ambitieux : au menu, la transition écologique de l’économie québécoise avec Robert Laplante de l’IREC et Kim Cornelissen. Mais aussi la transition écologique dans les pays du Sud: Nancy Caouette, journaliste, parlera de son expérience avec des pays de l’Amérique latine qu’elle a bien connu dans son travail pour différents médias. Alain Lipietz, économiste, député du Parti Vert au parlement européen, militant écologiste de longue date, sera de la partie comme invité international.

Un invité international de marque, Alain Lipietz

Au Québec, on connaît la réputation d’Alain Lipietz en tant qu’économiste dans les milieux de la recherche en développement régional. Qui a étudié dans ce vaste domaine vous référa immédiatement au livre qu’il a écrit avec George Benko Les régions qui gagnent (PUF, 1992) ou à l’autre ouvrage paru huit ans plus tard La richesse des régions, toujours avec Benko (PUF, 2000). En sciences humaines (travail social notamment), on vous parlera du livre La société en sablier. Le partage du travail contre la déchirure sociale (La Découverte, 1996 et 1998), ouvrage sensible à la montée de la précarité dans le monde du travail. Moins connue est sa contribution dans le domaine de l’économie sociale : Pour le tiers secteur. L’économie sociale et solidaire : pourquoi, comment co-édité par La Découverte/La Documentation française en 2001, ouvrage tiré d’un rapport issu d’une consultation nationale de 4000 responsables du secteur associatif et coopératif à la demande de la ministre de la Solidarité de l’époque, Martine Aubry du temps où le Parti socialiste était au pouvoir.

Ce qu’on sait moins, c’est qu’il a été député (Vert) pendant toute une décennie au parlement européen (1999-2009) après avoir eu un itinéraire politique de courte durée comme militant du Parti socialiste unifié (PSU) dans la foulée du mouvement de mai 1968 mais aussi des engagements sociopolitiques divers avec entre autres les paysans du Larzac et les ouvriers de Lip. Il rejoint les Verts en 1988. Son engagement dans la mouvance écologique est en outre lié à plusieurs travaux et ouvrages sur la question écologique dont Berlin, Bagdad, Rio : le xxie siècle est commencé, Quai Voltaire, Paris et Vert-espérance. Le futur de l’écologie politique, La Découverte. Les deux derniers en liste : en 2009, Face à la crise : l’urgence écologiste, Textuel, Paris. Et cette année, tout frais sorti de l’imprimerie, Green Deal. La crise du libéral-productivisme et la réponse écologiste, Paris, La Découverte.

Dans son dernier ouvrage, Alain Lipietz réactualise le fil conducteur de ses travaux en matière d’écologie politique de la façon suivante : la crise actuelle n’est pas seulement une crise financière, une crise de la dette et une crise provoquée par des investissements spéculatifs. « Plus profonde encore que la crise des années 1930, c’est la crise d’une façon de produire, de consommer, de se nourrir, de se chauffer et de se transporter…En 1932, Roosevelt avait proposé un New Deal entre les classes sociales. Ce n’est plus suffisant. Face à la crise alimentaire et sanitaire, et à la crise énergie-climat, il faut un aussi un deal avec la nature, un Green Deal ». Il faut donc repenser notre rapport au travail, notre rapport aux ressources naturelles et les rapports entre le privé, le public et l’associatif.

D’un côté, l’auteur cherche à démonter les mécanismes de cette crise et les obstacles au changement en analysant dans ce registre la terrible expérience politique de la Grande Dépression des années 30. De l’autre, en intellectuel engagé qu’il est, il avance quelques avenues d’une transition notamment alimentaire et énergétique en mettant aussi en lumière les coûts du non-changement. Alain Lipietz sera des nôtres à Joliette le 26 avril dans le cadre d’un rendez-vous solidaire organisé conjointement dans la matinée par la Caisse d’économie solidaire Desjardins et le Groupe d’économie solidaire du Québec (GESQ). Pour s’y inscrire et obtenir l’information requise, cliquez ici. Dans l’après-midi, la Caisse tient son assemblée annuelle. Le GESQ, de son côté, organise un débat, dans le cadre de la 6e édition de son université d’été, sur des pistes de sortie de crise en matière de solidarité internationale.