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Le samedi 23 avril 2022

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Saguenay : une coopérative agricole engagée dans le développement durable

Plusieurs coopératives forestières sont en train d’effectuer un virage vers la biomasse qui les met au cœur d’une démarche de développement durable. J’en rendais compte dans un article fin octobre. Et voilà qu’une vieille, très vieille coopérative agricole, Nutrinor, travaillant d’ailleurs de concert avec quelques coopératives forestières, s’est engagée dans un développement durable très éloigné de la façade «marketing» des entreprises multinationales qui tentent de nous faire avaler, par exemple, qu’il existe un pétrole vert. Ce fut la bonne surprise de ma visite récente au Saguenay. Cette année, Nutrinor fête ses 60 ans. Nutrinor en chiffres de 2011, c’est 1200 membres, des agriculteurs, près de 400 travailleurs et travailleuses à son emploi et un chiffre d’affaires de 312 millions $. Ces revenus se décomposent en 192 millions $ dans l’agroalimentaire (produits laitiers, de l’eau de source, une meunerie) ; 105 millions $ dans l’énergie (distribution d’essence et de gaz propane) et 15 millions $ dans les matériaux et les fournitures (quincailleries). Son actif : 82 millions $.

Sa production : 23 millions de litres de lait transformés annuellement, 12 millions d’oeufs, 55 000 tonnes de grains, 97,5 millions de litres d’essence (26 stations d’essence Sonic) vendus en plus de 20 millions de litres de propane. Nutrinor possède ainsi six divisions dont les produits laitiers et l’eau de source, les produits pétroliers, le propane, les productions animales et végétales, le secteur des pâtisseries et des charcuteries ainsi que celui des quincailleries. Cette coopérative agroalimentaire est la troisième en importance au Québec et la douzième au Canada.

Par delà les chiffres, la coopérative Nutrinor s’est illustrée à plusieurs reprises en matière de développement durable : par exemple son eau a un contenant récupérable, une grande partie du transport de ses produits se fait par train plutôt que par camion et l’entreprise vient d’entrer sur le marché de la distribution de la granule de bois.

Nutrinor met, faut-il le dire, 6 millions $ par année en recherche et développement. Le président de la coopérative, Yvan Morin, m’affirmait à la pause-café, suite à ma présentation et à la sienne au forum régional de la Coopérative régionale de développement (CDR) le 25 novembre dernier : « Soyons clair, le développement durable n’est pas un chantier à part, c’est complètement intégré à notre façon de faire aujourd’hui, voilà pourquoi nous investissons de plus en plus dans la recherche par BioNor que nous avons créé très précisément pour aller encore plus dans cette direction ». Cahier des charges, système de traçabilité, chaîne de valeur sont donc sur toutes les lèvres des dirigeants de cette coopérative. De plus, « pourquoi produire ici et transformer ailleurs? Çà nous posait problème! » Circuit plus court : « On a donc commencé à faire, en matière de production porcine, la transformation ici dans la région ». Oui mais qu’est-ce qui vous pousse à aller de plus en plus loin dans le développement durable ? « D’abord, çà rejoint les fondements de la coopération. Puis, cela assure une pérennité aux producteurs agricoles membres de Nutrinor. Et on ne s’en cachera pas ! La demande du marché est là de plus en plus, que ce soit le grand public, le gouvernement et même les détaillants ».

À quoi sert le 6 millions $ investis dans des projets de développement? « Les projets que nous mettons de l’avant visent à relancer l’agriculture régionale de manière à favoriser les retombées locales », dit Yvan Morin. « La région doit se prendre en main. Les activités d’Alcan et d’Abitibi Consol sont en décroissance dans la région. Et les emplois, dans ces secteurs, se perdent. L’agriculture doit prendre la relève ». De plus dans la mission de valorisation de l’agriculture nordique que chérit Nutrinor, le développement des bioénergies fait partie de sa vision d’entreprise. Le biodiesel en sera la plateforme de lancement. Millet perlé sucré, saule, huile de canola. Oui, Nutrinor veut prendre un virage vert et durable. « Il s’agit de développer une expertise qui assurerait une certaine indépendance régionale en matière énergétique », fait savoir Yves Girard, le directeur de la coopérative. BioNor Énergies est sa toute nouvelle division qui lui permettra de faire du chemin.

