Au lendemain de l’élection de mi-mandat du 2 novembre, aux États-Unis, Équiterre et l’organisation canadienne Défense environnementale s’unissaient pour exhorter les gouvernements de l’Ontario et du Québec à concrétiser leurs promesses d’adopter des mesures contraignantes contre les grands pollueurs. Ce n’était pas un hasard du calendrier. C’est que, parmi les nombreuses initiatives « populaires » qui ont été présentées aux électeurs de certains États, la fameuse proposition 23, dont nous avons plusieurs fois parlé sur OikosBlogue, venait en effet de connaître elle aussi une « raclée » de la part des électeurs, de l’État de Californie, avec 61 % de votes contre. Cette proposition était en quelque sorte un référendum sur la politique climatique de la Californie puisque, comme le signale Équiterre, un vote en faveur de cette proposition aurait mise en veilleuse le rôle de leader que joue la Californie en matière de lutte aux changements climatiques, et en particulier pour la Western Climate Initiative (WCI) dont le Québec et l’Ontario font partie.
« Le Québec et l’Ontario peuvent partager avec la Californie le leadership pour mener la prochaine révolution industrielle, soit la décarbonisation de notre économie », a affirmé Steven Guilbeault, coordonnateur général adjoint d’Équiterre. « Nos gouvernements se doivent de mettre cette volonté à profit en imposant une tarification des émissions de carbone le plus tôt possible, de manière à ce que les pollueurs soient concrètement incités à modifier leurs façons de faire et à faire des profits en respectant davantage l’environnement ».
L’industrie pétrolière étatsunienne, qui était l’initiateur de la proposition 23, a donc échoué dans sa tentative de faire dérailler les efforts de la Californie et des États et provinces membres du WCI. Mais en même temps, cette raclée montre que tout n’était pas joué dans cette lutte à finir entre un mouvement réactionnaire, manipulé et financé par tous ceux qui refuse la transition rapide vers une économie plus responsable, principalement les entreprises du secteur des énergies fossiles et les grandes institutions financières d’une part, et la large coalition de ceux qui aspirent à un changement en profondeur.
Contrairement à l’administration Obama qui s’est engluée dans les compromissions irresponsables, l’État de Californie et la coalition qui s’est formée pour défendre le Climate Act se sont mobilisés pour dénoncer le discours négatif et trompeur des partisans de la proposition 23. Comme le signale Van Jones, un des leaders de ce nouveau mouvement de la Green Growth Alliance [Van Jones avait été nommé à un poste clé de l’administration Obama, puis remercié par ce dernier devant les pressions des républicains], la coalition contre la proposition 23 indique clairement qu’il était possible de prendre des positions courageuses et de gagner la population à sa cause.
« What’s happening in California is truly amazing. Hundreds of thousands, if not millions of voices, from literally every political, ethnic, faith, and socio-economic spectrum, all pulling for the same cause. This beautiful coalition gives us a glimpse of the green path forward toward clean energy, a prosperous sustainable economy, and a healthier planet. »
Mais a contrario, il faut reconnaître que si les initiateurs de la proposition 23 ont perdu en Californie, ils ont gagné au niveau national. Parmi cette coalition réactionnaire, on trouve les pétrolières et en particulier les frères Koch. Ces milliardaires de l’industrie énergétique sont derrière plusieurs paravents – dont l’Americans for Prosperity (AFP) – qui ont financé la coalition pour la proposition 23, le Tea Party et plusieurs autres organisations dont November is Coming, Hands Off My Healthcare, et l’Institute of Liberty, toutes mobilisées pour donner la raclée qui a été infligée à Obama la semaine dernière. Il faut préciser que le père des frères Koch, dont ils ont hérité à la fois la fortune colossale et l’esprit étroit, était le fondateur de l’organisation anti-communiste John Birch Society dans les années 1950. Cette organisation a été de tous les combats contre les droits civiques aux Etats-Unis.
Mais la famille Koch est aussi, présentement, l’un des plus puissants partenaires étatsuniens de l’industrie des sables bitumineux de l’Alberta. La raffinerie de la famille Koch au Minnesota traite 325 000 barils de pétrole par jour, dont 80 % provient des sables bitumineux de la province canadienne. Sachant que les sables bitumineux émettent 85% plus de GES que le pétrole traditionnel, ils avaient donc un intérêt pour le moins évident à s’opposer par tous les moyens à la politique climatique de l’administration Obama et en particulier à son projet de cap-and-trade.
Or, comme je l’expliquais dans un billet le mois passé, deux sénateurs républicains ont récemment déposé un nouveau projet de loi, le Oil Energy Security Act, qui fait la promotion des sables bitumineux pour garantir la sécurité énergétique des Etats-Unis. Avec le nouveau Congrès, il est sûr qu’ils pourront beaucoup plus facilement faire passer cette nouvelle législation facilitant le commerce du pétrole sale avec l’Alberta. Pour le plus grand profit des frères Koch…au prix d’une planète de plus en plus invivable.
[...] aux États-Unis. Cette minorité extrémiste, avec ses capacités financières illimitées, – voir dans mon billet du mois de novembre – a su profiter de la faible participation électorale aux États-Unis et d’un « marché » [...]
[...] approvisionneur de fonds du mouvement du Tea Party aux États-Unis. J’ai déjà indiqué, dans un billet précédent, les capacités financières de cette famille et le rôle qu’elle a joué, et qu’elle continue [...]