« Le biodiesel disponible actuellement provient partiellement des États-Unis », indique Frédéric Lebrun, chimiste de formation et coordonnateur du département Innovation, développement durable, bioénergies chez Nutrinor, embauché par la coopérative pour mettre sur pied le projet biodiesel. Une entreprise de récupération expédie quelque 750 000 litres d’huiles alimentaires usées qu’elle ramasse en région au sud de la frontière où elles sont transformées en biodiesel, dit-il. Ce biocarburant est ensuite acheminé au Canada. Bref, la direction que Nutrinor est en train de prendre, c’est de produire dans la région du biodiesel à partir des huiles alimentaires usées.

À cela s’ajoute qu’en 2009, trois coopératives forestières (Petit Paris, Girardville et Sainte-Rose), deux coopératives agricoles (Grain d’Or et Deux Rives), et Nutrinor, ont planté trois clones de saule parmi les plus prometteurs. Un projet d’une durée de quatre ans (2009-2012) au coût de 172 000 $ pour les six coopératives. Sept parcelles de 0,7 ha ont été plantées de boutures de saule. Le saule peut atteindre 6 mètres après 3 ans et produire de 7 à 23 tonnes de matière sèche à l’hectare. Un plan de saule, productif pendant 15 à 25 ans, a plusieurs utilisations : biomasse, litières, panneaux gaufrés, éthanol cellulosique. Le saule permet également de valoriser les terres marginales, les bandes riveraines, les terres en friche et même de revitaliser des coins de pays, estime la direction de Nutrinor.

Ici une remarque s’impose : suite à l’article déjà mentionné en début de texte, sur le virage «biomasse» dans le secteur forestier, voici quelques précisions. Dans le cas des coopératives forestières comme dans le cas des coopératives agricoles, il s’agit de projets de petite et moyenne envergure à l’échelle des communautés et non de grands projets émanant de multinationales, projets qui nécessitent une récolte massive de la biomasse forestière, ce qui pose problème (sur cette question voir le billet de G. Bourque). Cette petite enquête que je mène présentement sur les coopératives de ce secteur m’amène à penser que plusieurs d’entre elles sont bel et bien à la recherche d’alternatives aux énergies fossiles et ont une perspective qui s’oriente vers les énergies renouvelables. Cependant, comme dit l’agroéconomiste Michel Griffon, une révolution biologique est en cours mais cette voie écologique par la recherche scientifique ne fait que commencer et l’émergence de nouvelles techniques agricoles appropriées ne va pas de soi. Vaste chantier que nombre de coopératives explorent au quotidien. Que conclure sinon qu’une production qui respecte l’environnement tout en rendant les terres plus fertiles est une équation encore bien difficile à résoudre.

Source de référence : «Nutrinor en mode combustion durable» dans Le coopérateur agricole de janvier 2010. Pour en savoir plus sur l’évolution du développement durable au sein du mouvement agricole coopératif, on lira Le coopérateur agricole, rubrique Développement durable.

Discussion

2 commentaires pour “Saguenay : une coopérative agricole engagée dans le développement durable”

  1. [...] de ces coopératives forestières engagées dans une transition écologique tout comme le font certaines grandes coopératives agricoles à l’exemple de Nutrinor (biomasse forestière, utilisation du train plutôt que du camionnage comme moyen de transport des [...]

    Écrit par Oikos Blogue | Coopératives et développement durable aux États-Unis : une agréable surprise | mars 20, 2013, 6 h 17 min
  2. [...] grandes entreprises agricoles porteuses comme Nutrinor (400 employés, 1200 producteurs membres), expérience pilote de développement durable de la Coop fédérée. Il faut avoir en tête le grand virage écologique des 40 coopératives forestières (la biomasse [...]

    Écrit par Oikos Blogue | Économie sociale, écologie et solidarité internationale : des croisements inédits émergent | juin 19, 2013, 6 h 10 min

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